A 23h20 mon cœur s’emballe, ma respiration s’accélère et j’ai quelques contractions très rapprochées mais pas douloureuses. Puis une soudaine envie de faire pipi alors que j’y suis allée il y a 20 minutes à peine… même pas je suis sûre. D’épuisement de descendre 10 fois par nuit, cette nuit j’ai monté un seau dans ma chambre. J’ai un peu peur de rester les fesses coincées dessus mais je suis trop crevée pour envisager de faire des allers et retours aux toilettes toute la nuit comme les autres nuits (descendre et remonter les escaliers en plus c’est dangereux en pleine nuit, quand on est dans le cosmos, et comme je suis déjà tombée une fois, je me méfie). Je me tourne donc sur le côté pour tenter de me lever et là…
Je sens quelque chose couler entre mes jambes. Oh… mon cœur bat la chamade, je ne réalise pas vraiment mais je sais que je ne suis pas en train de faire pipi au lit… je me lève, ça ne coule plus… je m’assois sur mon seau et je sens que ça coule, ça coule ! Et je ne fais pas pipi, je suis en train de perdre les eaux !
J’attends que ça s’arrête un peu, je suis presqu’incrédule et très émue, puis je vais doucement ouvrir la porte de la chambre de Dorothée et je l’appelle :
-Dorothée ?
-Oui ?
-Je crois que je suis en train de perdre les eaux !!!
Elle se lève (la lumière était éteinte mais je pense que je peux dire « elle se lève d’un bond » sans trop enjoliver la réalité !), et on va dans la salle de bain. Ca coule entre mes jambes et je me sens à la fois sereine et excitée. On s’assure que c’est bien ça… ça y ressemble en tous cas et nous voilà toutes les deux comme des gamines en train de taper des pieds d’excitation dans la salle de bains en disant que ça y est !!! On se tient par les mains, limite je n’en reviens pas que ça arrive. On essaye de parler à voix basse pour ne pas réveiller Didou, Raphaël et Stéphane mais ça reste difficile de ne pas s’enthousiasmer vues les circonstances. Dorothée va me chercher une protection et on descend rallumer l’ordi pour poster que CA Y EST !!! Elle est encore plus excitée que moi, comme une petite fille un 24 décembre devant le sapin de Noël.
J’appelle Cédric pour le prévenir.
-Allo c’est moi
-Oui, ça va ?
-Ca y est, j’ai perdu les eaux, c’est le moment !
-Heu… hein ? Tu veux dire là tout de suite maintenant ?
-Oui, avec Dorothée on attend encore un peu et d’ici une heure on part à la maternité.
-Heu… ah bon, déjà…
-Oui, enfin, ça fait quand même 9 mois là, donc faut que ça arrive un jour ou l’autre.
-Je peux venir que demain matin, je suis crevé là ?
-Je crains que si tu ne prends la route que demain matin, tout sera fini quand tu arriveras. Mais à toi de voir.
(Dorothée me dit que s’il est capable de se réveiller correctement après seulement 2 h de sommeil, qu’il dorme 2 h et qu’il prenne la route après, ce que je lui suggère à mon tour).
-Ok, je rentre, je dors 2 h et j’arrive après.
-Ok, à tout à l’heure alors.
OOOOOOOHHHHHHH il va venir !!! C’est tellement inespéré ! Je textote Gaëlle en premier puis plein de monde ensuite (mon forfait explose, mon compte en banque s’en souviendra), je dis que ça y est, je pars bientôt et que c’est pour cette nuit, ou demain. CA Y EST, ENFIN !!! Je vais découvrir ma fille, mon tout petit bébé. J’ai hâte !!! Je ne suis pas inquiète.
Derniers préparatifs, je me sens incroyablement sereine. Dorothée prend de quoi écrire, pour prendre des notes !
