Des hommes, des femmes, des enfants dont on va rallonger le temps de rétention, que l’on va pouvoir « bannir » de notre territoire, ou « déchoir » de la nationalité française si, après des années d’efforts, de difficultés et de contraintes, ils sont parvenus à l’acquérir.
Le vocabulaire n’est pas innocent. Avec ce gouvernement, il est aussi toujours intentionnel. On se souvient du subtil rapprochement entre l’identité nationale et l’immigration qu’on a gravé au fronton d’un ministère et que nous effacerons d’un coup de torchon. Il ne mérite pas davantage.
« Déchoir », « bannir » sont parmi les mots les plus durs, les plus terribles de notre vocabulaire. Ils ont quelques apparentés dans la dureté : le bagne, l’adjectif « vil » et, plus châtié, l’opprobre. Il est curieux que ce gouvernement n’utilise les deux premiers qu’à l’intention des immigrés. Le vocabulaire s’installe ainsi comme le marqueur souterrain de la tache originelle qu’on veut leur faire porter.
Parlant de Maurice Papon, l’avocat Michel Touzet avait dit cette phrase qui m’a marquée « il est de ceux qui ne sont jamais allés voir les trains partant pour les camps ». Eric Besson est de ceux qui ne vont pas voir les familles sur les terrains nus où ils attendent de savoir s’ils seront logés, expulsés, retenus. Des heures, quelquefois des jours, assis ou allongés par terre, sans savoir et avec le seul secours de quelques militants de l’humain.
Je suis en route pour Paris, pour la deuxième bataille de cette rentrée : le projet de loi Besson. Il est d’un autre ordre que la réforme des retraites. La réforme est injuste et inefficace, le projet de loi est inique et malheureusement très efficace dans son intention : rallier les suffrages de ceux qui, par peur d’être déclassés, veulent désigner des hommes coupables de leurs maux, de leurs insuffisances, de leur inculture et de leur brutalité.