Dans le cadre de la charte des services publics locaux signée en janvier 2002 avec les trois grandes associations d’élus locaux, l’Association des Maires de France, l’Assemblée des Départements de France et l’Association des Régions de France, L’Institut de la Gestion Déléguée a commandité une étude pour déterminer des indicateurs de performance de la restauration scolaire. Je recommande d’en prendre connaissance avant de lire la suite en téléchargeant le document IGD – Indicateurs cantine.
On peut tout d’abord s’étonner que ce soit un tel institut qui pilote l’étude. Certes il prend soin de mentionner que la gestion d’une cantine peut s’opérer soit en régie soit en … gestion déléguée. On voit tout de même mal les conclusions de l’étude préconiser le passage généralisé en régie des cantines.
D’autre part cette étude est révélatrice du mouvement de fond hygiéniste qui règne actuellement dans les cantines scolaires.
Examinons chacun des fonctions de la cantine et les indicateurs de performance qui leur sont attachés.
1. Distribuer des repas conformes à la réglementation sanitaire
Évidemment cet indicateur est cité en 1er. Le 1er objectif d’une cantine n’est pas de servir des plats que les enfants vont apprécier mais des repas conformes à la réglementation sanitaire. Le calcul de cet indicateur est grotesque. On pourrait s’attendre à ce qu’il mesure le nombre de troubles alimentaires constatés rapportés au nombre total de repas. Que nenni. Cet indicateur se mesure par le Nombre de non-conformité/Nombre de jours de fonctionnement du service !!!!!!
Les autres indices sont à l’avenant. On est en plein délire bureaucratique.
2. Satisfaire les besoins nutritionnels de tous les convives
Cela veut-il dire que l’on va mesurer le taux de satisfaction des convives ? Non il s’agit de s’assurer que l’on ne déroge pas aux règles du GEMRCN. L’indice mesuré est le Nombre d’anomalies constatées dans les tableaux de fréquence de service des aliments/Nombre de tableaux de fréquence remplis x nombre de lignes du tableau.
Peu importe si les enfants ne mangent pas pourvu que l’on respecte la fréquence des aliments préconisée par le GEMRCN.
3. ASSURER LE CONFORT ET LA SÉCURITÉ DES CONVIVES LORS DE LA PAUSE MÉRIDIENNE
On mesure ici la période d’attente et la durée du repas d’un échantillon de convives. C’est fort louable mais le document ne dit pas qu’elles sont les normes à atteindre en la matière.
4. PERMETTRE À TOUS LES USAGERS DE BÉNÉFICIER DE LA RESTAURATION SCOLAIRE
On mesure ici le taux de satisfaction des demandes d’inscription calculé ainsi: Nombre de demandes d’inscription/Nombre de demandes satisfaites.
Cet indicateur est très plus pertinent que celui qui consisterait à calculer le taux d’enfants mangeant à la cantine/nombre total d’enfants. Dans certaines villes les places à la cantine sont rares et on refuse l’accès à la cantine aux enfants dont l’un des parents ne travaille pas.
Cet indicateur mesure également si les tarifs de la cantine sont modulés en fonction des ressources parentales, ce qui évidemment est très important pour garantir l’accès à la cantine pour tous.
5. OFFRIR UN SERVICE DANS UNE PERSPECTIVE D’ENVIRONNEMENT DURABLE
Cet indicateur nous intéresse tout particulièrement. Il préconise le respect des objectifs du Grenelle de l’environnement en matière de produits bio et se calcule ainsi: Nombre de composants (ou produits) labellisés AB utilisés/Nombre de menus servis x nombre de composants des menus.
Plus étrange c’est dans cette rubrique que l’on trouve enfin un indicateur de mesure du gaspillage. On aurait très bien pu mettre cet indicateur dans un indice de mesure de la satisfaction des convives.
Cet indicateur se calcule comme suit: Poids moyen des plateaux en fin de repas/Poids du plateau test. C’est une méthode comme une autre mais on voit mal comment elle pourra être mise en pratique dans les offices. Il nous apparaît plus simple de peser les déchets en fin de service et établir des courbes sur la longue durée.
Cette rubrique abrite aussi un autre indicateur relatif à la gestion des déchets: Tonnage des déchets recyclés ou compostés sur le site/Tonnage total des déchets produits par le ou l’ensemble des sites.
6. ASSURER UN ACCOMPAGNEMENT ÉDUCATIF À LA SANTÉ, À LA NUTRITION ET À L’HYGIÈNE
La phrase commençait bien: un accompagnement éducatif à la nutrition. D’ailleurs la norme préconise d’associer les enfants à l’élaboration des menus ce que fait déjà la caisse des écoles du 2nd arrondissement de Paris. Malheureusement ensuite cela se gâte et on retombe dans l’hygiénisme ambiant puisque les autres domaines de l’éducation concerne l’hygiène et la santé. Rien sur l’impact environnementale de la nutrition et de nos modes alimentaires.
Il n’est pas fait mention non plus de la nécessité d’organiser des activités éducatives et ludiques pendant la pause méridienne. Les temps de pré- et post-repas sont souvent des temps non éducatifs où les enfants sont livrés à eux-mêmes encadrés par du personnel peu qualifié.
7. “OFFRIR UN SERVICE GÉRÉ DE FAÇON RESPONSABLE
Cette fonction de la cantine se calcule avec l’indicateur suivant: Nombre de personnels ayant reçu une formation depuis moins de 2 ans/Nombre total de personnels affectés au service de restauration collective. On comprend qu’il s’agit de la formation des personnels de cantine et d’encadrement hors cantine. Cet indicateur couvre aussi les coûts de maintenance et de gestion.
8. OFFRIR UN SERVICE GÉRÉ DE FAÇON TRANSPARENTE ET CONTRÔLÉE
Il s’agit ici de vérifier l’existence d’une commission de restauration tout en précisant que cette dernière est facultative.
Elle demande également la mise en place d’une gestion analytique. Rien de plus normal à notre sens.
On apprend enfin que tout ces critères n’ont pas un poids égal. Ils sont pondérés d’un coefficient. Et devinez quoi ce sont les fonctions 3 & 1 qui sont affectés de la plus grande pondération respectivement 30 & 20. Les aspects sociaux et environnementaux sont affectés d’une pondération de 5.
La priorité des cantines est donc de servir des plats selon une fréquence pré-établie, ne pas en déroger et selon des contraintes sanitaires draconiennes.
Cela ne fait aucun sens car ne permet de suivre les produits de saisons. Pourquoi lorsque c’est la saison des haricots verts ne servirait-on pas des haricots verts 2 ou 3 fois par semaine?
De même en pondérant aussi fortement l’aspect sanitaire de la cantine, en faisant peser sur elles une menace virtuelle (les grandes crises sanitaires qui ont affecté nos sociétés ne sont pas venues de cantines scolaires mal gérées), on cherche à effrayer les collectivités locales et les conduire à sous-traiter la gestion des cantines aux grandes sociétés de restauration collective.
La seule chose que je retiendrai de ce document est qu’il parle de service publique à propos de la cantine. Mais serait-ce pour mieux en dévoyer la notion en cherchant à ce que service soit effectué par des sociétés privées plutôt que par les collectivités locales elle-mêmes.