L’éponyme album d’une vie dérangée comme la chambre d’un enfant demandant avec insistance « comment tu t’appelles ? ».
Philippe Katerine s’éloigne d’autant que l’on s’approche de lui, il part ailleurs loin des blas blas blas snobs et critiques, comme une reine d’Angleterre sous acide. Les derniers seront toujours les premiers dut se dire le petit Philippe à l’époque où il fréquentait les bancs de l’école : quand sonnait l’heure de la récré, il espérait recevoir des bisous de ses copines tant bien que mal et rêvait à cette liberté chérie en bouffant sa banane. Aujourd’hui, ses chansons claquent, il est comme ça, Philippe. Un mélodiste hors pair, de fesses. Il voulait écrire des chansons, faire un film, écrire un roman, il a fait tout cela dans le format si précis, si cadré de l’album pop. Sans moustache mais avec pastiche, il revient donc cette année et il faut bien le dire, on se marre bien à l’écoute de Philippe Katerine. On est balloté de chanson en chanson comme un sac en plastique, on en oublie même le téléphone qui sonne, qui fait de la musique, qui fait des photos, au bout du fil une voix bien connue répond « à toi à toi », cette voix charmeuse, drôle, touchante c’est celle de Philippe, une voix déroulant de la poésie au kilomètre, avec absurdité, audace et génie. C’est aussi innovant que le concept de Vélib’ à Paris. Personne ne s’y attendait, nous avons été surpris. C’est cela au fond La Musique, qu’elle passe sur une vieille chaîne ou sur une platine CD. Tellement fort que cela réveillerait les morts et tuerait les vivants. Ouais. Fort. Puissant. Orgiaque. Fou. Dément. Un sens aigu de la Mélodie, le rêve, le pied, de quoi réconcilier juifs et arabes et souder la nation. Bien plus personnelle que tout ce qui sort, plus incarnée qu’un jingle ou qu’une musique d’ordinateur, la dernière œuvre de Katerine est une moisson de petits tubes en puissance, un véritable champ de blé sans OGM et pas encore fauché. Mais pour tout dire, je m’éloigne d’autant de cet exercice que je me rapproche de la chronique, alors que le bla bla bla baisse, comme un King from Kingdom. Car, la dernière pensée qui vient de se hisser en première position, qui me vaudra une flaupée de bisous de mes lecteurs, c’est cette théorie rock et littéraire qui fait bien mal tant elle semble vraie, pertinente : le dernier album de Katerine est tout bonnement le Trout Mask Replica (de Captain Beefheart) français. Pourquoi ? Pour la même liberté de ton et de création, pour l’approche résolument minimale dans un cadre dilaté (24 chansons au total), pour la dissonance harmonieuse permanente doublée d’une folie qui donne aussitôt la banane. Une vision aussi qui vous laisse sur vos fesses tant elle va au-delà de ce que l’on produit actuellement en France. Comment s’appelle-t-il déjà ? Ah oui, Philippe, un nom que l’on ne connaissait pas bien avant le fameux Robots après tout. Un nom qui va désormais s’imposer. Et pour cause. Son disque parle pour lui. Les morceaux s’enchaînent sous formes de saynètes punk rock comme dans un film avec des femmes nues et des handicapés, jamais rasoir, ils forment un ensemble cohérent et dense à vous en défriser la moustache. Rien à jeter dans un sac en plastique qui finirait ensuite dans les poubelles de l’indifférence. Rien non plus de téléphoné, chez Katerine tout est frais, intuitif, délivré comme ça, avec fièvre et générosité. Oui, on a affaire à un artiste généreux dans l’âme qui parle à toi, à nous, à vous, à eux. Entre deux délires et une balade dans Paris en Vélib’, Katerine délivre des petites vignettes simples et touchantes. Cette musique passera à merveille le test de ma vieille chaîne que je ne suis pas résolu à abandonner sur un trottoir, le mauvais rêve, tout près du petit juif qui se trouve en face de l’épicerie arabe qui me fournit en tout. Y compris en musique d’ordinateur. D’ailleurs, celle-ci étonne, bluffe par son fascinant parti pris de décliner un thème jusqu’ici anodin, fonctionnel, en une mélodie planante aussi étendue qu’un champ de blé. Oh, elle s’achève au bout d’une minute et quarante neuf secondes et l’on aurait aimé qu’elle se prolonge en jam spatiale car les Français s’éloignent d’autant que je me rapproche de ce genre tellement anglo-américain et bla bla bla… Philippe Katerine est le roi de France, pas besoin de franchir la Manche pour le prouver, il sera toujours le dernier à arriver en premier : son nouveau disque relève du classique instantané et mérite des bisous, des bisous, des bisous. Et cætera et cætera et cætera…
Epilogue, mon cul.
