Lorsqu'on regarde l'histoire de la musique progressive anglaise du début des année 70, la majorité des connaisseurs vous diront sans hésiter que la forme la plus populaire de ce genre était dominée par des groupes de musiciens blancs. Si, dans la majorité des cas, ce fait est bien réel et pas vraiment contesté, ce n'est toutefois pas systématique, pour preuve ce très bon album du groupe Demon Fuzz intitulé "Afreaka" et publié en 1970, condensé de différentes influences ethniques et combinant des atmosphères jazz, blues, ou rock, se créant ainsi une identité propre et assez proche de ce que produisaient déjà les jamaïcains de Cymande à la même période.
Fondée par le saxophoniste Paddy Corea à la fin des années 60, c'est d'abord auprès de groupes anglais ska et soul que les futurs membres de Demon Fuzz s'expriment majoritairement, puis en 1968, à la suite d'une tournée au Maroc très enrichissante et qui marque profondément les musiciens, la formation emprunte une voie différente de ce qu'elle avait l'habitude de réaliser sur scène ou lors de festivals.
P.Corea: « Allez jouer au Maroc a été le tournant de la carrière du groupe. Les rythmes que nous avons entendus là-bas étaient si différents de ce que nous connaissions alors. Une fois retournés en Angleterre, nous avions encore l'habitude de jouer sous l'influence de la musique soul, mais petit à petit, nous avons commencé à y incorporer plus de notes progressives. A l'été 1970, nous étions devenus un vrai groupe de musique progressive ».
Demon Fuzz commence alors à développer un style unique définit par Corea comme étant une "combinaison de sonorités arabes et indiennes avec un léger avant-gardisme jazz".
Une fois leur son trouvé, le groupe est reçu pour jouer dans de nombreux clubs et festivals ainsi que dans quelques universités, et ne tarde pas à signer auprès du label "Dawn" qui représente déjà de nombreux artistes de la scène progressive. Ils se réunissent alors en studio pour enregistrer un disque, et ceconformément à la politique du label à cette époque, disque unique en son genre produit par Barry Murray qui supervise les cessions. Joué quasi "live", très peu d'overdub seront nécessaires. L'album bouclé et marketé, le groupe entame une tournée de promotion du label intitulé "Penny Concerts" en compagnie d'autres artistes de la maison. Un coup de pub qui aurait pu se révéler efficace, basé sur un principe simple. Le public est convié à assister à tous les shows de la soirée pour la modique somme de 1 penny. Idée alléchante au demeurant, mais qui ne séduira pas. La majorité des groupes sont encore inconnus et le ticket d'entrée paraît trop modeste pour intéresser un public qui ne s'imagine pas y trouver de réels talents pour si peu d'argent. La tournée à bien lieue mais "Dawn Records" perd beaucoup d'argent et se révèle être un piètre investiseur. La maison de disques ne se remettra pas de cet echec et déposera rapidement le bilan, entrainant avec elle les artistes qu'elle représentait. Cette tournée sera donc la seule et unique que le groupe ait faite avant de se séparer.
Ne reste pour la postérité que ce magnifique album "Afreaka" composé de 5 morceaux entre Afrique, Orient, et Occident, tous très bons, ainsi que 3 pistes bonus. La voix de Smokey Adams, du groove/rock et un poil de funk, des cuivres, un orgue et des guitares électriques. Un album à posséder de toute urgence, garanti réussi qualité 100%.