La Turquie d’abord. Ni tout à fait européenne, ni tout à fait asiatique, la Turquie est toute de tiraillements, politiques, sociétaux, culinaires. Une tatoueuse libérée y côtoie une voyante multicolore, accompagnée de ses deux djinnis, le bon et le mauvais ; une américaine fille d’Arménien rend visite à une stambouliote nihiliste ; la country concurrence le doudouk. L’homme est un homme mort chez Elif Shafak : culturellement, politiquement, moralement, historiquement, biologiquement. Un écrivain arménien au seuil de sa meilleure oeuvre est massacré par les Turcs, un frère viole sa soeur puis s’enfuit d’Istanbul, un exilé aux Etats-Unis pleure sa terre natale. La Bâtarde d’Istanbul dresse le portrait d’un pays-mouvement. Orhan Pamuk n’est pas très loin, comme un oiseau qui plane au-dessus de la ville.
L’Egypte ensuite. Un immeuble, mille habitants. Un pays, mille vies. Une époque, mille temps. Celui de Boussaïna, obligée de travailler sous les ordres de patrons verreux pour nourrir des frères. Celui de Zaki, riche vieillard célibataire dépouillé par sa soeur. Celui de Tahar, élève studieux converti à l’islamisme à cause de l’injustice dont il est victime. L’immeuble Yacoubian relit les êtres entre eux, les riches, les pauvres, les jeunes, les vieux, les femmes, les hommes. Alaa El Aswany n’est ni dur ni tendre, ni joyeux ni triste, il est, c’est tout.
Palestine. Mahmoud Darwich érige Une Mémoire pour l’oubli en forme de poème en prose, sous les gravas des villes et des êtres. « Le temps : Beyrouth. Le lieu : un jour d’août 1982. » Il s’agit de reconstituer des lambeaux de rêve, d’amour, de phrases, à l’aide de La Bible et du foot.
Bientôt, l’Iran.