Le lundi 27 septembre 2010, je déboulais à la Fnac déguisé en reine d’Angleterre avec une banane dans la bouche et me faisais embarquer par la sécurité avec, attrapé au vol de façon discrète et malicieuse, le dernier opus de Philippe Katerine. Chef-d’œuvre de l’absurde. Quand ma femme vint me récupérer au commissariat, après avoir signé quelques papiers indéchiffrables de ma cellule, l’officier vint ouvrir la porte, m’arracha le disque et le lui remit. Et me laissa en taule comme une vieille chaîne abandonnée. « Je vous chie à la raie » furent les derniers mots qui résonnèrent dans l’espace du poste de police.
Post-scriptum.
Voici les commentaires 2.0 laissés sur la page Youtube du clip La banane. Mais qui sont ces gens ??? Revue en détail de leurs profils socio pathologiques.
Le mal dans sa peau : « bof c'est d un con ! Si, au moins il etait bien foutu ! »
Le créateur : « vraiment original, je vous invite à aller écouter le titre "faire l'amour avec segolene" sur ma page ,aussi imagé que celui ci »
L’engagé : « Là tu pousses un peu. J'aime beaucoup Katerine, il est assez fou, d'accord, mais ceux qui sont libres mangent leur banane nus sur la plage, sans le crier devant une caméra. Ses paroles sont libres, ça on peut l'admettre. »
Le type en manque de reconnaissance : « je connais le neveu a phillipe catherine c un de mes potes!!! je vous juress il habite a vertou pres de nantes!!! »
L'humoriste régressif : « J'en ai une plus petite que_ Philippe. Hippolyte ... 7 ans »
L'émotif : « Lol dégenté... le kiff... »
Le foncedé au pétard : « En + il a raison pourquoi on devrait obeir ?????? REVOLTE BANANIERE !!!!! »
L'analyste sociologique : « Totalement décomplexé, déjanté et subversif... Katerine, dernier homme libre de l'Occident ? :o) »
Le partagé : « Mais keskil fume celui la mais c just tro bon »
Le dépressif : « Lui au moins me met de bonne humeur quand je déprime »
Le pas drôle : « Y'a Leclerc drive pour plus aller au supermarché Philippe, ça marche bien. »
Le révolté : « Enfin quelqu'un qui dit tout haut ce qu'on pense tout bas »
L'énigmatique : « Vive Locquirec et ses Sables Blancs! »
Le mystérieux : « Commentaire supprimé »
Le pote : « Arrête la frime phlippe, reviens à la poésie »
Le grincheux : « De la merde en tablette. Le pire, c'est qu'il va s'en trouver certains pour s'extasier et crier au génie. »
Et pour finir, le type qui pense qu'on a besoin de lui pour comprendre les paroles de la chanson : « Il est terrible ce mec !!! Complètement dingue , j'adore ! " Non mais laisser moi manger ma banane tout nu sur la plage. »
http://www.deezer.com/fr/music/katerine/-64877#music/katerine/philippe-katerine-648778
http://www.youtube.com/watch?v=h3ilLEN1Qew&ob=av2e
28-09-2010 |
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