Nous nous sommes concentrés sur le plus urgent: les tomates arrivant à maturité. En 2 matinées, nous en avons ramassé à peu près 300 kilos, ce qui équivaut au... sixième de ce qu'il reste.
C'est une tâche plutôt agréable quand le temps y met du sien, qu'on peut s'asseoir sur un cageot et que le collègue est sympathique. Je ne me suis pas ennuyée une seconde avec David qui m'a raconté comment il a été amené à manger de la chèvre crue au fin fond de la campagne française dans une famille qui se nourrissait exclusivement d'aliments crus (pitié empêchez JB de lire ce post, ça pourrait lui donner des idées), m'a expliqué comment il a créé sa propre entreprise agricole avec quinzaine de potes pendant ses études, m'a parlé de son futur voyage en Israël financé par une association de riches Juifs américains... Tout cela avant de me faire l'apologie de la culture de la spiruline (dont il a découvert l'existence en travaillant dans une ferme en France), algue extrêmement nutritive qui n'a besoin de presque rien pour se développer et pourrait sauver l'Afrique(et notre ami JB?)de la famine.
Revenons-en à nos tomates (pas de moutons ici, malheureusement). Dans le lot, il y en a bien sûr des pourries (et pas qu'un peu), dont certaines très fourbes qui ont l'air magnifiques vues de l'extérieur mais qui t'explosent dans la main quand tu t'en saisis, t'envoyant leur jus nauséabond te couler le long du bras... Il ne faut pas les laisser moisir à terre car elles contamineraient leurs camarades... Ce qui m'a donné l'opportunité de m'initier à une nouvelle discipline, voire de m'y perfectionner. Je vous annonce avec fierté que je suis devenue une pro du lancer de tomates pourries. Vous voyez la barrière au fond de l'image? C'est là derrière qu'il fallait les envoyer... il y a eu quelques pathétiques ratés, mais avec l'expérience, j'ai appris à adapter la technique de lancer à la taille de la tomate, à son degré de pourriture, à la distance avec la clôture... tout un art.
Ça, c'était la phase 1, dont voici le résultat.
Phase 2: le lavage. Très important, le lavage... et pas seulement parce que ces souillons de tomates se sont roulées dans la boue. Pulicaro est une exploitation bio et les vilains pesticides du commerce n'y sont donc pas utilisés, mais faut quand même bien protéger les légumes contre les vilaines bêbêtes... alors on pulvérise dessus du cuivre oxydé dilué dans de l'eau. En regardant bien, on aperçoit en effet des petites taches bleues sur certaines tomates (vous auriez misé sur du vert? Moi aussi).
J'aurais bien aimé savoir cela avant de m'en empiffrer allègrement à même le champ pendant la première matinée de cueillette (idem pour le raisin)...
D'après Wikipédia, cette technique date de l'Antiquité...
Phase 3: le coupage... je peux vous en dire des nouvelles, j'y ai passé 4 heures hier matin (dispensée d'animaux, du coup) en faisant par alternance la causette avec Fiorella in italiano(discuter des systèmes de retraite en italien, c'est pas évident, mais je m'en suis honorablement tirée même si j'ai pas tout compris) et Gabrielle (nouvelle recrue américaine) in English... J'en ai un attrapé un cal sur l'index et un échauffement de cerveau.
Les morceaux pourris ou trop verts vont aux animaux.
Phase 4: Attention, c'est du sérieux. C'est là que se joue l'avenir des tomates qui ont réussi les tests pas très sélectifs du cageot et du lavage. Critère de sélection: la gueule de la cliente.
-la plupart finissent en bocal après avoir été égouttées, sans aucun ajout de sel ou autre. C'est d'ailleurs le sort qui a été réservé à la cargaison que j'ai lavée et découpée avec Gabrielle: Fiorella se chargeait de les mettre dans des bocaux d'un kilo(en 4 heures, on en a rempli plus de 60) cuits ensuite pendant une heure dans un chaudron.
-d'autres terminent en conserve avec des légumes variés du jardin, cuits et assaisonnés au préalable (huile de la maison et sel). Une ratatouille améliorée, en somme.
La cuisson leur donne un délicieux goût de fumé: la première fois que j'en ai mangé, je pensais qu'il y avait des lardons dedans alors que c'est 100% végétarien.
-certaines sont mangées en salade à la maison, mais la sélection est rude.
-et enfin, le fin du fin: les plus veinardes sont vendues telles quelles à un particulier.
Chiara et Marco ont mis en place un système de vente directe, ainsi leurs hôtes et les gens des alentours viennent se fournir chez eux en huile (leur production principale mais c'est pas encore la saison), volaille (vivante ou prête à manger, c'est comme ils veulent), lapins (idem), œufs, conserves, fruits, légumes, confiture, miel... (il est produit sur leur terrain mais ce ne sont pas eux qui s'en occupent).. Ils ont aussi un groupe de clients à Rome. C'est Pasquale qui fait la livraison une fois par semaine, profitant du fait qu'il descende de toute façon à la capitale pour son jour de congé. J'ai assisté une fois à la préparation des paquets à partir des commandes, c'est amusant, comme du shopping à distance. Exemple de la liste de Signora Gallinetta (nom fantaisiste pour préserver l'anonymat de cette pauvre dame qui n'a jamais demandé à ce l'intimité de son frigo soit étalée sur le net): un poulet en 8 morceaux (c'est du précis!), 10 œufs (que t'as intérêt à mettre en évidence sur le haut du cabas sinon crac smlarpf pendant le transport), un pot de confiture citrouille-orange-amaretti, un kilo de courgettes, un kilo d'oignon et... une livre de tomate.
Voilà. Si on m'avait dit qu'un jour j'écrirais une telle tartine sur... des tomates (que je détestais tant étant petite)...