Léopold Dauphin,
Stéphane Mallarmé,
Madeleine Legrand,
dans L'Aube Méridionale.
Dans le numéro 7 et 8 d'octobre 1898, encadré de noir paraît en tête de L'Aube Méridionale ce poème d'hommage à Mallarmé, mort le 9 septembre 1898, par Léopold Dauphin, il est suivi de Sur la Berge un poème sur l'enterrement du maître.
A Stéphane Mallarmé
10 septembre 1898
Musiques ombreuses vertes
Pour imiter les fontaines
Que tes flûtes si lointaines
Par leurs trous au soir ouvertesOu quel allegro touchant
Tes blés dorent maints et blonds
Clairs trilles de violons
Quand exulte le couchantMais sur les toits des fumées
Les fiancent à l'étoile
S'arpégeant avec le voile
Long de harpes embrumées.
Pleurs... le Rêve en ses décors
Clame une plainte de cors.Léopold Dauphin.
11 septembre 1898
Enterrement de Stéphane MallarméSur la Berge
de Bichenic à Samoreau
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Fiers de vivre éperdus pour un art qu'on insulte.
Th. de Banville.... la Mort, planant comme un soleil nouveau,
Fera s'épanouir les fleurs de leur cerveau.
Ch. Baudelaire.
Fastueuse fanfare ainsi qui veut te suivre
De crêpe noir voilée aujourd'hui, las ! Pour toi
Tout l'or sonore éclate au pavillon des cuivres.
S'il clame en notre deuil le long de ton Convoi
La tristesse éperdue, il rythme – non funèbre,
Une idéale Marche en avant vers ta Foi !
Cependant que descend ta Voix dans les Ténèbres
Pour les charmer ainsi qu'elle fit de l'Azur,
C'est, en larmes, le Rêve ici qui se célèbre,
Et la Lumière vient éclairant ce qu'obscur
Un mol entendement croyait être, et s'incline
L'Idée au vaste front devant ton Art si pur.
Cantique de Beauté ! Ce jet d'eau cristalline,
Liquide et noble lis, il surgit d'un Amour
Comme s'il nous montrait telle route divine
Où, mieux sereine, l'Ame ira son vol moins lourd.
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........... fleur suprême de l'homme,
Franchement, largement, simplement, l'Amitié.
P. Verlaine.« Parfumez l'âme de notre frère !
Aimez-la, fleurissez pour lui, roses du ciel ! »
Th. de Banville.
Mais, exhalant aussi leur plainte douloureuse,
Défaillent de tendresse à l'entour du cercueil
Et les hautbois plaintifs et la flûte pleureuse :
Ils pleurent l'Amitié dont ils eurent l'orgueil
Et qui nous valut tant de calmes douces heures
Alors qu'avait souri ton geste de l'accueil !
Ils pleurent et la Grâce et la Sagesse ! Ils pleurent
La Rêverie au fond de tes yeux comme un ciel,
Et, rayonnant : ton Charme ; et ta Voix : la meilleure !
Sanglots mélodieux, ils pleurent le bon miel
Parfumé de ta lèvre et toute son ivresse
Où nos pensers flottaient jaloux de l'Irréel !
Jusqu'au glas des voisins paysans qui ne cesse
De tinter à nos cœurs leur douleur, leur regret,
En cette pastorale émue : ô sa tristesse !...
Ton fleuve éploré coule et gémit ta Forêt.
Léopold Dauphin.
Léopold Dauphin (1848-1925), musicien et poète, il est l'auteur d'opérettes, d'une anthologie des maîtres de la musique... Ses poèmes, publiés dans le Chat Noir seront repris en volume dans, Raisins bleux et gris, avec un avant-dire par Stéphane Mallarmé (Vanier, 1897) (1). André Chevrier, dans son article Le sonnet anglais chez Mallarmé, consacre un chapitre à ce disciple de Mallarmé, amateur de « quatorzain » (2)
Il est le beaux-père du poète amorphe et librettiste, Franc-Nohain et se trouve ainsi être le grand-père du parolier et animateur Jean Nohain et de l'acteur Claude Dauphin.
Sous le pseudonyme de Pimpinelli il collabore au Chat Noir au Pierrot d'Adolphe Willette.
(1) Ses autres volumes de poèmes : Couleur du temps (Vanier, 1899), Pipe au bec suivi de Les Fontaines du Bois-Joli (Vanier, 1900).
(2) Chevrier Alain. Le sonnet anglais chez Mallarmé. In: Romantisme, 1995, n°87. Fins de siècle. pp. 29-53. Revue Persée.
Echos du N° 13 du 25 mars 1899 de L'Aube Méridionale :
« Le 8 mars, a été célébré, à Paris, le mariage de M. Maurice Legrand, plus connu dans le monde des lettres sous le pseudonyme de Franc-Nohain, et de Mlle Madeleine Dauphin, notre charmante collaboratrice. La rédaction de l'Aube Méridionale, est heureuse d'offrir aux nouveaux époux tout ses meilleurs vœux. »
L'Aube Méridionale, N° 10 et 11, décembre 1898, janvier 1899
Marie-Madeleine Dauphin (Béziers 1879 - 1942), fille de Léopold Dauphin et future épouse Legrand (Franc-Nohain), était dessinatrice, l'Aube Méridionale publia l'une de ses illustrations, en hors texte, dans son numéro 10 et 11, décembre 98 janvier 1899. Elle se fera connaître par ses dessins et aquarelles, sous le nom de Mme Franc-Nohain.
Elle illustrera de nombreux livres pour la jeunesse : Le Bon Dieu et les enfants de Francis Jammes, Les Contes de Ma Grand-Mère de Amélie Charles Duval, Le Journal de Bébé tenu par Maman, Chantons et Dansons d'Ernest Van de Velde, Histoires enfantines... ainsi que la série des Jaboune avec Franc-Nohain (histoires inspirées par leur fils Jean, qui gardera le pseudonyme de Jaboune pour ses émission radiophonique pour les enfants). Pierre Bonnard fera sont portrait.
Franc-Nohain dans Livrenblog : "Vive la France !" le Théâtre des Pantins censuré. Une lettre de Franc-Nohain.
L'Aube Méridionale. Pimpinelli dans Le Pierrot (2e, 3e et 4e parties).