Travailler sous la contrainte, se mesurer à des interdits, à des impossibilités, c’est la démarche de Matthew Barney dans sa série Drawing Restraint que le Schaulager à Bâle a acquise et montre jusqu’au 3 octobre. Dans cet endroit magique et rare (lieu de stockage d’une collection, fermé au public en dehors de l’exposition estivale), les dix-huit séquences de Barney se déploient largement. La salle supérieure est agencée comme une cathédrale, avec nef, transept, chapelles latérales et abside, où se confrontent vidéos et sculptures de Barney et tableaux médiévaux religieux, dont cette magnifique Jeune fille embrassant la mort de Hans Baldung (provenant du Kunstmuseum voisin, où elle est remplacée par un dessin de Barney, à côté de celui-ci, bien plus radical). De prouesse en exploit, au milieu de symboles ambivalents récurrents, l’œuvre de Barney semble ici plus fluide, plus plastique que le cycle Cremaster montré il y a quelques années au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, même si certaines des contraintes semblent un peu laborieuses (ainsi Drawing Restraint 18 et son dessin au trampoline).
Il faut sortir sur le parvis pour voir, projeté sur deux grands écrans LED, le film Drawing Restraint 17 : une jeune femme entre au Schaulager, se faufile au pied du mur d’escalade et commence à grimper. Tout en haut, la dernière prise se rompt et elle tombe en une chute interminable, tragique. Cette fois-ci, ce n’est pas Matthew Barney le protagoniste, mais une grimpeuse blonde comme un ange qui, à son tour, s’est confrontée à une contrainte extrême. Ce passage de l’intérieur du Schaulager à l’extérieur, des installations, sculptures et moniteurs vidéo à ce grand écran, des gymnastiques physiquement limitées de Barney à la danse aérienne de cette jeune femme, de la sécurité au drame, est le plus beau moment de l’exposition.
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