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Un vendredi soir à la Maison Folie Beaulieu

Publié le 28 septembre 2010 par Lommedesweppes
Un vendredi soir à la Maison Folie BeaulieuUn vendredi soir à la Maison Folie BeaulieuIl est trois heures du matin. Ma table de travail est jonchée de bouteilles de bière vides et de paquets de biscuits largement éventrés. Mes paupières s'alourdissent et luttent contre le sommeil qui commence à m'envahir. Il est trois heures du matin, les nuages ont masqué la lune et je n'ai toujours pas trouvé « le » titre adéquat pour mon post, qui me permettrait de rendre compte, de manière juste et précise, du foisonnement d'idées et de témoignages qui ont envahi mon entendement.
« Il faut porter du chaos en soi pour accoucher d'une étoile dansante ». Cette phrase, je la connaissais déjà, mais elle a de nouveau résonné à mes oreilles ce soir. Mon idole le docteur Gonzo, qui vivait à chaque fois dans d'affreuses transes le bouclage de ses articles, était un expert en la matière.
La soirée de ce vendredi avait pourtant bien commencé. La nuit tombait doucement, l'air était calme et tiède, sûrement comme dans les années 20, au temps de la splendeur de la toute jeune cité jardin des cheminots, ou comme dans les années 60, en un temps où, après que la société française eut pansé les plaies de la guerre, elle s'épanouissait dans les Trente Glorieuses. Hommes, femmes et enfants convergeaient vers la salle de réunion qui brillait de tous ses feux. Avec son sourire éclatant et ses yeux pétillants, Françoise, dame de Beaulieu, était là pour nous accueillir et nous guider vers la salle de spectacle qui était presque complètement remplie vers 20 heures 30.
Aujourd'hui, les héros ne sont pas sur scène. Ils sont dans les gradins. Héros d'hier, héros d'aujourd'hui et surtout jeune héros de demain. Le réalisateur Guy Alloucherie, qui les a côtoyés pendant de longues semaines, les a trouvés chaleureux et merveilleux (Tiens, pourquoi pas « Alloucherie au pays des Merveilles » ?). Et pendant une heure trente, sur deux écrans en fond de scène, il leur a tendu un miroir dans lequel ils se sont exprimés et ont parlé de leur vie, de leur cité, n'évitant pas les sujets qui fâchent : l'insécurité, ou plutôt le sentiment d'insécurité, l'avenir du dispensaire place Dompsin.
Des artistes évoluant sur un fil (structure horizontale) et sur un poteau (structure horizontale) agrandissent encore l'écran double qui parfois raconte une double vie. Le film démarre sur un bruit de fond ferroviaire, qu'on ne remarque plus guère de nos jours. Les voisins du Marais étant également concernés ont été conviés également à s'exprimer.
Le film explore par ses procédés de mise en scène les dimensions de l'existence, la lutte immémoriale entre l'inertie et le mouvement (de longs plans statiques agrémentés d'une musique dynamique suggèrent à tout instant que quelque chose va démarrer ou partir). On sait bien par ailleurs que c'est lorsque les pensées bouillonnent qu'elles sont le plus instables. Ces travailleurs qui se racontent ont également vécu une vie hantée par l'instabilité, une instabilité à laquelle se préparent également les plus jeunes. Les textes lus par les comédiens se transforment parfois en violentes charges contre l'inhumanité du capitalisme financier. Et si l'on se résigne, que l'on ne lutte plus, que reste-t-il donc à faire en attendant Godot ?
Les 35 heures, ce n'est pas pour Guy Alloucherie. Il avait plus de 40 heures de film en stock lorsqu'a commencé le montage. Il n'en a gardé qu'une heure trente. Dans ces vies ouvrières, la RTT (relater le train et le textile) n'était pas de tout repos. Mais le message est passé, le spectacle a plu.
Alors merci à tous. Merci à Guy et à son équipe, merci à Françoise et au personnel de la Maison folie, merci aux habitants de Délivrance et du Marais. La leçon qu'il faut tirer de cette expérience et de tout ce qui s'y passe depuis un an, c'est que ce n'est pas une renaissance, mais une continuité. Que les passeurs de mémoire fassent qu'il en soit ainsi à jamais.
Mes doigts engourdis sur le clavier, le dos martyrisé d'avoir passé de si longues heures sur une chaise, je regarde par la fenêtre. Un nouveau jour se lève.
C'était un vendredi soir à la Maison Folie Beaulieu.

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