Comprendre ces attentats, ce qui animent ceux qui les commettent, ce qu'ils nous disent de leur stratégie devrait être une priorité. Le moins que l'on puisse dire est que ce n'est pas le cas dans la presse. Même dans la meilleure. Ce ne l'est pas non plus à l'université. La littérature savante sur le sujet est, bizarrement, maigre et, souvent, décevante. La recherche piétine, hésite… Il est vrai qu'il n'est pas facile d'approcher les candidats à des attentats suicide pour les interroger, qu'il n'est pas plus possible de réaliser des expériences. Les auteurs paraissent condamnés à compter les attentats, à les documenter, d'un coté, et à construire des modèles, de l'autre, chacun tentant d'appliquer, avec plus ou moins de bonheur, les modèles de sa discipline au phénomène, ce qui nous donne :
- des modèles politiques, comme celui que développe Robert Pape dans l'un des premiers livres consacrés à cette question : Dying to Win: The Strategic Logic of Suicide Terrorism (New York, Random House, 2005),
- des modèles socio-psychologiques qui s'intéressent aux phénomènes de groupe et tentent de comprendre comment des jeunes gens pris dans un groupe peuvent en venir à de telles extrémités,
- des modèles économiques qui tentent d'expliquer comment des agents rationnels (censés poursuivre leur intérêt) peuvent en venir à se suicider poour faire aboutir leur cause,
- des modèles psychologiques qui tentent de cerner le profil de ces terroristes,
- et, enfin, des modèles, que j'appellerai philosophiques ou polémologiques qui tentent de comprendre le phénomène en réfléchissant sur les conflits armés et leur gestion.
Ces travaux développent des hypothèses très différentes, mais leurs auteurs sont à peu près d'accord sur un point : les explications les plus classiques, celles par la misère (“We fight against poverty because hope is an answer to terror”disait George Buch) ou par l'irrationalité que développent régulièrement les gouvernements, à commencer par Georges Bush, sont fausses. Voici, cependant quelques repères pour avancer (à tous petit pas) dans la compréhension de ce phénomène.
Les données
Commençons par la description du phénomène, qui commence à être bien documenté : "During 2000–2004, écrit Scott Atran du CNRS (The Moral Logic and Growth of Suicide Terrorism ) there were 472 suicide attacks in 22 countries, killing more than 7,000 and wounding tens of thousands. Most have been carried out by Islamist groups claiming religious motivation, also known as jihadis. Rand Corp. vice president and terrorism analyst Bruce Hoffman has found that 80 percent of suicide attacks since 1968 occurred after the September 11 attacks, with jihadis representing 31 of the 35 responsible groups. More suicide attacks occurred in 2004 than in any previous year, and 2005 has proven even more deadly, with attacks in Iraq alone averaging more than one per day, according to data gathered by the U.S. military" Autrement dit :- le 11 septembre a constitué un tournant dans l'utilisation de cette arme,
- le nombre d'attentats terroristes a été, sur cette période, en progression rapide,
- les attentats ne sont pas limités à quelques pays, aucune région du monde n'est épargnée,
- ils sont très meurtriers,
- ils sont surtout, mais pas exclusivement, perpétrés par des organisations islamistes (les attentats suicide des Tigres Tamoul et du PKK n'ont pas de motivations religieuses, les organisations qui les montent sont laïques).
