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Boardwalk Empire, ou l’art de la démesure

Publié le 27 septembre 2010 par Godsavemyscreen

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Atlantic City, janvier 1920.

Conformément au 18e amendement de la Constitution, il est désormais interdit, sur l’ensemble du territoire, de vendre, de consommer, de produire et de transporter de l’alcool. Soutenue par les pasteurs et les « Ligues de Tempérance », qui voyaient là l’occasion de faire reculer les violences faites aux femmes et la misère des classes populaires – l’amendement sur le droit de vote des femmes étant sur le point d’être ratifié, mieux valait prêter une oreille attentive à l’électorat féminin -, la Prohibition favorisa l’émergence d’une économie souterraine et fournit de nouvelles sources (conséquentes) de revenus aux mafias locales.

C’est ce chapitre de l’histoire que se propose d’étudier Boardwalk Empire, nouvelle production HBO qui ne se refuse rien ni personne : 20 millions de dollars pour ce seul épisode pilote, Terence Winter (scénariste et producteur exécutif des Soprano) à l’écriture, Martin Scorsese à la réalisation, Mark Wahlberg (Entourage, How to Make it in America, In Treatment) à la production et, pour ne citer qu’eux, Steve Buscemi et Michael Pitt sous les feux de la rampe… Une ambition démesurée donc, pour une série qui pourrait bien redorer le blason de la chaîne câblée, quelque peu terni depuis la fin des Soprano.

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Mais si l’ombre des Soprano plane inévitablement sur Boardwalk Empire – difficile de ne pas faire le lien entre le ponton sur lequel marche Enoch « Nucky » Thompson et celui qui vient hanter les rêves de Tony Soprano -, force est de constater qu’au-delà du milieu de la pègre, les personnages de Boardwalk Empire n’ont pas grand-chose en commun avec les mafieux fatigués et désabusés de David Chase. Alors que toute l’originalité des Soprano résidait dans ce pas de côté, dans ce décalage entre la fresque grandiloquente des « mafia films » et la routine neurasthénique du Parrain du New-Jersey, la dernière née des productions HBO se revendique comme l’héritière légitime du cinéma de gangster des années 50, s’inscrivant dans la tendance actuelle : là où la série de David Chase se concevait, aussi cinématographique qu’elle soit, comme une œuvre de télévision, s’appuyant sur ses codes et ses particularités pour mieux les détourner, Boardwalk Empire, à la manière de Mad Men, s’impose d’emblée comme le porte-drapeau d’une nouvelle génération de fictions télévisées, produit hybride du croisement entre deux cultures, deux méthodologies, deux façons de faire et de donner à voir.

Que ce rapprochement avec le cinéma soit considéré comme une avancée ou, au contraire, comme une perte d’identité, il paraît difficile de ne pas s’accorder sur un point : le pilote de Boardwalk Empire en met littéralement plein la vue. Reconstitution fidèle et quasi-maniaque de l’Amérique des années 20, casting impeccable et réalisation somptueuse, ce premier épisode nous embarque sans préambule près de cent ans en arrière, dans une époque qui ne nous est, finalement, pas si étrangère que cela. « It’s not sex, drugs and rock and roll. It’s sex, alcohol and jazz », s’amuse Terence Winter, qui n’hésite pas à faire le parallèle avec notre 21e siècle : scandales politico-financiers, corruption, trafic de drogue contre trafic d’alcool… Ou comme le dit l’adage : « The more things change, the more they stay the same. »

Et si le dicton s’appliquait également aux séries télé ?


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