LOIRE
De jeunes voix riaient,
jouaient au bord du fleuve,
Ce fleuve les portait
de village en village.
Ces villages miraient
leurs clochers dans ces voix,
Les mélangeaient aux cieux
pleins de cris d’hirondelle.
Ces voix emportaient tout
à de nouveaux voyages.
Ces voyages tout doux
les miraient à la mer.
Des vagues respiraient
ces voix et ces mirages.
La mer les retenait
jusqu’au fond de sa gorge
Et le sel de la mer
avait un goût de France
•º•
LES GRANDS RUMINANTS
Les grands ruminants ruminent
Debout sur leur grande urine.
Ils ruminent les saisons,
Les siècles, les horizons.
Qu’importe lune ou tempête,
Qu’importent vents et comètes,
Pourvu qu’une mouche bleue
Vienne boire dans leurs yeux
Ils ruminent des années
L’infini des gazonnées.
Ils ruminent les saisons,
Les siècles, les horizons.
Et si le dieu des contrées
S’endormait un soir près d’eux,
Ils rumineraient ce dieu
Ce dieu serait ruminé
Depuis les aubes marines
Et jusqu’aux frissons ultimes,
Ils se ruminent eux-mêmes,
Eux seuls qu’en ce monde ils aiment.
•º•
UNE FÊTE
La folle mouche d’octobre
Qu’exaltait l’amour de vivre,
Sent déjà pincer le givre
Qui va lui blanchir la robe.
Mais elle ne gémit pas
Et nous zézaye à tue-tête,
Mordant au raisin muscat
Que la mort est une fête.
Norge, Le Stupéfait, Gallimard, 1988, pp. 75 à 77 & 99.
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Bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, extraits 3, ext. 4
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