Avant d’être juré à la Star Academy, il a arrangé des albums ou des concerts pour les plus grands stars françaises. Il était aux commandes des nouveaux albums de Johnny Hallyday et Florent Pagny.
Tout récemment, il a réarrangé des chansons de Brel pour l’album de reprises de Florent Pagny et invité Johnny à élargir sa palette de chanteur, du plus intime à sa plus énorme puissance – deux des productions-phares de la saison, dans lesquelles son talent brille de tous ses feux. “Quand je n’ai pas le moral, je me dis qu’à trente-cinq ans, Ennio Morricone faisait encore des arrangements pour la télé italienne.” Le grand compositeur de musique de film italien trône parmi les dieux de son Olympe personnel, avec des arrangeurs, orchestrateurs et compositeurs multicartes comme François Rauber et Gabriel Yared. Chez ces derniers, il a retrouvé comme le mot de passe “de tous les arrangeurs que j’aime : l’amour du 2e mouvement du concerto en sol de Ravel, que j’ai utilisé mille fois pour des chansons.”
Et pourtant, insiste-t-il, “jamais je n’aurais cru que j’écrirais des arrangements et réaliserais des albums pour les chanteurs. J’avais toujours aimé la chanson mais je ne me sentais pas du tout programmé pour ça.” Conservatoires de Rennes, Nantes et Paris, postes de chef de chant et de première clarinette dans les formations classiques de Nantes, premières incursions dans le monde de la musique de film… Déjà, avant qu’il ait vingt ans tout est bon pour apprendre : les doctes cours du conservatoire comme les nuits au piano-bar, écrire pour le théâtre et composer des spectacles pour enfants… Quand, pendant plus de deux ans, il est assistant de Vangelis, rencontré au hasard d’un studio, il s’installe longuement aux claviers de son patron : “J’étais assez jeune, question synthés. Comme il travaillait la nuit, je passais la journée dans son studio, il avait tous les synthés de la terre…”
De Johnny à Pagny
Il assume d’autant mieux qu’avec Vangelis, il a travaillé avec quelques stars de l’opéra. Mais c’est aussi son attitude générale, serein quant à ce que l’on pense de lui, soucieux d’avancer plus que s’arrêter aux dogmes. “De toute façon, j’ai passé ma vie à être catalogué. Quand j’écris pour l’orchestre, on dit que je ne sais faire que de l’orchestre. Quand je fais deux albums avec Nougaro, on dit : “ah bon ? tu sais écrire pour big band ?”… Mais voilà : j’aime toutes les musiques.” Et voilà comment, aussi, il peut emmener sur des chemins nouveaux les stars les mieux installées. Ainsi avec l’album Le Cœur d’un homme, qui révèle des pudeurs et des nuances inattendues dans le chant de Johnny Hallyday : “Johnny a envie de faire cet album depuis une éternité et tous les noms peuvent circuler pour le faire. Il se trouve qu’on travaille ensemble depuis dix ans, qu’il a confiance en moi, qu’il a vu aussi que je viens du jazz et du blues, que j’y suis plus à mon affaire que quand il fait un album de pop classique.”
Cassar sait aussi baisser les armes, ne pas chercher à jouer au malin. Pour les titres de Pagny chante Brel qu’il a arrangés, il ne cède pas à la tentation de la réactualisation. “Il faut être très discret, il faut s’effacer. Quand j’écoute les versions originales orchestrées par François Rauber, je n’ai aucun problème avec le son, ni avec rien d’autre.” Cela ne veut pas dire qu’il s’est refusé toute ambition. “On peut gagner une jeune génération grâce à Florent, qui est un révélateur incroyable. C’est ce qu’on a fait ça avec Baryton : des gens qui n’écoutaient pas Tosca l’ont découverte par Florent. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui connaissent très mal Brel, et d’autres qui ont été rebutés par son chant très expressionniste. La façon de chanter de Florent, très en retenue, donne à rêver en proposant les chansons, ce qui va amener des gens à découvrir Brel.”Quant à lui, il va bientôt s’écarter des projecteurs pour quelques mois, dès la Star Ac’ achevée, pour retourner à la composition. Ce sera ” un spectacle mi-classique mi-world, tout ce que j’aime. De l’orchestre symphonique, de la musique celtique, de la musique asiatique…” Mais même cette ambition-là ne fait pas enfler démesurément ses rêves. “Mon problème, c’est d’être cultivé, d’avoir beaucoup appris. Si je regarde une partition de Stravinsky ou de Ravel, je me dis que j’ai encore une marge avant de me prendre pour quelqu’un de doué !”
Bertrand Dicale, RFI Musique