Après avoir été régulièrement rabaissé, contourné, ignoré, François Fillon, à quelques pas de la sortie, adopte une posture à la fois détachée et bravache. Dans une communication soignée, le Premier ministre tente de se différencier du Chef de l’Etat. “Nicolas Sarkozy n’a jamais été mon mentor“, “J‘ai fait alliance avec lui, j’ai choisi de l’aider à être président de la République“. Après la soumission, le temps de l’ambition ?
Il est libre François, ou presque. Le fil qui le relie à l’Elysée est des plus tenus. Le couple de l’exécutif sait réciproquement que le temps de la séparation a sonné. Prenant les devants, François Fillon soigne sa sortie en prenant date pour l’avenir à travers un nouveau challenge à relever .
La “modestie” revendiquée des années Matignon n’explique pourtant pas tout. Jamais sous la Vème, Matignon n’est tant apparu que comme le simple relais administratif de l’Elysée.
Depuis sa nomination, le Premier ministre été ectoplasmique, déconsidéré par un déplacement inédit de tous les centres de décision de Matignon vers l’Elysée. Dans cette nouvelle configuration de l’exécutif, François Fillon est apparu non comme un premier de cordée mais de casting, bien servi dans son cas par cet air d’éternel communiant si rassurant pour la droite classique.
Pour preuve, c’est lui qui tire aujourd’hui les marrons du feu avec une côte de popularité qui fait blêmir l’Elysée. Las, la médaille à son revers. Les sondages nous ont appris que les niveaux de popularité sont souvent inversement proportionnels aux responsabilités exercées.
Oui, il est fort Fillon, semblable à ces bolides qu’il affectionne, capable de tenir de bout en bout une course d’endurance qui en l’espèce n’aura pas duré 24 heures mais trois ans.
Très fort pour assurer qu’après avoir été une lumière pâlote, il peut demain se muer en astre solaire et constituer un recours à la menace de naufrage du sarkozysme. L’homme de l’ombre veut désormais capter sa part de lumière en devenant une clé du succès de la droite en 2012.
Hallucinante posture où après avoir avalé toutes les couleuvres et exécuté le petit doigt sur la couture toutes les manœuvres imposées par son armateur, le capitaine Fillon déclare s’affranchir de toute co-responsabilité dans l’échouage actuel.
Ici pas d’exercice de droit d’inventaire à la Jospin mais un tour de passe-passe, comme si la séparation chirurgicale de siamois pouvait faire oublier qu’ils partagent les mêmes gènes. On peine en effet à croire à une différence idéologique entre les deux hommes. A peine quelques désapprobations murmurées dans un souci existentialiste mais, aucun acte fort pour faire barrage à l’abaissement républicain mis en oeuvre par le gouvernement dont il a la charge.
La loyauté qui lui est créditée est totale, vierge de toute écaillure, y compris dans les pratiques affairistes et clientélistes. Le soutien sans faille à Eric Woerth en est une parfaite illustration. La fidélité dans la tourmente s’assimile pourtant à une compromission morale par son absence d’opposition à une xénophobie d’Etat commencée sous le signe de l’identité nationale, déclinée sous sa responsabilité par Brice Hortefeux et Eric Besson.
Alors certes, des observateurs avancent que François Fillon a la fibre républicaine, qu’il n’aime ni le populisme, ni l’instrumentalisation du débat sur les Roms. Peut être, sans doute. Mais, seuls les actes comptent et son silence aura constitué pour la droite une caution morale aux dérives du sarkozysme.
A ce titre son bilan est terrible, résumé dans le premier terme qui vient à l’esprit pour résumer son rôle à Matignon : “collaborateur “. Un qualificatif décerné dans toute sa spontanéité par Nicolas Sarkozy et jamais démenti.