Bretelle daccès à une autoroute et préjudice anormal et spécial à raison des troubles dans les conditions d'existence et de la dépréciation de propriété

Publié le 24 septembre 2010 par Christophe Buffet

Voici un arrêt sur ce sujet :

"Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 27 juin 1984 et 9 octobre, 22 novembre et 14 décembre 1984, présentés pour M. et Mme Y..., demeurant ... ; M. et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 26 avril 1984, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que soit annulée la décision de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet d' Ille-et-Vilaine sur leur demande du 6 décembre 1982 de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis du fait de la mise à quatre voies de la route nationale n° 24 bordant leur propriété sise sur le territoire de la commune de Bréal-sous-Montfort au lieu-dit "La Petite Pommeraie", Ille-et-Vilaine, et à ce que l'Etat soit condamné à verser 290 000 F en réparation desdits préjudices ;

2°) de condamner l'Etat à verser 290 000 F en réparation des préjudices subis, avec intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 6 décembre 1982 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,

- les observations de la SCP Le Bret, Laugier, avocat de M. Emile Y... et de Mme Léonie X..., épouse Y...,

- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme Y... ont acquis en 1972 un terrain au lieu-dit "La Petite Pommeraie" dans la commune de Bréal-sous-Montfort et y ont fait construire en 1973 leur maison d'habitation, en retrait de 100 mètres par rapport à la route nationale n° 24 située au nord de leur terrain, conformément à la prescription contenue dans le permis de construire qui leur avait été délivré, et motivée par l'existence d'un projet d'élargissement à quatre voies de ladite route ;

Considérant que si les requérants ont eu connaissance du projet d'élargissement de la route nationale bordant le terrain avant de procéder à son acquisition, ils ne pouvaient prévoir la réalisation d'une bretelle d'accès nouvelle située au nord-ouest de ce terrain, réalisée en sus de l'élargissement de la route nationale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la bretelle d'accès est à une distance de 30 mètres de la façade ouest de la maison d'habitation de M. et Mme Y... ; qu'eu égard à la disposition des lieux, l'intensité des bruits que subissent les intéressés du fait de la mise en service de cet ouvrage excède les nuisances que peuvent être appelés à supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires riverains d'une voie à grande circulation ; qu'ainsi, M. et Mme Y... sont fondés se prévaloir d'un préjudice anormal et spécial à raison des troubles dans leurs conditions d'existence et de la dépréciation de leur propriété, sans qu'une plus-value née de la construction de l'ouvrage ait atténué cette dépréciation ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme Y... tendant à obtenir réparation des préjudices subis ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en les évaluant globalement à la somme de 30 000 F ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. et Mme Y... ont droit aux intérêts de la somme de 30 000 F à compter de la date de réception par l'administration de leur demande du 6 décembre 1982 ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 27 juin 1984 et 3 mai 1989 ; qu'à chacune de ces deux dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement du 26 avril 1984 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser une somme de 30 000 F àM. et Mme Y..., en réparation du préjudice subi. Cette somme portera intérêts à compter de la date de réception de leur demande du6 décembre 1982. Les intérêts échus les 27 juin 1984 et 3 mai 1989 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Y... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports etde la mer."