C’est en écoutant la compilation Sisters avec l’ami Fab que j’ai découvert Teengirl Fantasy. Le morceau incriminé, "Now That’s What I Call Vol 2", s’est vite retrouvé en mode repeat dans la voiture. Il procurait une agréable sensation de flottement, d’errance sans but dans les limbes synthétiques. Je suis ensuite parvenu à me procurer leur démo, CDR, qui m’a surpris au point de me répugner et de rester au placard pendant quelques semaines. Ma première sensation était celle d’un bordel vulgaire aux couleurs criardes, pour faire court. Pourtant, je ne saurais dire pourquoi, mais j’avais l’impression d’être passé à côté de quelque chose. Impression confirmée par une nouvelle écoute, qui m’a révélé un univers singulier, aussi proche de la dance-pop spectrale de Delorean que de l’opacité électronique de The Field ou Fuckbuttons.
Sur CDR, les Teengirl Fantasy s’acharnaient cependant à brouiller les pistes. Entre "Gasmaskk" et son improbable sample du "Banana Split" de Lio, les incursions techno de "Azz Klapz" ou "Sandpillz", et les fantastiques pièces d’électronica hypnotique que sont "New Image Everyday" et surtout "Portofino" (l’un des meilleurs morceaux de 2009, sorti en single sur Rough Trade), difficile de trouver un fil conducteur à cette œuvre de jeunesse qui part dans tous les sens pour le meilleur et pour le pire (l’inaudible "Hoop Dreams"). Pourtant il en ressortait une incontestable vitalité, et aussi un je-m’en-foutisme plutôt séduisant.
Sur 7 AM, leur premier album officiel, on sent que les deux étudiants de l’Ohio, aujourd’hui basés à Amsterdam, se sont assagis. Ils se dispersent moins et se focalisent sur ce qu’ils font le mieux : une house vaporeuse et entêtante. Ils tentent bien une sorte de R&B psychédélique sur "Dancing In Slow Motion", mais ce n’est pas franchement une réussite, malgré la performance vocale de Shannon Fuchness (Light Asylum). "An Arena" et "Make A Move" justifient quant à eux l’étiquette chillwave que certains veulent coller au duo. Mais le plus intéressant n’est pas là.
Jouissant d’une position privilégiée car extérieure au mouvement, Logan Takahashi et Nick Weiss, comme les Fuckbuttons déjà cités, peuvent se permettre de sortir la musique de club de ses codes, de lui infliger les pires sévices pour en faire leur chose. En résulte une Intelligent Dance Music qui se nourrit avec irrévérence du meilleur de la house de Chicago (Mr Fingers, Marshall Jefferson…) en y intégrant le néo-psychédélisme propre à la scène indé actuelle. "Forever The Feeling", par exemple, sonne d’abord comme un morceau récent d’Animal Collective, avant que les percussions n’élèvent le tempo et qu’un pied house, puis un clap, ne prennent le relais, bientôt enrobés par un maelström d’échos de voix, de flûtes, et naturellement de synthés.
"Koi Pond" et "In The Rain" sont deux autres perles deep pour petits matins comateux, fonctionnant peu ou prou sur le même principe : un beat rapide, des samples de voix féminines et des mélodies d’une candeur féérique, le tout plongé dans un océan de delays digne du dub le plus lourd. Cet étrange bal de fin d’année sous kétamine se clôt en fanfare sur l’épique "Cheaters," un vrai petit tube underground, qui emprunte ses vocals à "Cheaters Never Win," de Love Committee.
En bref : un très beau premier album de dance-pop spleenétique et brumeuse.
Le Myspace du duo, et son site officiel, digne du skyblog d'une gamine de 12 ans.
Le site du label True Panther Sounds
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