Casablanca, 17 août, 13h.
Je me trouve à Casa Voyageurs, entre deux trains. De retour de l'aéroport, j'attends mon train vers Tanger, prévu au départ à 13h45.
Autour de moi dans la gare, d’autres passagers vont et viennent, s’arrêtent, se reposent, courent vers leur train, se regroupent ou s’attendent patiemment. Les quelques places assises sont toutes occupées, je m’installe donc confortablement à même le sol, dans un recoin.
Un circuit délimité par des cordons a été installé devant les guichets mais personne ne l’utilise ; au moment où je commence à rédiger ces notes, huit personnes sont entassés sans ordre précis devant les deux guichets ouverts. Une employée de Royal Air Maroc, arrivée par le même train que moi en provenance de l’aéroport laisse sa valise à mes côtés et s’installe avec les autres au guichet. Son bagage a un collant Triputacion l’identifiant comme appartenant à un membre d’équipage.
Les hauts parleurs annoncent le retard du train de 13h07 vers l’aéroport. Je souris; ce train qui est prévu 7 minutes après chaque heure n’est jamais parti à temps dans les moments où j’étais dans cette gare.
Un couple habillé de vêtements traditionnels – autant lui que elle porte un foulard cachant leurs cheveux – passe en courant dans la salle d’attente. Derrière eux – avec eux ? – une jeune fille d’environ 20 ans suit le même chemin. Elle porte également un voile lui couvrant la tête et les cheveux, mais porte des jeans et une chemise blanche à manches courtes.
Un homme s’éloigne du guichet, billet en main. Sur son tee-shirt, on peut lire l’inscription «I have been to Russia, there is no bear».
À ma droite, sur les sièges, un père et son fils patientent en silence. Le père est rasé de près et porte les cheveux très courts, une coupe relativement courante au Maroc, même si les résidents sont musulmans, comme quoi aucune faction ou pays pratiquant la religion n’adopte les mêmes règles ou ne les pratique avec la même sévérité. Le fils est coiffé d’une casquette à l’effigie d’une équipe sportive (Aguilas , «les Aigles», en espagnol).
Un jeune homme entre dans la gare; je lui donnerais 22 ans, il porte un simple jeans, mais sa chemise rose à dentelles blanches attire l’attention. Il passe par le circuit cordonné avec sa petite valise à roulette et s’installe derrière les 4 personnes qui sont encore au guichet. Il est rapidement rejoint par une femme de taille forte et au visage sévère portant des jeans trop serrés qui ne l’avantagent pas du tout, et qui tient une petite fille de 3-4 ans par la main. Je n’arrive pas à croire qu’il s’agisse d’un couple.
À l’autre bout de la petite station, la fille du kiosque Alliances Darna se penche pour ramasser quelque chose et attire le regard et les sourires entendus de trois jeunes hommes à proximité ; elle porte une chemise à manches courtes et au décolleté plongeant mais porte également un voile léger sur la tête, qui ne lui couvre pas vraiment les cheveux, par contre.
Mon «couple» quitte le guichet, et l’homme à la chemise rose file sur les quais alors que la femme et l’enfant traversent la station et entrent dans le petit kiosque à journaux au fond.
Un autre homme entre dans la gare et laisse carrément sa valise en plein milieu de la place avant de se rendre au guichet sans son encombrant bagage. N’importe où en occident, on imaginerait la chose imprudente, ou même dangereuse. L’homme est habillé d’un tee-shirt recouvert d’une veste en coton blanc ; il a l’air tout droit sorti de Miami Vice version série télé des années 80. Jamais il ne jette un œil vers sa valise restée 20 mètres derrière lui en plein centre de la station pendant les 4-5 minutes qu’il passe au guichet.
Ce voyageur m’en rappelle un autre, assis devant Suze et moi la veille dans le train Rabat-Casa. Il lisait des extraits du Coran en chantonnant quelques versets à voix basse. Une fois encore, ce genre de comportement en aurait inquiété plus d’un en occident – surtout dans les transports publics – mais au Maroc, la chose semblait tout à fait normale.
Une corpulente dame vêtue d’une longue robe bleue arrive du quai avec une valise sous un bras et une antenne parabolique sous l’autre. Elle sort de la gare en hélant un grand taxi.
La femme au regard sévère sort du kiosque avec son enfant en remorque; la fillette se délecte d’une glace, exempte qu’elle est d’observer le Ramadan vu son jeune âge.
Le train de 13h07 part finalement à 13h25. Je remarque que le père et le fils à mes côtés ont disparu sans que je ne me rende compte qu’ils étaient partis.
Une empoignade à l’extérieur monopolise soudainement l’attention des voyageurs. Une homme portant plusieurs sacs de plastique résiste avec vigueur et cris à un agent de sécurité bedonnant qui le force à s’éloigner de l’édifice. Les deux disparaissent de l’entrée mais on entend les vociférations de l’homme encore quelques minutes.
Mon train est annoncé sur la voie 7 au tableau de la gare mais Casa Voyageur ne comporte que 6 voies. Comme les annonces sur le quai sont souvent contradictoires, je me décide à mettre fin à ma rédaction pour aller voir si mon train pour Tanger est arrivé.
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[Note écrite a posteriori : Mon train était bien entré en gare, voie 1, mais n’était pas identifié comme étant le train pour Tanger. On a fini par informer les passagers et identifier le train quelques minutes avant son départ. Je suis monté à bord et, un peu plus tard, j’ai quitté Casa Voyageur avec seulement quelques dizaines de minutes de retard].
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