Je n’ai pas encore de contractions, plus rien ne coule et je me prépare à passer sans doute la nuit la plus difficile et la plus belle de toute ma vie. Je suis heureuse de pouvoir partager tout ça, de ne pas être seule, d’avoir pu dire à quelqu’un tout de suite « je perds les eaux », d’avoir eu quelqu’un pour trépigner de joie avec moi dans la salle de bain, pour partager l’excitation de la naissance qui approche, l’émotion que ça génère… je pense que si j’avais été seule, je l’aurais mal vécu. Il fallait absolument que je partage ça. Je suis plus qu’heureuse de le faire avec Dorothée. J’ai l’impression d’être une ado qui raconte à sa copine de dortoir son premier baiser… j’ai envie de danser, de chanter, je me sens légère, je vais enfin voir mon bébé ! Je ne sais pas ce que Magali lui a murmuré à Etretat, mais ça lui a donné envie de sortir de sa cachette. Je suis émue. Il faut que je pense à prendre mes CD de Zazie…
Je téléphone à mon amie Laurence qui est à Fécamp ce week-end pour lui dire que je pars à la maternité, que c’est le moment. Le lendemain elle me dira qu’elle m’a trouvée extraordinairement calme sur le répondeur… elle me connaît depuis 13 ans, elle sait combien je suis apte à m’exciter, m’emballer, m’enthousiasmer, et là, ma sérénité l’étonne au plus haut point.
Scène 1
On part !
Derniers messages dans le planning des naissances, je sens que je suis portée par tous les gens qui sont là, qui ont vu la nouvelle et qui sont heureux pour moi. C’est presque dur de quitter la fanzone tellement j’aimerais faire vivre ça à tout le monde, tellement mon bonheur est grand. Je laisse à Dorothée la primeur du dernier message, juste avant le départ, et on éteint, on prend mes affaires et on part. Dorothée a mis des mots pour Stéphane sur la table parce qu’elle n’est pas bien sûre qu’il ait compris qu’on partait ! Le sommeil d’un homme est quasiment imperturbable !!!
Dorothée me dit qu’elle n’a pas le sens de l’orientation et que côté conduite, c’est pas tout à fait ça ! J’ai peur lol ! Alors comme j’ai envie d’arriver entière à la maternité, et que je n’ai pas encore de contractions, je préfère conduire.
-T’es sûre ça va aller ?
-Oui t’en fais pas et si jamais les contractions arrivent, je m’arrête et tu prends le relais.
-Ok.
On met mes valises dans le coffre, je m’installe au volant, et zou, top départ. Ma voisine m’a dit un petit mot par la fenêtre quand je sortais dans la cours. Je sens que bien des gens vont penser à moi cette nuit. Je me sens toujours super zen, moi l’angoissée de service, la nerveuse qui s’enflamme pour un oui ou pour un non… c’est à n’y rien comprendre.
Dans la voiture on se dit que tout s’est très bien goupillé. On est allé acheter l’homéopathie juste à temps (alors que j’avais dit que ça pouvait attendre le lendemain), on est allé chez Mac Do pour ne pas s’embêter en cuisine et vaisselle après… bref, sans le savoir, on préparait déjà mon départ.
La route fut bonne, toujours pas de contractions. D’un côté je suis soulagée, ça me permet de vivre ça bien pour le moment. Je ne m’angoisse pas et je conduis tranquillement pendant les 40 kms qui nous séparent de la maternité. J’arrive aux urgences comme une fleur, je ne prends que la petite valise pour la salle de naissance et je dis aux gens de l’accueil avec un immense sourire que ça y est, je vais avoir mon bébé. Je ne sais pas s’ils m’ont crue tellement j’étais souriante et tranquille !!! Mais j’étais quand même terriblement excitée par l’aventure !
Avec Dorothée on monte au 2ème étage, direction salles de naissance. On sonne et l’aide soignante va réveiller la sage femme. Je suis la première d’une longue série de mamans qui arriveront tout au long de la nuit jusqu’à en saturer le service.
La sage femme m’installe dans une salle d’examen, fait l’examen de mon col, et regarde si c’est bien la poche des eaux qui s’est rompue. Comme ça s’est arrêté de couler depuis un moment, elle pense plutôt à une fuite urinaire et j’ai un bref instant de panique en me disant que si ce n’est pas la poche des eaux qui s’est rompue, je vais sans doute devoir retourner chez moi ! Surtout que le travail n’a toujours pas commencé !!! Ouinnnnnnnnn, je veux accoucher !!! Ce ne serait pas juste de m’être crue si près du but pour que rien ne se passe !
