Magazine Journal intime

Comment se faire épouser (1)

Par Evainlondon

Telle est la question que je traîne depuis très – trop – longtemps. Allusions, discussions, supplications : mes tentatives d’approche sont allées crescendo en quatre ans de relation. J’ai même essayé l’ultimatum : « si tu veux que je te suive en Angleterre (sans boulot, sans ami et sans aucune envie), va falloir me demander en mariage ». Quitte ou double.

C’est quitte. Nouvel échec cuisant, accompagné du sempiternel « donne-moi encore six mois ».

Eh bien, nous y voilà. Cela fait six mois que nous sommes à Londres, et telle Sœur Anne, je ne vois toujours rien venir. A ma décharge, Prince est machiavélique. Là, où il y a quelque temps encore, il pressait le pas à la vue de la moindre bijouterie, il s’arrête maintenant invariablement, et lance l’échange suivant :

- (Prince, prenant un air concentré) : Qu’est-ce qui te plaît ?

- (Moi, fausse ingénue) : Oh… je ne sais pas. Ce collier, là, il est plutôt joli, non ?

(Prince, bien embêté) : Euh, oui, oui. Et dans les bagues (finaud) ?

- (Moi, jubilant) : J’aime bien celle-ci (pointant une bague en argent sertie de petites pierres violettes, c’est-à-dire celle qui, de toute la vitrine, ressemble le moins à un solitaire)

- (Prince, pris au piège) : (…)

Eh oui, à Machiavel, Machiavelette et demie. Prenant la mesure de son adversaire, Prince ajuste sa tactique de diversion. Une semaine plus tard :

- (Prince, l’air de rien, devant la boutique suivante) : Et pour une bague de fiançailles, qu’est-ce qui te plairait ?

-  (Moi, sautillant de joie intérieurement… et sans doute extérieurement aussi) : Alors, j’aimerais bien une bague vraiment originale, ni en or ni en platine, et surtout pas un solitaire.

S’ensuit un long examen des bagues en vitrine. Idem dans la boutique suivante. Et le samedi suivant. Et le suivant. A la douzième représentation du sketch « Comment faire croire à sa dulcinée qu’on a l’intention de la demander en mariage alors qu’en fait pas du tout mais ça permet de gagner du temps », je commence à voir clair dans le jeu de Prince. Mais, me remémorant l’échec des stratégies précédentes, je ne dis mot.
Au bout de plusieurs mois de « bis », ma patience est épuisée. Cette bague, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

Si, si, Prince est prêt à me demander ma main – enfin, presque. Désireux de me prouver sa bonne foi, il m’emmène a Hatton Garden, la destination de rêve pour toute jeune femme désespérée prête à se faire passer un gros solitaire au doigt. Je ne vous avais pas dit ? A force d’essayer des bagues rivalisant d’originalité, je me suis rendue à l’évidence : moi aussi, je veux un gros-diamant-bien-visible qui proclame que je suis FIANCEE.  Non mais.

Comment se faire épouser (1)

Nous voilà donc, déambulant dans Hatton Garden, une rue du centre de Londres entièrement consacrée aux bagues de fiançailles et alliances. Célibataires s’abstenir, entrée réservée aux couples, roucoulant et se bécotant de préférence. Les mâles à la recherche du diamant de la perle rare sont tolérés.

Avec plusieurs mois d’étude de marché, couleur, pureté et carats n’ont plus de secret pour Prince. Il est prêt. Il inspire un grand coup, et se lance :

- J’aimerais bien que ce soit toi qui choisisses la bague.

Légèrement surprise, mais conciliante, je me décide avant qu’il ne change d’avis. En moins d’une demi-heure, LA bague est choisie, négociée et emballée.

- Félicitations ! Quand vous mariez-vous ? nous demande le vendeur, tout sourire.

Prince se tortille, un peu gêné. Ben, c’est que… il ne m’a encore rien demandé.
Ca sent le roussi, c’est moi qui vous le dis.


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