Pour la rentrée du Ballet à l'Opéra Garnier, on rend hommage à Roland Petit avec trois oeuvres courtes créées au sortir de la deuxième guerre mondiale , oeuvres d'une vitalité impressionnante."Le Rendez-Vous" , pour la première, sur un argument de Jacques Prévert. L'époque était faste en créateurs si pauvre dans le quotidien. Pablo Picasso fait le rideau de scène. Brassaï les décors, Joseph Kosma, la musique. Ambiance "il pleuvait sur Brest" garantie. Benjamin Pech (d'une élégance extrême) et Isabelle Ciaravola (idem) sont les "enfants qui s'aiment" qui dansent la résurrection de l'après-guerre. Mais le Destin est là qui ne veille pas, sous la forme d'une ombre maléfique (Michaël Denard, vétéran sublime) qui arme le malheureux d'un rasoir qui le perdra. Virevoltant bossu, Hugo Vigliotti triomphe dans son rôle comme s'il sortait des Visiteurs du soir.
Deuxième oeuvre présentée : "Le Loup" sur un argument de copains de Prévert, Jean Anouilh et George Neveu. Même état d'esprit. Ensemble , ils ont bu des coups, créé des revues à un numéro ("Discontinuité"), partagé des exils et des bohèmes pas si chics. Le Loup, à la chorégraphie sensuelle et presque...bestiale. Stéphane Bullion étoile au firmament incarne ce personnage que le psychanalyste des contes Henri Bettelheim aurait volontiers classé dans la typologie du" fiancé" animal .Les mélodies ryhtmiques et souples de Dutilleux, oscillant entre tonal et modal ajoutent au climat de tension et d'inquiétude qui font de cette oeuvre , un petit bijou. La chorégraphie de Roland Petit est ici remarquable notamment dans les mouvements de groupe. Amandine Albisson interprète une bohémienne sautillante, espiègle, sadique. On a envie de clouer cette insecte épris de liberté sur un herbier .
Les costumes et décors de Carzou évoquent l'univers des ballets russes. On est pris dans un tourbillon de beauté. Et le crescendo continue..."Le Jeune homme et la Mort " suit sur un argument de Jean Cocteau. Décidément le contexte est marqué ! Les décors sont de George Wakhevitch et la musique de Johann Sébastian Bach. La passacaille,en do mineur BWV 582, furieusement tragique. Pour incarner le drame minimaliste de Cocteau (un jeune homme amoureux, éconduit , se pend) , Nicolas le Riche, un danseur au sommet de l'expression corporelle. C'est violent et beau à la fois. Bref, aussi. D'autant plus violent. Un coup de poing, donné dans les années cinquante et qui fait mal encore aujourd'hui.
Opéra Garnier/ Roland Petit du 22 septembre au 6 octobre 2010