Soyons honnêtes, chez les acteurs de l’économie sociale et solidaire comme ailleurs, certains clichés ont la vie dure. L’idée selon laquelle le secteur privé serait le mal absolu (j’exagère à peine) et qu’il ne serait bon qu’à faire du green-washing et à récupérer les bonnes idées des innovateurs sociaux en est un parfait exemple. Pourtant, des ponts sont à construire entre le monde de l’entreprise et l’économie sociale et solidaire. C’est inévitable : le privé va devenir l’une des sources incontournables de financement de l’ESS. Les acteurs de l’économie sociale et solidaire vont par conséquent devoir se rapprocher des entreprises et de leurs fondations. Ils ont certes déjà pris l’habitude d’aller frapper à la porte des « grands » acteurs de l’ESS (Crédit Coopératif, Macif, Maif, etc.), mais il faudra bien passer à la vitesse supérieure.
À ce sujet, on peut dire ce que l’on veut, mais l’Amérique du Nord est un territoire où le monde de l’entreprise et le secteur associatif ont appris travailler l’un avec l’autre en bonne intelligence. Lors de mon année au Québec, j’ai d’ailleurs découvert des partenariats très fructueux entre business et non-profit. En voici quelques exemples qui pourraient être des sources d’inspiration.
Gaz Métro contre le décrochage scolaire dans un quartier
Maison du développement durable : 5 millions sur 5 ans
La Tablée des chefs ou comment mobiliser les entreprises autour de la redistribution alimentaire
L’idée de Jean-François Archambault, fondateur de la Tablée de chefs est simple : récupérer les ‘restes’ alimentaires des événements d’envergure et les réinjecter dans les banques alimentaires pour distribuer la nourriture aux personnes dans le besoin. Cet entrepreneur social a réussi à fédérer les plus grandes entreprises québécoises (Banque nationale, Rona, Desjardins, SAQ, etc.) autour des missions de son association. Chaque année, ces firmes mettent la main au porte-monnaie pour soutenir la Tablée des chefs. Les investissements annuels atteignent plusieurs milliers de dollars, sans compter l’implication des salariés du privé dans le projet de Jean-François Archambault.
Des exemples comme ceux-ci, il y en a des dizaines (pour ne pas dire des centaines) au Québec. Ce qui est intéressant, c’est que les associations d’échelle nationale tout comme les petites associations de quartier ont appris à nouer des partenariats gagnant-gagnant avec le monde de l’entreprise. On trouve d’ailleurs des responsables de l’action communautaire (comprenez ‘vie associative’) dans de nombreuses entreprises québécoises. Leur rôle : être branché en permanence aux acteurs associatifs pour repérer les projets sociaux émergents et déterminer lesquels d’entre eux recevront ou pas le soutien financier et humain de leur entreprise.
Ne vous méprenez pas : l’idée n’est pas de plaquer ce mode de fonctionnement au système français. Mais la situation étant ce qu’elle est (constante diminution des financements publics), les acteurs de l’ESS vont devoir mettre de côté leurs beaux idéaux pour renouer avec un peu de pragmatisme. D’autant que les entreprises françaises s’intéressent de plus en plus aux acteurs de l’économie sociale et solidaire et peuvent leur apporter un véritable soutien financier et logistique.
L’originalité des Trophées réside dans la volonté de proximité, les fondations françaises nous ayant surtout habitués à soutenir les « grosses » ONG ou associations (cf. par exemple SFR qui soutient actuellement Emmaüs dans le lancement d’une offre mobile solidaire). Avec les Trophées des Associations, il s’agit de porter l’attention sur les petites structures locales « qui ne demandent qu’à développer leurs actions, et d’inciter le tissu des bénévoles à poursuivre leurs initiatives à travers la France ». Car nouveauté 2010, les associations qui s’inscriront aux Trophées pourront faire part de leur besoin en bénévoles via le site de l’opération. Autre nouveauté 2010 : les salariés d’EDF volontaires vont devenir les parrains des associations récompensées, histoire de nouer des liens durables entre les lauréats et l’entreprise.
Les frontières (pour ne pas dire les barrières) entre le secteur privé et l’ESS tombent donc peu à peu. Il faut s’en réjouir et imaginer des modes de collaboration originaux avec les entreprises. Laissons de côté les postures idéologiques pour imaginer l’économie sociale et solidaire de demain : une ESS moins dépendante de l’obole publique, toujours plus créative et résolument pragmatique.
Pour les acteurs associatifs souhaitant concourir aux Trophées des associations ou pour les personnes qui souhaitent recommander leur association préférée, c’est ici et c’est jusqu’au 10 décembre prochain.
Pour approfondir le sujet sur la philanthropie au Québec, je vous conseille le blog La Fontaine de pierres.
Et pour plus d’infos sur la Venture philanthropy qui se développe de plus en plus aux USA, voici un billet que j’avais écrit il y a quelques temps.