Peu importe que vous lisiez le Monde ou Mieux vivre votre argent : vous n'avez pas échappé aux manchettes évoquant la reprise de l'immobilier notamment à Paris.
La hausse est telle que même les milieux aisés ne parviennent plus à se loger à Paris intra muros (voir ici). La faute à la crise : les gens, se détournant de la bourse qui fait peur, se rabattent sur l'immobilier dont la "valeur" traversera n'importe quelle crise.
Il s'agit à l'évidence d'une bulle qui est en train de gonfler : ou plutôt, de regonfler, car la crise a à peine fait dégonfler les prix qui avaient déjà atteint des sommets en 2008 (voir ici). Crise des subprime qui, souvenez-vous, avait éclaté à cause de prêts immobiliers accordés de façon déraisonnable, sur des durées incroyables, à des gens peu solvables.
Et pourtant, il ne s'agit pas ici du même mécanisme : en fait, la montée des prix est le fait non d'acquéreurs qui achètent pour habiter, mais d'investisseurs, français ou étrangers.
C'est d'abord la conséquence de la mondialisation : la ville mondialisée devient un bien marchant comme un autre. Sa place de moyeu (hub en anglais) la met certes en contact avec les autres villes connectées, selon la logique d'archipel. Mais du coup, elle la fait participer de la logique de la mondialisation, qui est une mondialisation financière : la ville devient un produit financier qui obéit aux logiques de ce monde là. Bien loin de l'univers des habitants.
C'est d'ailleurs ce qui intéresse le géopolitologue : la ville n'est plus une ville d'habitants : comme indiqué dans l'article du Monde qui parle de pied-à-terrisation, la ville appartient à des extérieurs. Ceux qui y travaillent et qui la font fonctionner n'y habitent plus. Au point d'affaiblir le tissu social (les écoles, les cliniques, ...) qui "animent" la ville.
Il y a surtout un décalage croissant entre la ville et son environnement. Chacun parle des ghettos qui existent en certaines banlieues : c'est ne pas voir qu'ils correspondent à d'autres ghettos dans d'autres banlieues, ce qui a déjà été remarqué (ghettos de riches contre ghettos de pauvres), mais surtout, à une artificialisation croissante de la ville centrale. Paris, en perdant ses habitants perd son âme, et Paris perdant son âme perd ses habitants.
Ce déséquilibre croissant ne peut durer très longtemps : les bulles finissent toujours par éclater...
O. Kempf