Finalement, nous ne nous sommes pas trompées, ouf, c’était bien la perte des eaux !!! Après l’examen du col, grosse déception, il est encore épais, et ouvert à un doigt seulement. Et comme je n’ai pas l’ombre d’une contraction, je ne suis visiblement pas près de voir mon bébé ! Je suis un peu déçue. Je reste sous monito un moment, le cœur d’Emma bat bien, mais le tracé des contractions reste désespérément normal, un petit sursaut de temps en temps mais rien de transcendant. Céline (la sage femme) nous laisse, je reperds encore un peu de liquide, et on discute avec Dorothée, qui me donne mon homéopathie consciencieusement. Elle essaye aussi de comprendre le tracé pour avoir un indice quant aux contractions que je n’ai pas !! Je suis en forme. Il était 1h15 du matin quand nous sommes arrivées à la maternité, là il doit être environ 2 h. J’ai perdu les eaux à 23h30.
Une autre maman est arrivée entre temps donc on ne revient s’occuper de moi que pas mal de temps après. Ca nous laisse le temps de papoter, de commenter l’affiche aberrante de la salle d’examen (affiche publicitaire ancienne « pour de beaux enfants, lait guigoz » => mettre ça en face de mamans pro allaitement, c’est limite insultant lol !!).
Céline revient vers 2 h 30 et me réexamine le col, toujours pas plus ouvert, ni effacé. Comme j’ai perdu les eaux, elle ne peut pas me renvoyer chez moi mais comme ça n’avance pas et que le travail n’a pas commencé, elle décide de m’envoyer dans une chambre de la maternité pour attendre. Elle me fait un prélèvement et me dit que demain avec le médecin, ils aviseraient de ce qu’il faut faire. Soit laisser le travail commencer naturellement, soit déclencher si le prélèvement revient du labo et montre un risque infectieux. Mais pour le moment, la seule chose que je vais pouvoir faire c’est dormir un peu. Je suis déçue et je n’ai pas tellement envie de dormir.
Nous voilà donc parties pour l’unité 22, service maternité. Dorothée découvre sur les murs les affiches sur le portage en écharpe avec les étapes de nouage en photo. Oh, c’est bien !
La dame qui est arrivée peu de temps après moi est dans la même situation, elle a perdu les eaux mais le travail n’a pas commencé pour elle non plus. Ils la mettent donc dans la même chambre que moi pour la nuit.
Je m’installe dans mon lit, Dorothée s’assoit sur la chaise à côté de moi et on discute un peu à voix basse pour éviter de déranger l’autre maman. Je me déshabille et met la merveilleuse chemise de nuit de l’hôpital. Hum, sexy cette petite tenue.
Ca ne m’arrange pas trop d’être dans une chambre avec quelqu’un, j’aurais voulu égoïstement n’être qu’avec Dorothée, pour pouvoir partager ça avec elle et ne pas être obligée de me taire. La dame ayant renvoyé son mari, et moi ne pouvant pas parler comme je voudrais à mon petit ange gardien, je réfléchis au fait que peut-être ce serait mieux qu’elle rentre aussi à la maison, puisque de toutes façons rien ne se passe.
On décide, avant qu’elle s’en aille, d’envoyer un texto à Cédric pour lui dire de ne pas venir à la maternité mais d’aller directement à la maison puisque là, le travail n’a pas commencé et que je suis en chambre. A notre grand étonnement, il nous répond qu’il est à 48 km du Havre (il est alors 2h48). Ooooh ça veut dire qu’il n’a pas dormi avant de venir et qu’il est venu directement après être passé chez lui prendre des affaires. Ca, c’est la bonne nouvelle.
On réfléchit encore un peu à la situation et je finis par lui dire de rentrer, qu’avec un peu de chance, elle sera à la maison pour la prochaine tétée de Madeleine et qu’elle n’a qu’à reprendre la voiture. Je lui demande juste de sortir ma valise du coffre et de me la rapporter et puis je lui dis que de toutes façons, je vais dormir et que ce serait mieux qu’elle rentre pour Madeleine (même si je n’ai pas la moindre envie ni de dormir ni qu’elle rentre et que je me sens un peu obligée pour ne pas déranger la dame à côté de moi). Comme nous le savons maintenant, Dorothée n’a pas le sens de l’orientation et retrouver seule le parking sur lequel nous étions garées fut une aventure de plus pour elle ce soir là, malgré les explications du personnel soignant !!! A un moment j’ai bien cru devoir appeler Jack Malone pour signaler sa disparition loool !! Puis non, elle est réapparue avec mes affaires !!
