Procès

Publié le 23 septembre 2010 par Toulouseweb
Belges et Suisses s’affrontent ŕ nouveau ŕ propos de la Sabena.
On croyait l’affaire morte et enterrée mais il n’en est rien. La Cour d’appel de Bruxelles accueille actuellement le procčs Sabena, entamé il y a plusieurs mois, suspendu pour cause de production de pičces nouvelles venues de Zurich, puis repris ces jours-ci. La faillite de la compagnie belge, le 7 novembre 2001, avait ébranlé l‘industrie des transports aériens tout entičre, en męme temps que le crash du SAirGroup et celui d’AOM, Air Liberté et Air Littoral. Un énorme gâchis, inexcusable sinon inexplicable, qui avait rappelé que les dirigeants de compagnies aériennes ne sont pas toujours trčs doués.
Aussi loin que remonte la mémoire, la Belgique n’avait jamais connu faillite d’une telle ampleur. De plus, elle avait fait s’envoler un joyau de la couronne, une entreprise créée en 1923, ŕ l’époque des pionniers de l’aviation, rapidement capable d’établir une liaison rapide avec le Congo, la colonie. Ce fut d’ailleurs, paradoxalement, l’un des éléments négatifs de la suite de l’histoire : pendant de trčs nombreuses années, la Sabena s’appuya sur le confortable monopole de la ŤLBCť, ligne Belgique-Congo, en négligeant le développement de son réseau long-courrier. New York était alors son unique destination américaine tandis que ses concurrents s’installaient solidement sur l’axe transatlantique.
Aujourd’hui, il n’est toujours pas politiquement correct d’évoquer les erreurs commises tout au long d’un passé lointain. Autant la KLM avait prouvé qu’un petit pays, męme dépourvu de marché national solide, pouvait tisser sa toile ŕ travers le monde, autant les Belges pęchaient par manque d’ambition. D’oů la grande fragilité de leur compagnie, ses
mauvais résultats financiers et les risques croissants d’inextricables difficultés en cas de gros incident. La déréglementation puis l’échec de plusieurs tentatives de mariage avec d’autres compagnies ( Briitish Airways, notamment), une union éphémčre avec Air France, furent autant d’incidents inquiétants. Puis vint, conquérant, le SAirGroup. Swissair, son navire amiral, était Ťlať compagnie de référence, admirablement gérée au point de servir d’exemple ŕ la profession.
Apparemment, elle ignorait les problčmes conjoncturels, vendait habilement sa qualité, son sérieux, sa ponctualité. Et cela malgré Ťun franc suisse trčs cherť qui lui imposait des coűts de production élevés. Vint, ensuite, la descente aux enfers, liée, entre autres facteurs, au refus de la confédération d’adhérer ŕ l’Union européenne. Swissair voulut contourner l’obstacle en mettant en place une politique de croissance externe pour le moins irréfléchie. Pour sauter par-dessus la frontičre de l’UE, de maničre boulimique, elle accapara la Sabena, AOM, Air Liberté et Air Littoral. Et, bientôt, tout bascula, selon un processus qui, avec le recul, fait penser ŕ un accident d’avion. Un crash, financier celui-lŕ, aboutissement d’une séquence d’événements compliqués mais, en partie tout au moins, largement prévisibles.
Les décisions étaient prises ŕ Zurich, et non plus ŕ Bruxelles, l’inquiétude s’installait, mais sans qu’apparaisse au grand jour la gravité du mal qui rongeait le SAirGroup. Personne ne croyait au pire et, peu de temps avant le drame, une syndicaliste belge traduisait le sentiment général de maničre claire et nette : Ťla faillite, c’est du bluff, l’entreprise existera toujoursť. Au tribunal, aujourd’hui, la reconstitution des événements n’aborde gučre cet aspect des choses. Au nom de leurs clients, l’administrateur judiciaire et l’Etat, les avocats belges réclament une forme de justice qui relčve avant tout de la morale des affaires. Et, de toute évidence, ils ne lâcheront rien, ils ne ménageront pas leurs efforts pour entendre dire que ce sont les Suisses, et eux seuls, qui portent la responsabilité de la faillite.
En revanche, il est sans doute faux d’affirmer que les Belges, littéralement traumatisés par ce qui leur est arrivé en 2001, n’ont toujours pas fait leur deuil de leur compagnie nationale. Comme le fait remarquer notre confrčre Patrick Anspach, Brussels Airlines est considérée comme la réincarnation de la Sabena, en męme temps qu’elle a sauvé l’honneur. Longtemps, elle a d’ailleurs utilisé de code IATA de la Sabena, ŤSNť, comme s’il s’agissait de la perpétuer.
Brussels Airlines a repris le flambeau mais a abouti dans le giron du puissant groupe Lufthansa, depuis peu numéro 1 européen. Ce qui ne l’empęche pas d’ętre belge et fičre de l’ętre. Un aboutissement qui se passe d’avocats.
Pierre Sparaco - AeroMorning