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L’Autorité de contrôle prudentiel: la régulation française du système financier mondial?

Publié le 28 septembre 2010 par Sia Conseil

L’Autorité de contrôle prudentiel: la régulation française du système financier mondial? La crise financière de 2008 a mis en évidence un besoin de supervision financière plus large et plus poussée. Pour reprendre le mot de Christine Lagarde, une « super-autorité » est nécessaire pour réguler plus efficacement un secteur « super-sensible ». C’est le sens de l’ordonnance du 21 janvier 2010 qui crée l’Autorité de

contrôle prudentiel (ACP), autorité administrative indépendante adossée à la Banque de France, fruit de la fusion des autorités de contrôle et d’agrément de la banque et de l’assurance – de la Commission bancaire, de l’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles, du Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et du Comité d’entreprises d’assurance.

Avec quelques mois de recul et au-delà du discours enthousiaste de la Ministre, la création de l’ACP implique-t-elle de « super-changements », notamment au regard des trois objectifs affichés de la réforme : la stabilité financière, la protection du consommateur et le renforcement du poids de la France dans les négociations sur la régulation financière mondiale ?

L’objectif de stabilité financière implique de surveiller les risques dans l’ensemble du secteur

Publié en Janvier 2009, le rapport issu de la Commission Deletré, chargé  de réfléchir à une réforme du système français de supervision financière, insiste sur la nécessité d’adopter une approche macro-prudentielle pour assurer la stabilité financière. Parmi ses recommandations : le rapprochement des autorités de supervision et d’agrément de la banque et de l’assurance, vital pour faire émerger une vision globale de l’ensemble des risques et supprimer « les angles morts ». La crise l’a démontré : les liens entre banques, assurances et marchés financiers sont étroits. Les groupes d’assurance sont de plus en plus friands des instruments négociés sur les marchés financiers et les techniques de supervision ont tendance à converger, comme le montre la mise en place des dispositifs Bâle II pour les banques puis Solvency II pour les assurances. De même, les similitudes en matière de maîtrise des risques opérationnels et de lutte anti-blanchiment rendaient l’existence de deux autorités de supervision distinctes de moins en moins justifiable. La crise et le sauvetage par la FED d’AIG n’ont-ils pas aussi démontré que l’insolvabilité des gros groupes d’assurance représentait un risque systémique au même titre que les gros groupes bancaires ?

La fusion des quatre entités dans le cadre de l’ACP répond à ce besoin d’approche macro-prudentielle, d’autant que la nouvelle structure reste adossée à la Banque de France et continue de bénéficier de son expertise économique et de sa connaissance de la situation de liquidité des banques. Cet aspect n’est certes pas un bouleversement majeur mais le conserver et le réaffirmer permet assurément de conduire le changement avec plus de réactivité.

Illustration de cette rationalisation, la dissociation au sein de l’ACP entre le Collège et la Commission des sanctions semble être une mesure bienvenue. Alors que la CB et l’ACAM cumulaient jusqu’alors les missions de surveillance et de sanction, il pouvait ressortir un sentiment d’injustice vis-à-vis des membres des Collèges dont l’opinion pouvait parfois être arrêtée avant même que les débats relatifs à la procédure de sanction aient eu lieu. Plus encore, le risque pour le Collège d’avoir à examiner une situation dans le cadre d’une action préventive qui pourrait ensuite donner lieu au déclenchement d’une procédure de sanction qu’il avait lui-même à juger l’amenait le plus souvent à minorer et parfois même à ignorer sa mission de contrôle préventif pourtant indispensable à une régulation financière efficace. L’ACP opère désormais une séparation entre les mesures de police administrative du Collège et les mesures de sanction, à caractère disciplinaire, qui relèveraient de la Commission des sanctions.

Malgré cette nouvelle organisation qui semble, sur plusieurs points importants, plus efficiente,  le budget 2010 et les moyens humains de l’ACP sont supérieur à ceux des quatre autorités  agrégées. Cette augmentation de moyens est le signe qu’au-delà d’un changement de forme, la nouvelle ACP implique un changement de fond puisqu’elle est investie d’une nouvelle mission : la protection des consommateurs.

La protection des consommateurs

Cette nouvelle mission de plein exercice était un changement nécessaire. La Commission Bancaire manquait d’appétence pour le contrôle des méthodes de commercialisation et pour la protection des consommateurs. L’AMF ne contrôle pas la commercialisation des produits financiers et la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a une compétence générale qui appréhende difficilement les services financiers complexes. En installant l’ACP, Christine Lagarde avait d’ailleurs insisté sur la nécessité de trouver un « moyen d’assurer un contrôle homogène des conditions de commercialisation des titres ou des produits financiers, quelle que soit la nature du producteur ou du distributeur ».

