Inconstitutionnalité de la cession gratuite de terrain à usage public
par Cédric ROULHAC
Dans le cadre de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (Cass, Ass. plén. 25 juin 2010, N° 10-40008 ; Arrêt n° 12112), le Conseil constitutionnel constate une incompétence négative (art. 34 C.) dans le champ du droit de propriété, garanti par l’article 17 de la DDHC de 1789. Il sanctionne ainsi l’absence de garanties suffisantes apportées par une disposition du Code de l’urbanisme qui prévoit qu’une collectivité publique puisse exiger qu’on lui cède gratuitement jusqu’à 10% d’un terrain pour un usage public. A cette occasion, il confirme que le droit de propriété fait bien partie des « droits et libertés » visés par l’article 61-1 de la Constitution (voir la décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, SARL l’Office central d’accession au logement [immeubles insalubres] et la décision de principe du contrôle préventif : n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, loi de nationalisation) et réaffirme que l’incompétence négative - qu’il a soulevée d’office, après en avoir informé les parties - ne peut être invoquée dans ce cadre « que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit » (voir la décision n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark, Actualités droits-libertés du 21 juin 2010).
Dans sa décision, le Conseil rappelle qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux … de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources … du régime de la propriété » (cons. 3). Puis, il relève que la disposition déférée, qui permet aux communes d’imposer aux constructeurs de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites la cession gratuite d’une partie de leur terrain, « attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d’appréciation sur l’application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés » (cons. 4). Constatant qu’« aucune autre disposition législative n’institue les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’article 17 de la Déclaration de 1789 », le Conseil estime donc que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence et, partant, violé l’article 34 de la Constitution par une incompétence négative (cons. 4).
En application du second alinéa de l’article 62 de la Constitution, le Conseil précise la portée de sa décision : la déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision, et qu’ « elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles » (cons. 5). Les situations définitivement acquises à la date de l’abrogation ne peuvent donc être remises en cause.
Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-33 du 22 septembre 2010, Société Esso SAF [non-conformité totale]
Actualités droits-libertés du 23 septembre 2010 par Cédric ROULHAC
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