Les inégalités hommes-femmes, on l’a vu, persistent dans les faits comme dans les esprits. Elles sont une préoccupation majeure pour la Commission, qui a récemment fait réaliser un sondage sur une de ses facettes les plus délicates : la violence conjugale (aussi appelée domestique). Un sujet rare dans les enquêtes d’opinion, et souvent considéré comme tabou, en termes médiatiques. Bien qu’il concerne, selon le Conseil de l’Europe, une femme sur quatre à au moins un moment dans sa vie.
Un phénomène connu et de plus en plus médiatisé
Si l’on s’en tient à la notoriété du phénomène, ce tabou semble avoir disparu : 98% des Européens déclarent en avoir entendu parler, sans variation majeure entre pays, pour 96% en 1999 (l’UE ne comptait alors que 15 membres). Cette prise de conscience passe par plusieurs canaux : médiatiques – la télévision, principalement (92%), ainsi que la presse (59%), la radio (41%), Internet (15%), le cinéma (13%) – ou personnels – 29% en ont entendu parler par des amis, 17% dans le cercle familial et 15% au travail.
Mais précisément, la question des sources par lesquelles on entend parler de la violence conjugale peut conduire à en relativiser la facilité d’expression directe ; en effet, les Européens entendent plus parler de la violence conjugale grâce à la télévision qu’en 1999, et moins via leur cercle de connaissances (c’est typiquement le cas en Finlande, au Royaume-Uni et en Suède). Ce qui peut traduire une baisse réelle des violences conjugales, ou sous un un angle plus pessimiste, témoigner d’une difficulté accrue à exprimer à ses proches que l’on est victime de ce type de violence.
Un Européen sur quatre connaît une victime de violence conjugale parmi sa famille ou ses amis
Les sondages ne nous permettent pas de trancher sur l’ampleur des faits, éminemment complexes à exprimer et à comptabiliser. Mais ils nous éclairent par certains chiffres : aujourd’hui, ce sont un cinquième (21%) des Européens qui connaissent quelqu’un qui a fait subir une forme de violence domestique à une femme, et un quart (25%) qui connaissent des femmes victimes de violence domestique dans leur famille ou leur entourage . Et ces chiffres progressent (toujours par rapport à 1999) : +9 points en France et au Luxembourg, où 26% disent connaître un personne coupable de violence dans leur entourage proche, +7 en Belgique (28%), +6 en Suède (30%). En Lituanie, c’est le cas d’une petite moitié de la population (45%) !
Une fois encore, ces chiffres peuvent traduire une plus grande facilité à aborder le sujet ou une recrudescence des cas de violence conjugale.
Un conscience du phénomène très variée selon les pays
A l’appui de la théorie optimiste, une conscience accrue du phénomène : 78% des Européens le jugent répandu, en hausse de 6 points. Mais l’on observe des variations très importantes selon les pays, de 91% en Italie, à seulement 50% en République Tchèque. La France (89%), le Royaume-Uni (87%) et le Portugal (86%) suivent l’Italie de près, tandis qu’à l’autre bout du spectre on retrouve la Bulgarie (56%), l’Autriche (63%) et l’Allemagne (64%).
Une demande de sanction
Quoiqu’il en soit, 84% des Européens déclarent aujourd’hui que la violence faite aux femmes est inacceptable, est devrait systématiquement punie par la loi. Un taux encourageant, qui confine à l’unanimité en Grêce (93%) ou en Espagne (91%), et qui a progressé de façon remarquable en une dizaine d’années : en 1999, seuls 25% des Grecs considéraient que la violence domestique devait être systématiquement punie par la loi. Au Portugal, c’est aujourd’hui l’opinion de 88% des citoyens, pour 46% à l’époque. Idem en Allemagne (86%, +33 points), aux Pays-Bas ou au Danemark (81%, +28 points), où l’on remarque des changements majeurs dans les mentalités.
Certains pays restent cependant toujours en retrait : en Lettonie, en Finlande et en Roumanie, seuls deux tiers des citoyens partagent l’idée d’une sanction systématique pour les violences domestiques.
Le sexe des répondants, variable prédominante
Comme dans le cadre des inégalités en général, il conviendra de noter certaines divergences de perception entre les hommes et les femmes vis-à-vis de la question de la violence conjugale. Ces dernières tiennent généralement un constat beaucoup plus sévère que les hommes : plus nombreuses à connaître des femmes victimes de violence, elles sont 32% à considérer les violences comme très répandues, pour 22% des hommes. Elles prônent davantage que les hommes des sanctions systématiques en cas de violences, et réclament enfin une plus grande implication de l’Union dans le combat contre la violence domestique.