Le manque de protection des consommateurs représente en effet un risque prudentiel important dans la mesure où une condamnation requiert un provisionnement et que le risque de réputation peut porter atteinte à l’image de marque de l’établissement. Aussi, les pouvoirs de l’ACP sont renforcés en matière de protection des clientèles : contrôle du respect  des dispositions des différents codes des métiers, vérification du respect des règles de bonne pratique relatives aux professions concernées, pouvoir d’astreinte, prononcé de sanction disciplinaire. Par ailleurs, la coopération avec la DGCCRF est renforcée pour le contrôle des dispositions du code de la consommation.

La création d’un pôle commun entre l’AMF et l’ACP vient notamment matérialiser une coordination en matière d’élaboration de politiques de contrôle de méthodes de commercialisation, de veille sur l’évolution de produits financiers dans le cadre d’un observatoire et de surveillance de la publicité. Ce pôle commun ouvre un guichet unique pour les demandes des consommateurs. Auparavant, un client d’une banque pouvait placer son épargne sous trois catégories de produits (OPCVM, assurance-vie, produits bancaires) soumis à trois autorités différentes. Désormais, pour toute information ou réclamation au sujet d’une de ces catégories de produits, il s’adressera à un guichet unique, Assurance Banque Epargne Info Service avec un site internet commun, www.abe-infoservice.fr, un numéro d’appel national unique et une seule adresse postale.

L’organisation du système de régulation financière français


L’Autorité de contrôle prudentiel: la régulation française du système financier mondial?

Alors que globalisation financière induit une réglementation prudentielle supranationale, les changements liés à la mise en place de l’ACP ne seront réellement efficaces qu’avec la poursuite du troisième objectif de l’ACP : peser dans les négociations internationales afin de faire valoir une vision française de la régulation et veiller à l’harmonisation des méthodes de supervision.

L’intégration au système international de régulation financière

Alors que la supervision des grands groupes paneuropéens est nécessaire, il fallait intégrer la convergence européenne dans les objectifs de l’ACP.

Aussi sa mission est impérativement inscrite dans le cadre européen, avec la prise en compte des objectifs de stabilité financière de tous les pays de la zone, l’implémentation des dispositions nationales et communautaires, la coopération avec les autorités compétentes des autres États et la participation aux structures de supervision des groupes transfrontaliers. La supervision de l’ACP devra donc se coordonner avec le Comité européen du risque systémique. Alors que les anciens comités Lamfalussy vont devenir des autorités européennes de surveillance à-même de proposer des normes techniques aux États membres, elle s’intégrera également au système européen de surveillance financière et devra notamment faire entendre la voix de la France au sein de l’European Banking Authority et de l’European Insurance and Occupational Pensions Authority.

Au-delà de l’édifice institutionnel et réglementaire européen encore en construction, l’enjeu crucial lié à la mise en place de l’ACP et la condition sine qua non de la poursuite de l’objectif de stabilité financière, est bien de peser plus fortement dans les négociations internationales notamment au sein des Comités Bâle III et Solvency II pour que ces derniers prennent par exemple en compte les spécificités du financement bancaire de l’économie en Europe, contrairement aux Etats-Unis où les entreprises se financent principalement sur les marchés.

Un premier succès vient d’être remporté : le Comité de Bâle a décidé que les banques devraient porter à partir de janvier 2015 le ratio de leurs fonds propres de meilleure qualité (Core Tier One) à 4,5% contre 2% actuellement et constituer en sus un « matelas de précaution » qui porterait ce ratio à 7% (alors qu’il était question de 10%). Le délai de constitution du « matelas de précaution » a en outre été allongé et interviendra de janvier 2016 à janvier 2019.

La mise en place de l’ACP implique donc à la fois un changement de structure pour appréhender de façon globale les risques et un changement de mission pour mieux protéger les consommateurs. Ces changements-là ne sont sans doute pas suffisants, la question décisive restant, pour l’instant, en suspend : la réforme de la régulation financière française aura-t-elle une influence significative sur notre capacité à peser sur les négociations en cours à l’échelle européenne et mondiale ? L’ACP est-elle suffisamment armée pour donner l’impulsion à une coopération financière internationale accrue ?

Sia Conseil



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