Marie-Claire : Cancer du sein - Soutenir une amie malade

Par Isabelledelyon

Je  lis depuis l'âge de 16 ans Marie-Claire. Je suis abonnée pour être certaine de ne pas rater un numéro. J'ai parfaitement conscience que ce magasine regorge de publicités, on me l'a assez répété. Mais premièrement, ces publicités sont souvent très jolies esthétiquement parlant et deuxièmement, on y trouve des articles de qualité. Ce magazine aborde très souvent un thème lié au cancer du sein. Il tente de sensibiliser ses lectrices à ce fléau. Encore que, quand je dis lectrices, de nombreuses personnes de mon entourage se moquent de ma lecture assidue de ce mensuel mais je ne suis pas la seule à le lire. Dès qu'une personne traîne dans mon canapé, elle finit très souvent avec un Marie-Claire dans les mains, mon mari le premier mais il fait comme pour la télé, il zappe et tourne tellement rapidement les pages, que je me demande ce qu'il peut en retenir...

Ce mois-ci, le magazine Marie-Claire consacre un article au cancer du sein mais sous un regard un peu différent. Quatre femmes atteintes d'un cancer du sein témoignent sous l'angle relationnel. Ce qu'elles ont aimé que leurs amis fassent pour les soutenir, ce qu'elles n'ont pas aimé, ce qu'elles auraient aimé. Je trouve que c'est une bonne idée, souvent notre entourage ne sait pas comment réagir. Je ne suis pas persuadée que de lire ces témoignages puissent changer grand chose dans les comportements des amis mais il peut les faire réfléchir à la question.

J'ai accompagné mon père depuis le diagnostic de son cancer incurable jusqu'à son décès, 10 mois en tout. J'ai vécu cette triste expérience avant d'être moi-même affligée d'un cancer. Je suis alors passée de l'autre côté de la barrière, celui  du PATIENT, aucun mot ne peut mieux convenir à cet état. Je pense que je peux donner quelques pistes à ceux que ça intéresse mais il n'y a pas de recette miracle pour être du meilleur soutien possible.

Lorsque le cancer touche une personne très proche, je pense que le mieux est de laisser parler son cœur. C'est difficile et même impossible de se mettre à sa place mais notre présence compte énormément. Toutes nos manifestations d'amitié, de sympathie, le simple fait d'être présent, d'entourer, de soutenir celle ou celui qui traverse la tourmente sont les bienvenus. Il n'y a aucun comportement type à adopter, la personne malade est elle-même inconstante, passant par des moments d'angoisse, de doute, de joie, d'envie de vivre. Il faut juste adapter ce qu'on peut offrir en fonction des besoins du moment de notre ami(e).
Des personnes autour de moi ont été très maladroites mais elles se sentaient concernées, elles avaient envie de me le faire savoir. Ça m'a beaucoup touché.
Lorsqu'on est maman et qu'une série de traitements nous attend, on pense en premier à nos enfants. La première chose que des amis peuvent faire pour soulager une maman c'est de l'aider à s'occuper de ses enfants. Non pas en les prenant entièrement en charge mais en nous permettant d'avoir du temps pour nous reposer, pour aller à tous nos rendez-vous médicaux sans s'inquiéter à l'idée qu'il faut être à l'heure à l'école ou à une activité.
Ma belle-mère m'a rendu ce service inestimable pendant mon opération, ma tumorectomie, je suis restée 10 jours à l'hôpital. Elle est venue chez moi, pendant 2 mois, a complètement pris en charge le quotidien, me permettant d'avoir la conscience tranquille et d'être plus recentrée sur mes traitements. Des amies ont invité ma fille à déjeuner le midi pour m'éviter des trajets entre mon domicile et l'école lorsqu'elles voyaient que j'étais fatiguée. Une amie prenait ma fille chez elle pour la nuit, à chaque fois que j'avais une chimio lourde. Ces intentions m'ont vraiment touchée et m'ont beaucoup soulagée.
Et puis évidemment, vient ensuite tout ce qui peut nous permettre d'économiser nos forces, nous permettre de nous reposer, faire des tâches ménagères à notre place comme la cuisine, d'autant plus qu'on n'a guère d'appétit lorsqu'on vient d'avoir une chimio lourde, avec ce goût métallique dans la bouche et cette absence de saveur des aliments. Vient aussi toutes les marques d'attention, d'affection. Ce que je n'aimais pas du tout, c'était les personnes qui avaient l'air compatissantes et qui me disaient "Surtout, n'hésite pas, si tu as besoin, demande". Je préférais mille fois celles qui proposaient sans attendre que je demande. Elles étaient attentives à mon état et offraient leur aide même minime mais sans que j'ai besoin de me sentir dépendante d'elles. C'était un cadeau qu'elles m'offraient et je leur en étais reconnaissante.

Lorsque mon père passait ses journées au CLB, je passais aux heures des repas. J'avais remarqué qu'il mangeait si j'étais présente alors qu'il laissait son plateau pratiquement intacte s'il était seul. Je lui amenais son magasine préféré toutes les semaines. Je le faisais sortir si son état le permettait le week-end et je le prenais chez nous. Nous le promenions en fauteuil roulant en ville en dissimulant tout ce qui aurait pu attirer un peu trop les regards et gâcher ces instants d'évasion. Lorsque son état s'est détérioré et que nous savions qu'il ne ressortirait plus, tous les dimanches, nous commandions un repas chez un traiteur et nous quatre, ses enfants, nous arrivions le dimanche en fin de matinée pour déjeuner avec lui. L'équipe médicale nous laissait utiliser une pièce pour nous permettre de nous retrouver mais nous étions dans un service de fin de vie, ces personnes étaient tellement humaines, tellement proches de ces malades condamnés. Mon père attendait ce moment avec joie. Même s'il ne savait plus quand était le matin ou le soir, il s'installait avec nous. Je lui amenais des pâtisseries à chaque fois que je venais le voir. Cet hôpital était dans le Beaujolais et je ne pouvais plus aller le voir tous les jours.

Ce que j'ai vécu de plus pénible, c'est la gestion des angoisses des autres. Passer des heures au téléphone pour rassurer les interlocuteurs, c'est une perte de temps, ça nous serait plus profitable de le consacre à nous reposer. En ce qui concernait mon père, c'était moi qui donnait des nouvelles et je n'en pouvais plus de répéter les mêmes choses à l'entourage et après une journée de boulot, une pause déjeuner au CLB, une soirée au CLB de ne pouvoir toujours pas prendre un peu de temps pour moi au lieu de ressasser les mêmes nouvelles désespérantes au téléphone. En ce qui me concerne, j'avais trouvé un moyen très simple pour gagner ce temps pendu au téléphone, je faisais un mail hebdomadaire et je l'envoyais à la famille et aux amis, c'était en quelque sorte mon bulletin de santé.

Je vous conseille de lire La Vie Sauve. Vous pourrez avoir une meilleure perception du vécu d'un cancéreux. En tout cas, moi je m'y retrouve complètement et puis surtout allez lire cet appel des Essentielles/Impatientes, écrit par des femmes atteintes d'un cancer du sein. Il est criant de vérité et pourra mieux vous faire comprendre notre ressenti.

Ce qui est certain lorsqu'on a un cancer et des traitements longs et pénibles, c'est extrêmement important d'être entouré, de se sentir entouré. C'est une motivation supplémentaire pour supporter tout ce temps passé dans les hôpitaux, toutes ces misères qu'on nous fait subir. Mon mari a endossé ce rôle bien malgré lui mais il n'a pas failli à la tâche et a fait tout ce qui était possible pour m'aider, me seconder, m'épauler.