Voilà un an, et quelques jours, le Président de la République prononçait un discours – qu’il voulait ambitieux – à la jeunesse. Cela s’appelait « Agir pour la Jeunesse ». Martin Hirsch était encore Haut-Commissaire, le Livre vert tout chaud, la salle de la banlieue d’Avignon pleine d’apprentis – bien plus accueillants que les étudiants, surtout quand on les brosse dans le sens du poil – et les journalistes – maintenus par une sorte de cordons sanitaires – bien loin des acteurs sociaux présents.
Un an après qu’en reste t’il ?
C’est la question que tout le monde se pose. Et ça tombe bien puisque le ministre en charge de la Jeunesse a choisi aujourd’hui pour y répondre. En effet, dans notre monde médiatique le storrytelling est devenu la règle et nul doute que l’anniversaire d’un discours devient lui-même un événement, il faut donc y aller. C’est ce que fait le ministre. Après France Culture, Le Monde a publié une tribune du ministre intitulée sobrement « Qu’on cesse de parler de génération précaire ou sacrifiée !« . Cela a dû faire plaisir à nos amis de Génération Précaire… En même temps, leurs relations avec le ministre ne sont pas très bonnes comme on a pu s’en apercevoir lors d’un débat sur LCI à propos du RSA jeunes dont l’ouverture limitée pose question. C’est Julien Bayou qui nous avait raconté la scène sur son blog « Quand un ministre s’en prend au messager plutôt qu’à la galère des jeunes… « . Tout un programme.
Le ministre a donc prévu aujourd’hui de faire le bilan de l’action gouvernementale avec une petite matinée et une belle brochette d’invitée – mais aucun jeune ou représentants de jeunes à la tribune - qui a coup sûr diront tout le bien de l’action du gouvernement. Il faut dire que MP Daubresse lance plein de choses en ce moment : le rSA jeunes, le livret de compétence, les laboratoires jeunesse…
« Aujourd’hui, force est de constater que les ambitions initiales tardent à se traduire en actes » pour les associations
Pour souffler les bougies, Il a cependant été devancé par le Cnajep (la plateforme des organisations de jeunesse et d’éducation populaire) qui dans un communiqué daté de vendredi disait « Aujourd’hui, force est de constater que les ambitions initiales tardent à se traduire en actes. » Il y rappellait par ailleurs qu’entre le discours et sa mise en oeuvre, il y a un gouffre et que seuls « 2 mesures phares » ont été mises en oeuvre : le RSA dont « les conditions d’extension du RSA aux moins de 25 ans sont inadaptées à la réalité de la situation des jeunes et de leurs besoins, et n’auront qu’un faible impact sur leur parcours vers l’autonomie« . Et le Service Civique pour lequel, la plateforme note que « de nécessaires garde-fous restent encore à construire afin d’éviter les dérives vers du sous-emploi déguisé. » Enfin et peut-être surtout, le Cnajep rappelle que : « les expérimentations ne font pas une politique ! (…) Cette méthode expérimentale, outre qu’elle se développe au détriment de politiques plus structurelles en faveur des jeunes, ne règle pas la question des possibilités et des modalités de généralisation des expériences qui auront fait la preuve de leur efficacité. » Et enfonce le clou sur le lancement des laboratoires territoriaux « Et ce n’est pas l’opacité entourant le lancement des nouveaux « laboratoires territoriaux pour la jeunesse » qui permettra de lever ces incertitudes. »
Le Modem n’est lui pas en reste.
Surfant sur l’inquiétude autour des financements, il a dégainé le 21 septembre avec un communiqué au titre évocateur : « Baisses des moyens humains et financiers consacrés aux jeunes : Le Gouvernement abandonne toute ambition de politique de Jeunesse ! » dans le quel son secrétaire général, Marc Fesneau, étrille l’action gouvernemental. Il rappelle la conjonction de la réforme territoriale, de la Rgpp et des baisses de subventions qui lui font craindre : « l’apparition d’importantes disparités géographiques en matière d’aide aux jeunes. » Surtout, il fait le lien avec le Service Civique : « Les consignes semblent claires chez le Premier ministre : le déploiement du service civique à grande échelle devra se faire à budget constant pour le ministère de la Jeunesse. Une situation qui impliquerait une course d’autant plus effrénée aux économies, au détriment d’autres mesures tout aussi essentielles. » Et dont la disparition d’Envie d’Agir serait le symbole.
Selon la Joc : « L’espoir d’une politique jeunesse en France s’est encore éloigné en un an »
L’organisation revient, elle, sur les questions d’insertion professionnelle dans son communiqué et fait le constat que : « Le Service public d’orientation annoncé par le président de la République en Avignon n’a toujours pas vu le jour. » Pour son président, »Les jeunes de milieux populaires veulent un peu de stabilité. La précarité les oblige à vivre au jour le jour sans projet d’avenir et souvent sans accès à l’autonomie. Il y a deux jeunesses : celle qui a le droit à l’erreur et celle qui ne peut pas se tromper. Pour en finir avec cela, nous avons besoin de sécuriser les parcours scolaire et professionnel pour que tout le monde ait droit à une seconde chance. »
En tout cas l’action du ministre a fait bondir un élu local : Laurent Grandguillaume, Adjoint au Maire de Dijon qui, lui aussi sur blog, adresse une lettre ouverte au ministre en fustigeant son action qu’il qualifie d’ »injuste », « inéfficace », « archaïque » et « imprévoyante » en reprenant plusieurs actions récente du gouvernement.
Envie d’Agir disparait (ou pas ?)
C’est de ce côté que tout a débuté. Thomas Scuderi, adjoint au maire de Metz en charge de la jeunesse (et ancien lauréat d’envie d’agir) a lancé la révolte en découvrant la disparition programmé de ce dispositif d’aide au projet des jeunes. Il faut se souvenir que si sur le fond la disparition (ou la transformation) de ce programme n’est pas en soi un problème : il est probable que d’autres dispositifs verront le jour à l’image de ses nombreux ancêtres (Qui se souvient des Projets J, de Défi Jeunes etc.), son lancement avait été emblématique d’une certaine volonté de positionner clairement le ministère dans une relation directe aux jeunes, pris individuellement, au détriment d’une relation avec les associations et des projets collectifs. Le temps a – peut-être ? – corrigé cette partie là. Toujours est-il que sa disparition vient marquer la fin – temporairement ? – de cette volonté. rappelons quand même que la très grande partie des crédits d’aide aux projets des jeunes viennent des collectivités locales.
Et les jeunes, ils sont comment ?
Ou plutôt, il en pensent quoi ? C’est le sens de deux enquêtes parfois contradictoires publiées la semaine dernière. La première vient du Secours Populaire Français qui a demandé à Ipsos de sonder les jeunes. Ca donne un magnifique dossier dans la revue du Secours. C’est assez flippant mais tellement vrai. Ainsi à la question : « Personnellement, quand vous pensez à votre situation actuelle et à votre avenir, quels sont les sentiments que vous éprouvez le plus fréquemment ? » La 1ère réponse est Angoisse pour 50 % puis Colère pour 38 % suivi de Confiance (25 %), Désespoir (21 %) et Sérénité (17 %). La 2è enquête est celle de l’Ifop commandée par le ministère en charge de la jeunesse sous la forme du 1er baromêtre Jeunesse. Là les jeunes sont optimistes puisqu’ils sont « confiants ou très confiants dans l’avenir pour eux-même » pour 74% d’entre eux.
Charme des sondages…