Un graphique de cet article met en évidence cette montée des attentats suicide après le 11 septembre :
Autre enseignement de ces études : ces attentats ne sont pas liés à la misère. Les jeunes gens (et jeunes filles) qui les commettent appartiennent souvent aux classes moyennes (plusieurs études le confirment, notamment un sondage réalisé en 2001 par le PCPSR, un organisme de sondage palestinien, auprès de 1357 adultes). D'autres travaux, s'appuyant sur la situation en Palestine, ont également mis en évidence le lien entre éducation et terrorisme : les terroristes se recrutent parmi les mieux formés au point que la montée du terrorisme parait liée à la montée de l'éducation, devenue terrain de bataille entre laïcs et religieux (voir, sur ce point, Reuven Paz, “Higher Education and the Development of Palestinian Islamic Groups ”, Meria, juin 2000)
L'analyse politique
Robert Pape a développé cette analyse dans un livre publié en 2003. Il a a étudié 188 attentats suicide réalisés entre 1988 et 2000 et a, donc, travaillé sur des données antérieures à la grande explosion des attentats suicide. Sa thèse tient en quelques mots :- le fanatisme religieux n'explique pas le phénomène, à preuve, les attentats réalisés par les Tigres Tamoul, une organisation marxiste-léniniste,
- le terrorisme et les attentats suicide relèvent d'une stratégie conçue pour forcer les démocraties libérales à abandonner des territoires qu'elles occupent : "Suicide terrorists sought to compel American and French military forces to abandon Lebanon in 1983, Israeli forces to leave Lebanon in 1985, Israeli forces to quit the Gaza Strip and the West Bank in 1994 and 1995, the Sri Lankan government to create an independent Tamil state from 1990 on, and the Turkish government to grant autonomy to the Kurds in the late 1990s. In all but the case of Turkey, the terrorist political cause made more gains after the resort to suicide operations than it had before."
- Al Qaeda est moins un réseau informel d'organisations religieuses intégristes qui prennent contact au travers d'internet qu'une alliance militaire entre mouvements de libération nationale qui s'opposent à un même ennemi : l'impérialisme américain et occidental (Dying to win, p.102). "Pour Al Qaeda, écrit-il, la religion importe mais d'abord dans le contexte d'une guerre de résistance nationale",
- les terroristes qui commettent des attentats suicide ne sont pas des suicidés ordinaires. S'appuyant sur les travaux de Durkheim, Pape les analyse comme des suicides altruistes. On se souvient que Durkheim, s'appuyant sur des pratiques des sociétés primitives (suicides épouses, des serviteurs à la mort du maître) développe la thèse d'un suicide altruiste : "si l'homme se tue, ce n'est pas parce qu'il s'en arroge le droit, mais parce qu'il en a le devoir. S'il manque à cette obligation, il est puni par le déshonneur et aussi souvent pas des châtiments religieux" (Le suicide, p.236) et un peu plus loin : "dans tous ces cas, nous voyons l'individu aspirer à se dépouiller de son être personnel pour s'abîmer dans cette autre chose qu'il regarde comme sa véritable essence. Peu importe le nom dont il la nomme, c'est en elle et en elle seulement qu'il croit exister, et c'est pour être qu'il tend si énergiquement à se confondre avec elle." Ce type de suicide (dont Durkheim poursuit, de manière significative l'analyse par celle des suicides des militaires) se développe là où la société tient les individus trop sous sa dépendance. Une thèse que Pape confirme dans son examen des profils des suicidés qui ne sont jamais, dit-il des outcast, des solitaires, des isolés, mais au contraire des gens parfaitement intégrés dans leur milieu, dans leur famille.
L'analyse socio-psychologique
Scott Atran s'élève contre cette interprétation politique. S'appuyant sur les interviews qu'il a pu réaliser au début des années 2000 (soit dans une période différente de celle étudiée par Robert Pape) avec des jeunes gens susceptibles d'en commettre, il montre que ces attentats ne sont pas seulement le fait de militants tentant de défendre une terre occupée par un ennemi (comme ce peut-être le cas en Palestine), qu'il ne s'agit donc plus seulement de guerres de libération nationale, mais qu'ils sont également perpétrés dans des contextes complètement différents, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne. Ce sont alors des membres de diasporas ou des militants récemment convertis à l'Islam qui les commettent, ce qui l'amène à réévaluer la dimension religieuse de ces attentats.Scott Atran met également en doute la responsabilité d'Al Qaeda dans les attentats suicide. La plupart sont, explique-t-il, réalisés par des groupes autonomes, sans contacts avec d'autres groupes. Leurs réseaux sont constitués pour l'essentiels d'amis proches et de membres de leur famille. Il n'y a ni leader ni organisation terroriste mondiale qui chapeauterait les attentats. On a d'ailleurs vu, dans le cas de l'attentat contre Benazir Bhutto, les représentants "officiels" d'Al Qaida au Pakistan protestent fermement de leur innocence : "Je le démens fermement. Les tribus ont leurs propres règles. Nous ne nous en prenons pas aux femmes", a déclaré par téléphone Maulvi Omar, porte-parole de M. Mehsud." (Le Monde du 28/2/07). Déclaration qui surprend un peu sachant que les attentats suicide ont, justement pour caractéristique de ne pas faire de détail, de ne pas sélectionner leurs victimes.
