Jean-Luc Touly a eu les honneurs de la dernière page de Libération, hier. Ce n'est que justice. Le grand quotidien national souhaitait saluer la réintégration du pourfendeur des multinationales de l'eau au sein de la société…Véolia. Jean-Luc Touly, que nous avions invité à Val-de-Reuil pour une conférence sur les méthodes de Véolia qu'il connaît bien, a depuis roulé sa bosse. Non seulement il est devenu conseiller régional (Europe Ecologie) d'île de France mais en plus, il vient d'être désigné par l'assemblée que préside Jean-Paul Huchon pour occuper un siège au sein du comité de bassin de l'agence de l'eau Seine-Normandie. Une nomination qui a eu le don de mettre M. Santini en colère, lui qui avait réussi à l'éjecter du SEDIF où il représentait la commune de Wissous.
Que peut-on lire dans Libération ? « Ce sera un premier bouquin, l’Eau de Vivendi, les vérités inavouables (Alias). «J’allais au-devant des ennuis, licenciement programmé, convient-il. Mais ma femme m’a encouragé.» La CGT lui ayant chichement mesuré son soutien, suivra un second, l’Argent noir des syndicats (Fayard). De l’art de se faire deux ennemis pour le prix d’un.
Son licenciement sera motivé par une condamnation en diffamation. C’est du moins le prétexte que prendra le ministre du Travail d’alors, Gérard Larcher, actuel président du Sénat, pour autoriser son éviction en dépit de ses mandats syndicaux et prud’homaux. «Le ministre a commis une erreur de droit, a rectifié cet été la cour administrative d’appel. L’autorité n’est pas dispensée de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.» Sinon, c’est la double peine pour délit d’opinion syndicale.
Entre-temps, Jean-Luc Touly n’a pas mégoté ses engagements. D’abord chez Attac : «Une bouffée d’oxygène, je pouvais enfin parler des enjeux de l’eau sans qu’on me regarde de travers.» Puis chez Anticor (une association anticorruption) et surtout auprès de Danielle Mitterrand. Jusqu’à se faire élire au conseil régional d’Ile-de-France sous l’étiquette Europe Ecologie.
C’est donc un activiste tous azimuts que Veolia est contraint de récupérer en son sein. A mi-temps, l’autre restant consacré à Tatie Danielle, particulièrement remontée contre la marchandisation de l’eau, un concentré à ses yeux de la mondialisation. Dans le sillage de sa fondation, France Libertés, ils ont créé l’Acme (Association pour un contrat mondial de l’eau). »
Il gère les 166 fontaines publiques de la rive droite de Paris, l’un des derniers marchés conservés par Veolia dans la capitale. Le Paris de Bertrand Delanoë étant en pleine phase de retour en régie municipale grâce aux aimables conseils de Jean-Luc Touly…
«…Désormais intraitable sur la question des fontaines, leur alimentation, leurs horaires de fonctionnement, Jean-Luc Touly conserve un agenda militant plutôt chargé en compagnie de Danielle Mitterrand. Une visite à Martine Aubry, maire de Lille, qui vient de réclamer 110 millions de pénalités à son distributeur d’eau, une descente chez Bernard Poignant, maire PS de Quimper, qui entend rempiler avec Veolia. Et grosse mobilisation à venir sur la diffusion du film Water Makes Money (1) nouvelle salve en mode audiovisuel contre les marchands d’eau. Toujours avec sa même méthode : débonnaire, souriante, discutante. Mais également intransigeante. Ne jamais oublier qu’il a baptisé l’un de ses trois enfants Andreas, comme Baader, de la bande du même nom.
Cet omnimilitant est aussi élu local de Wissous (Essonne), réussissant à se faire nommer représentant auprès du Sedif (Syndicat des eaux d’Ile-de-France), regroupant 144 communes de la banlieue parisienne. Le premier marché de distribution d’eau en France, bastion historique de Veolia. Aux bons soins d’André Santini qu’on aurait tort de résumer à ses cigares ou à ses blagues : président du Sedif depuis un quart de siècle, c’est l’homme de l’eau par excellence. »
(1) Film que nous avons diffusé en avant-première, mardi, au cinéma Forum de Louviers.