« Dans l’anonymat d’une chambre d’hôtel, l’une des femmes les plus puissantes d’Allemagne se donna à un homme dont elle ne savait rien, qu’elle n’avait vu que deux fois dans sa vie… »
Mais au bout de quelques mois, l’homme menace de révéler à la presse leur liaison : tous leurs ébats ont été filmés. Juliana Kant la milliardaire dénonce le gigolo. On l’emprisonne, la morale est presque sauve.
Une affaire de mœurs chez les riches ? Une liaison amoureuse qui tourne au chantage sordide ? Karine Tuil, dans son roman le plus troublant, dévoile l’arrière-monde de cette aventure risquée : qui est à l’origine d’une telle fortune allemande ? Pourquoi le grand-père de Juliana, premier mari de Magda Goebbels, et militant nazi, n’a-t-il pas été arrêté à la Libération ? Sait-on que le père d’adoption de Magda était un juif qu’elle a renié puis laissé mourir ? Pourquoi les Kant ont-ils gardé le silence sur leurs activités industrielles sous le Reich ? Et si humilier sexuellement la jolie bête blonde était une forme de vengeance ? Les fils ont-ils d’ailleurs reconnu la faute des pères, les vivants ont-ils pardonné aux morts ? Editions Grasset
Biographie
Kees Van Dongen (1877-1968), La Femme au canapé
ExtraitDans le lit de Braun, Juliana se découvrait une aptitude à la transformation, à l'oubli - au déni. Quel scandale ? Quelle pression ? Quelles vociférations publiques ? Elles n'entendait rien. Elle était cette femme cajoleuse, docile, qui n'aimait rien tant qu'être prise par cet homme, c'était une exécutante, elle n'avait plus aucun pouvoir, elle obéissait aux ordres qu'il lui donnait sans y chercher une dimension morale, elle était toute entière offerte, entre les mains de son amant, des mains puissantes qui saisissaient et prenaient, serraient et caressaient, mais que comprenez-vous à cela? Dans son lit, elle était une femme libre et affranchie des conventions sociales, des obligations familiales, elle n'était plus la fille de Philipp Kant mais une maîtresse sans nom, un objet de jouissance et d'abandon qui acquiesçait et devenait chaque jour plus servile, réclamant cette soumission, y trouvant une jouissance intense, se pliant à toutes les volontés de son amant s'y pliant totalement, ne refusant rien. Mais quand elle le quittait, quand elle sortait de la chambre de l'hôtel où elle s'était laissé manipuler, elle sentait monter en elle l'effroi et la honte, une honte puissante, rageuse qui la transformait, elle, l'héritière, la femme d'influence, en une captive effarouchée qui pleurait, cognait contre son ravisseur et sans doute aussi contre elle-même, son impuissance, sa faiblesse, son désir.
Pour Six mois, six jours, Karine Tuil est nominée auxPrix Goncourt et Prix Interallié 2010