Si l'on en croit Atran, Al Qaeda jouerait, au travers d'internet et de la multitude sites qui s'en inspirent (3000, dit-il), le rôle d'une université du terrorisme, permettant à des groupes de jeunes gens isolés, sans contact avec des représentants de l'organisation, de se familiariser avec son idéologie, de collecter des informations sur la fabrication de bombes… On aurait donc affaire à une forme d'organisation ultra-moderne basée sur l'esprit d'initiative de quelques groupes très lâchement reliés entre eux par la consultation des mêmes sites internet et par des réactions de colère similaires devant les images que la télévision nous montre de ce qui se passe en Palestine, en Irak et, de manière plus générale, dans le monde arabe, lorsque celui-ci est confronté aux armées occidentale,s qu'elles soient américaine ou israélienne.
Les analyses divergentes de Pape et Atran font penser que les attentats terroristes apparaissent dans différentes configurations :
- dans une configuration "organisée" : ce sont des organisations qui ont, comme le Hamas, les Tigres Tamoul… un programme, souvent de libération nationale, qui mènent des actions de propagande auprès de la population (les attentas suicide pouvant d'ailleurs être une manière de s'attirer la sympathie de la population comme ce fut le cas en Palestine où le Hamas l'a emporté contre le Fatah qui s'y opposait), qui, souvent, sont associées à des associations caritatives qui sélectionnent les candidats au suicide, qui les forment, les préparent et les envoient dans des actions pensées dans un cadre stratégique ;
- dans une configuration "anarchique", comme ce fut le cas en Espagne et en Grande-Bretagne où ce sont des membres de diasporas, apparemment bien intégrés, sans contacts avec des organisations terroristes qui organisent ces attentats. Ces jeunes gens se mobilisent et se forment en utilisant les moyens de communication les plus modernes : la télévision qui les maintient en colère contre les exactions des armées occidentales, internet qui leur offre bagage théorique et documents pour construire leurs armes.
Une des différences entre ces deux formes pourrait être que dans la première, les terroristes ont des comportements pro-sociaux, qui améliorent le bien-être de la communauté et l'aident à atteindre ses objectifs (les attentats amènent l'ennemi à modifier son attitude sur le moyen ou long terme), alors que dans la seconde, ces comportements sont anti-sociaux (ils ne font que dégrader le bien-être de la communauté), différence qui pourrait être signalée par le comportement de la communauté, tolérante ou complice dans le premier cas, hostile ou perplexe dans le second : les terroristes du Hamas ont contribué à rendre populaire ce mouvement en Palestine alors qu'on ne voit pas en quoi les attentats de Londres ou Madrid ont pu satisfaire ou faire plaisir à quiconque, que ce soit dans les pays dans lesquels ils ont été commis ou ailleurs dans le monde.
L'analyse économique
Les quelques économistes qui se sont intéressés au sujet ont essayé de comprendre comment des agents rationnels peuvent mener des actions suicide.Ces travaux sont relativement convaincants lorsqu'ils s'intéressent aux stratégies des organisations terroristes, lorsqu'ils insistent sur la dimension coût-bénéfice ou lorsqu'ils analysent les politiques de ressources humaines des organisations terroristes et montre qu'elles sélectionnent les candidats au suicide en fonction de la difficulté de l'attentat : plus celui est complexe, plus il est confié à des candidats mieux formés, qui ont un capital humain plus élevé (Benmelech, Berrebui, Attack assignment in terror organizations and the productivity of suicide bombers ). Dans un papier d'une veine voisine, Bueno de Mesquita rapproche la situation économique et terrorisme de manière originale : une situation économique très dégradée peut favoriser le développement d'activités terroristes, mais, dans ce cas, les organisations terroristes sélectionnent les mieux formés et les plus diplômés qui sont plus efficaces, loyaux et fiables que les jeunes qui n'ont pas fait d'études.
