Journaliste : un métier, mille questions 3/3

Publié le 24 septembre 2010 par Davidme

La fin du dossier. Un reportage chez Ringier à Zurich où une newsroom regroupant plusieurs rédactions a été crée.

Profession : journaliste intégré

En Suisse, le groupe Ringier a regroupé les quatre rédactions de sa marque Blick, dans une seule et même « newsroom ». Une nouvelle façon de pratiquer le métier.

Au centre de la pièce, un écran géant donne en direct les « ratings » de consultations des articles publiés en ligne et tout un tas d’autres informations. Bienvenue devant le « live monitor image », point névralgique de la « newsroom » créée par le groupe suisse Ringier pour ses titres publiés sous la marque Blick. Ici, sont fabriqués par une seule et même équipe Blick, le quotidien payant du matin, Sonstag Blick, l’hebdo du dimanche, Blick am Abend, le gratuit qui sort le soir, et aussi Blick.Ch, le site internet.
Quelques 200 journalistes produisant chaque année 21 183 pages de journal travaillent désormais tous dans un immense bureau pour une même marque. Finie la distinction entre les supports. Désormais, le « décision point » de la newsroom de Ringier située en plein centre de la rédaction et qui compte l’ensemble des rédacteurs en chef arbitre si un sujet doit paraître sur le net, dans le gratuit ou dans le quotidien payant. Au sein de la rédaction, il règne à la fois une agitation fébrile digne d’une ruche et un calme olympien. Comme si l’ensemble des journalistes avait intégré le nouveau fonctionnement de Blick.

Cette organisation est pionnière en Europe puisqu’avec le Daily Telegraph à Londres, Blick est le seul quotidien européen à s’être lancé dans l’expérience en mars 2010. Quelques mois après, le bilan est jugé satisfaisant. « Nous avions trois raisons de sauter le pas, détaille Edi Eastermann, le porte-parole de Ringier pour toute l’Europe de l’Ouest. D’abord, nous devions faire des économies, étant donnée la situation difficile de la presse. Ensuite, il fallait donner une réponse nouvelle au défi numérique en changeant notre façon d’envisager les médias Cela voulant dire repenser, enfin, notre organisation du travail ». Selon lui, sur ces trois points, « les premiers résultats sont satisfaisants : nous sommes fiers de ce qui a été accompli ». Qui ne le serait pas ? Avoir une marque de presse multi-supports avec une seule rédaction fait partie du rêve de nombreux patrons de presse. Mais peu ont pour le moment osé « coordonner la marque sur le canal le plus approprié 24h/24 » pour reprendre les mots de Marc Walder, directeur de Ringier Suisse.

Avec 11,5M€ investis, le groupe média espère rentabiliser l’ensemble en 2014. Toutefois, cette mise en place, préparée depuis 2007, ne s’est pas faite sans heurts. En effet, l’éditeur zurichois a annoncé en février dernier le licenciement de 25 personnes. Les autres -ceux qui ont pris le train de la newsroom- semblent globalement épanouis. « Mon job est devenu plus intéressant, assure Priska Wallimann, directrice de la photo pour les quatre titres. Il faut être plus imaginatif pour les infographies ou le choix des photos et faire des arbitrages. Cela met du piment dans notre travail ». Les journalistes de terrain, eux, conviennent qu’il n’est désormais plus possible de se « retrouver dans une concurrence stérile entre le titre payant et le titre gratuit », et assurent que « le travail en lui même n’a pas réellement changé ». Ainsi, pour eux « la vérification, le recoupement, le travail d’enquête sont toujours les mêmes, seulement, le support au lieu d’être unique, est devenu multiple ».
En clair, le support est choisi en fonction de la teneur d’une histoire. Avec quelques règles simples. Si l’info ne peut pas tenir une journée, elle est mise en ligne. Mais si elle a un caractère exclusif, les titres payants sont prioritaires sur les autres, etc. Une charte de vingt commandements a même été élaborée. Une façon comme une autre de répondre aux différentes interrogations posées par l’avènement d’internet comme source d’information des lecteurs. Avec toutefois un bémol pour le travail des journalistes. Il s’est complexifié et les horaires sont devenus plus élastiques. Pas de quoi s’offusquer tant que la qualité éditoriale est mise en avant, que les salaires suivent et que la technique et l’immédiateté ne prennent pas le pas sur l’enquête et le décryptage.

DM