La dernière vue d’ensemble de l’OCDE sur l’économie américaine l’affirme : « Les Etats-Unis se redressent lentement après une sévère récession et, avec des projections de croissance qui vont rester faibles pendant quelque temps, le chômage va rester élevé pendant une période relativement longue. » Le National Bureau of Economic Research (NBER) a fixé les dates de la récession sur 18 mois, débutant en décembre 2007 et se terminant en juin 2009. La bourse l’avait anticipé de trois mois à chaque fois, rebondissant en mars 2009 avant de commencer à hésiter à partir du printemps 2010.
Mais le W ne paraît pas d’actualité, c’est plutôt le L qui se profile, une croissance durablement molle en attendant le désendettement des ménages aux Etats-Unis, des Etats-providence en Europe, et la reprise de la demande qui poussera enfin les entreprises à investir et embaucher. Pour Patrick Artus, économiste-chef à Natixis, il faut attendre : 2008-2015 = sept ans de malheur !
Aux Etats-Unis, les statistiques du logement sont scrutées à la loupe car c’est bien de l’endettement immobilier - et des emprunts accumulés du crédit revolving – qu’est venue la tempête. Le risque est disséminé un peu partout, au travers des subprimes et autres produits titrisés, ce qui a engendré une aversion au risque qui dure encore. Certes, contrairement au Japon des années 1990, l’assainissement des banques a été plus rapide grâce à la Fed et au budget, malgré l’erreur d’avoir laissé Lehman aller à la faillite. Mais la frilosité demeure comme en témoigne l’envol de l’or et l’appétit pour les emprunts de l’Etat américain, valeurs refuges. Cette aversion pour le crédit a de fortes conséquences pour une économie américaine fondée sur la dette et le levier. Sa croissance restera molle car l’endettement des ménages aurait participé pour 1,8% par an à la croissance entre 1998-2008 !
Reprise en L donc, tant que la croissance, les emplois et la confiance stagnent à bas niveau. Mais les Etats-Unis ne sont pas le Japon et devraient s’en sortir plus vite que les quinze années pour rien nipponnes. La démographie est bien meilleure, les entreprises ont des bilans sains même si elles préfèrent la course au capital et à l’innovation au détriment de l’emploi, pour assurer leur avenir en croissance molle. L’avance technologique américaine ouvre la nouvelle frontière des pays émergents dont l’appétit consommation ne fait que commencer. L’avenir industriel est dans les pays jeunes, pas dans les pays vieux. L’Europe suivra le même chemin, avec le retard habituel de six à dix-huit mois sur les Etats-Unis. Le directeur général de Peugeot, Vincent Rambaud, estime par exemple que 2010 compte encore « beaucoup d'incertitudes » avec un marché européen freiné mais que « les marchés émergents sont très dynamiques et ont plutôt tendance à accélérer », notamment le Brésil, la Chine et la Russie.
D’où la guerre des changes, qui ne fait que commencer, qui est l’autre nom du protectionnisme. La Chine reste arc boutée à son yuan non convertible, indexé sur le dollar, au prétexte qu’une réévaluation déstabiliserait la société par fermeture d’usines. Des parlementaires américains estiment que le yuan est sous-évalué de 25 % à 40 % et envisagent de taxer à l'entrée sur le marché américain les produits chinois. Le Japon est handicapé par la hausse du yen et sa banque centrale intervient maladroitement pour le faire baisser. Le discours attentiste de la Fed fait chuter le dollar, ce qui est peut-être voulu pour assurer les exportations du pays, notamment celles de Boeing, toujours en bisbille à l’OMC avec Airbus sur les subventions militaires.
D’où la guerre contre les déficits qui ronge les Etats européens, après 40 ans de gabegie. Le ministre du budget, François Baroin, a réaffirmé que le gouvernement voulait réduire le déficit public (Etat, Sécurité sociale, collectivités locales) d'un peu moins de 8 % du PIB cette année à 3 % en 2013. Avant « d’aller au-delà, 2 % en 2014 ». Les Allemands ont fixé 0,3 %, qui est un retour à l'équilibre budgétaire en 2016. La Grèce, l’Irlande, l’Espagne, sont dans le collimateur des marchés, ayant du mal à refinancer leur dette sans un large écart de taux d’intérêt avec les emprunts allemands, pourtant dans la même zone monétaire.
D’où la guerre des idéologies économiques entre la France et l’Allemagne. L’Allemagne poursuit une politique de l’offre (partage des revenus en faveur des profits, réduction des coûts de production, transfert de la pression fiscale du travail et du capital sur la consommation) - la France suit une politique de la demande (croissance forte du crédit jusqu’à la crise, hausse stable des salaires réels, politique budgétaire stimulante). Force est de constater que l’Allemagne réussit bien, son écart de croissance dans le rebond en témoigne. Mais faire converger les deux économies phares de la zone euro – ce qui serait de bonne politique – bute sur les tempéraments. Cigale et fourmi font rarement bon ménage.
D’où les hésitations du CAC 40 entre 3770 et 3400 depuis plusieurs mois. Qui devraient durer, avant que New York redonne le ton. Conclusion : cash is king – les liquidités sont roi !