« Tartes, compotes, gelées, tartes Tatin...impossible pour moi d'évoquer la pomme sans penser à la dégustation ! », s'amuse Olivier Cresp, l'un des premiers parfumeurs à l'avoir utilisée dans ses compositions : Light Blue, de Dolce et Gabbana, et Nina, de Nina Ricci, lancés respectivement en 2001 et 2006, exhalent ses arômes, sous des facettes très différentes. Une originalité qui s'explique sans doute par le parcours de leur créateur. « Tout jeune, je suis parti aux États-Unis pour travailler notamment dans le domaine des arômes et parachever ma formation de parfumeur. Et c'est précisément avec les restitutions d'odeurs de pomme de synthèse, des notes souvent très vertes, qui sentaient parfois le cidre, que j'ai pu me faire la main », poursuit Olivier. De petits fragments de citron de Sicile, associés à une reconstitution de Granny Smith, « verte, pas sucrée, astringente et très figurative », selon ses propres mots, ont donné naissance à un des best-sellers de la parfumerie, accord sec et puissant, notes fraîches et propres sur un fond musqué et boisé à l'extrême. Cinq ans plus tard, Olivier Cresp récidive avec Nina, où la pomme acidulée est cette fois détrônée par une note caramélisée et gourmande, comme une suite bio-logique à son indétrônable Angel de Mugler, lancé en 1992. Cette « pomme d'amour », aussi évoquée par le flacon, sent le toffee, et le dessus craquant et joliment bruni d'une crème catalane. Bases de pommes reconstituées, « nature prints » (c'est à dire captages d'odeurs), damascones aux notes rosées et fruitées, ou encore verdox, une molécule de synthèse aux accents verts et fusants, contribuent à recréer le fruit interdit.
Seul hic pour les parfumeurs en général, et pour Olivier Cresp en particulier, les notes « cidre », qui résistent pour l'instant à toute tentative de captage ou de reproduction : recréer les effluves d'une fermentation naturelle du fruit est encore un vrai challenge !
Pour Jean-Louis Sieuzac, créateur entre autres des mythiques Opium d'Yves Saint Laurent, et Fahrenheit de Dior, aujourd'hui retiré du monde de la parfumerie, ce sont les notes de tête qui sont le plus intéressantes à exploiter dans la pomme. « Si j'utilise des fruits, j'ai tendance à employer le côté cru que cuit, exception faite de la fraise qui dégage plus de facettes une fois cuite. J'aime booster l'odeur de pomme par celle du cassis, et l'essence de davana, aux accents de pomme fermentée, m'attire particulièrement », explique-t-il.
Illustration : La chute de l'homme par Albert Dürer - c. 1509-11 (Cabinet Brentano-Birckenstock)