Leurs analyses des organisations, de la combinaison d'activités caritatives et terroristes sont également éclairantes. Pierre Emmanuel Ly envisage (in The charitable activities of terrorist organizations, Public Choice, 2007) "charitable investments by terrorist groups as a way for them to advertise their ideals among potential sympathizers. Indeed, charities not only provide a conduit for money laundering, they also truly benefit people in need. As a result, those who at least partly share the goals of the terrorist group are likely to be more willing to make their contribution to the fight." Les activités caritatives des organisations terroristes fonctionnent comme de la publicité et ont pour objet de changer les préférences des personnes. Ce qui n'est jamais qu'une vieille idée présente chez les théoriciens de la guérilla, notamment chez Che Gevara.
Les économistes sont moins convaincants lorsqu'ils essaient de comprendre les motivations des candidats aux attentats suicide, l'argument le plus fréquent insistant sur la préférence du futur. C'est celui que développe, par exemple, Jean-Paul Azam pour expliquer la prééminence de jeunes issus de milieux favorisés dans les candidats au atttentats-suicide : "educated people, écrit-il, have a stronger concern for the welfare of the future generations. This stronger altruistic feeling leads them to engage more decisively in terrorist activities, described as a means for increasing the probability of the next generation benefiting from some public good like freedom or national independence." (in How to Curb “High Quality” Terrorism? octobre 2006). Thèse qui amène Azam à envisager les politiques d'aide comme un remède au terrorisme : si ces politiques sont crédibles et efficaces (ce qu'elles n'ont pas été jusqu'à présent) ceux qui commettent ces attentats dans le seul but d'améliorer le sort des plus défavorisés sur le long terme n'auront plus de raisons de commettre des attentats. Dans ce même article, Azam explique que l'éducation peut conduire au terrorisme en combinant tout à la fois ressentiment (les jeunes diplômés ne trouvent pas l'emploi que leurs études leur permettrait d'obtenir) et volonté de changer les choses pour les générations futures.
Des économistes ont également utilisé la théorie des jeux pour comprendre les stratégies des Etats cibles (Arce, Sandler, Counterterrorism : a game theoric analysis, Journal of conflict resolution, 2005). Ils en ont identifié trois : la stratégie défensive (se protéger contre les attaques), ne rien faire, la stratégie offensive (porter le fer contre les organisations terroristes) et montré que la première des trois avait le plus de chance d'être retenue par les Etats puisqu'elle a pour effet de reporter sur les Etats qui se protègent le moins la menace alors que la troisième présente, à l'inverse, le risque du passager clandestin, un Etat s'appuyant sur ses voisins pour lutter contre le terrorisme.
L'analyse psychologique
Venons-en maintenant aux terroristes eux-mêmes. Nous avons vu qu'ils appartenaient plus souvent aux classes moyennes qu'aux classes déshéritées, qu'ils pouvaient, dans la diaspora, appartenir à des familles parfaitement "intégrées" (quoi que cela puisse vouloir dire), qu'ils avaient souvent fait des études. Mais ont-ils des comportements psychologiques différents? Atran ne le pense pas qui écrit explicitement : "In targeting potential recruits for suicide terrorism, it must be understood that terrorist attacks will not be prevented by trying to profile terrorists. They are not sufficiently different from everyone else." Ce qui l'amène à conclure : "Insights into home-grown jiahdi attacks will have to come from understanding group dynamics, not individual psychology. Small-group dynamics can trump individual personality to produce horrific behavior in otherwise ordinary people." C'est en travaillant sur la dynamique de groupe que l'on pourrait donc prévenir les actions terroristes. Une thèse que développe également Marc Sageman, un pionnier de l'étude des terroristes, auteur d'un livre sur le sujet (Understanding Terror Networks, 2004) qui a dit “it’s a group phenomenon. To search for individual characteristics… will lead you to a dead end” Mais comment faire lorsque l'on sait que ces groupes, s'ils ont des caractéristiques communes (de petite taille, avec des membres uqi partagent une foi profonde), peuvent émerger n'importe où? La solution est, dit-il, de contrôler de manière très fine les sites internet que ces jeunes gens consultent. Non pas de les supprimer, ce qui conduirait au développement d'autres formes de formation de ces groupes, mais de les contrôler de très près, de suivre les agissements des jeunes gens qui les consultent, leurs fréquentations, leurs publications (parce qu'ils annoncent souvent ce qu'ils vont faire dans des tracts…).Les psychologues ont naturellement cherché à identifié des profils type. De nombreux travaux ont été menés très tôt, sans grand succès, comme le montre la revue très complète de ces travaux que donne Jeff Victoroff in The Mind of the Terrorist, a review and critique of psychological approaches, (Journal of Conflict Resolution, 2005) qui montre que les personnalités des terroristes sont très différentes et qu'il est donc à peu près impossible d'en tracer un profil type. Article dont la lecture est un peu déprimante puisqu'il consiste en une critique souvent convaincante de la plupart des modèles avancés pour analyser les comportements des terroristes. Sa conclusion n'est guère plus optimiste : "Students of terrorism might justifiably conclude from the peer- reviewed literature that the total number of published theories exceeds the number of empirical studies—an imbalance that may be of more than academic import. Even the small amount of psychological research is largely flawed, rarely having been based on scientific methods using normed and validated measures of psychological status, comparing direct examination of individuals with appropriate controls, and testing hypotheses with accepted statistical methods. Insofar as policy makers rely on published analyses of the “the mind of the terrorist,” policies intended to reduce the risk of terrorism may be based on invalid premises."
L'analyse polémologique
Je voudrais, pour conclure cette revue d'une littérature qui reste maigre, dire un mot d'un modèle qui peut nous aider à comprendre ce phénomène : le mimétisme de René Girard. Dans son dernier livre (Achever Clausewitz, Canretsnord, 2007) Girard approfondit ses thèses sur le mimétisme en s'appuyant sur une réflexion sur la guerre et l'un de ses plus grands théoriciens, Clausewitz. Il ne parle pas du terrorisme que par allusion, mais il avance quelques concepts qui peuvent aider à comprendre le phénomène :- celui, d'abord, de l'indifférenciation qui amène à ne plus voir de différence entre ses victimes, à ne plus en distinguer entre militaires et civils, adultes et enfants, hommes et femmes… qui est une caractéristique de la guerre moderne (les bombardements des villes lors de la dernière guerre mondiale, la guerre atomique, le terrorisme, justement), cette indifférenciation n'est possible que si la haine à l'égard de l'adversaire rend aveugle aux différences au sein de la population,
- celui de la montée aux extrêmes,
- celui, enfin, de l'action réciproque : "Le terrorisme, écrit-il, est l'aboutissement de ce que Clausewitz identifiait et théorisait sous le terme de "guerre des partisans" : il tire son efficacité réelle d'un primat de la défense sur l'attaque ; il se justifie toujours de n'être qu'une réponse à une agression ; il se fonde donc sur la réciprocité." (p.41). "L'action réciproque, écrit-il un peu plus loin, provoque et diffère à la fois la montée aux extrêmes. Elle la provoque si chacun des deux adversaires se comporte de la même manière, répond aussitôt en calquant sur l'autre sa tactique, sa stratégie, sa politique ; elle diffère la montée aux extrêmes si chacun spécule sur les intentions de l'autre, avance, recule, hésite en tenant compte du temps, du brouillard, de la fatigue…" (p.44)
Ce modèle peut très bien s'appliquer aux groupes de jeunes gens qui posent des bombes en Europe. Ils peuvent avoir le sentiment de réponde à une agression de l'Occident à l'égard des sociétés du Moyen-Orient, agression que leur montrent les images de la télévision, en posant des bombes qui tuent des civils, ils peuvent avoir le sentiment de se comporter comme l'armée américaine qui bombarde des villages, ils font la même chose. Et, comme ils sont, par ailleurs, très éloignés de toute organisation hiérarchique traditionnelle, comme ils n'appartiennent à aucune armée, ils ne se comportent pas comme des militaires dont les analyses des stratégies et tactiques ennemies, jouent comme un frein à la montée aux extrêmes. Rien ne les retient de monter aux extrêmes.