Comme elle se demande si elle va retrouver la route pour rentrer à Fécamp, maintenant qu’elle a su retrouver la voiture, j’ai l’idée lumineuse de demander à Cédric s’il ne peut pas quand même passer à la maternité pour venir la chercher. Il me dit qu’il est à 38 km de là et qu’il arrive. Soulagement pour la « jeune » conductrice lol, et moi comme ça je profite d’elle un peu plus longtemps et je vais aussi voir papa avant de dormir un peu.
J’ai quelques douleurs qui apparaissent vers 3 h du matin. Je dis à Leia que j’ai mal mais que c’est sûrement parce que bébé bouge et que comme il n’y a plus de liquide pour amortir ses mouvements, je les sens beaucoup plus. Et de ce fait ils sont beaucoup plus douloureux aussi. Je ne regarde pas quels sont les intervalles entre ces douleurs, toute persuadée que je suis que c’est parce que bébé bouge dans sa piscine vide. Ah les certitudes, des fois on ferait mieux de se les mettre dans un coin sans les écouter !!
Cédric arrive vers 3h20. Il est fatigué et a dû visiter toutes les aires de repos entre Paris et Le Havre. Il nous dit qu’effectivement il n’a pas pris le temps de dormir 2 h avant de venir, sinon il n’aurait jamais pu se réveiller !!!
Scène 2
Ils partent.
Vers 3h30, je renvoie tout mon petit monde et m’apprête à passer une nuit « normale ».
15 minutes après leur départ, les douleurs s’intensifient. Je me dis que décidément ma petite loutre est bien nerveuse ce soir… elle me fait mal à gigoter comme ça. Même pas encore née et déjà chieuse, je le pressentais ça !!!
A 4 h, je réalise que mes douleurs ne sont peut-être pas dues à la bougeotte de bébé mais au travail qui a commencé ! Il était temps que je m’en rende compte ! Dire que je viens de renvoyer Dorothée et Cédric, c’est pas Dieu possible d’être niaiseuse à ce point et de ne même pas m’être dit avant que c’était ça ! Mais quelle débile profonde je fais ! Je suis sûre qu’ils ne sont pas encore arrivés à la maison (quoi qu’avec la conduite sportive de Cédric, ils sont peut-être quand même à Fécamp !!) mais je préfère laisser Dorothée rentrer pour se reposer et s’occuper de Madeleine. Et puis finalement je ne suis pas non plus super sûre que ce soit des contractions (la fille qui persiste et signe à ne rien voir, et dire que je me croyais prête !!).
Je décide de regarder l’heure et de mesurer le temps entre chaque douleur. Je me suis levée, je suis plus à l’aise debout, et je fais les 100 pas autour de mon lit. La dame à côté de moi ne dort pas non plus, alors je regrette encore plus d’avoir dit à mon petit ange gardien de partir… du coup je n’ai personne pour me donner mes petites billes et pour me dire que tout va bien aller. Et je suis un peu trop dans l’émotion du début de travail pour les prendre comme il faut toute seule comme une grande et pour me dire moi-même que tout va bien aller ! Vers 4h25, mes contractions sont de plus en plus régulières et rapprochées à 5 minutes. Je décide de sonner les infirmières.
Elles arrivent dans la chambre à plusieurs et je leur dis que je crois que j’ai des contractions. Elles me disent de patienter un peu, qu’elles vont prévenir le personnel des salles de naissance et j’attends encore un bon quart d’heure.
Elles reviennent avec un fauteuil roulant (mais… heu… je peux marcher madame…) et zou, direction les salles de naissance à nouveau. Je retrouve Céline, qui m’a examinée à mon arrivée 3 h avant. J’ai pris soin de prendre mon téléphone (même si c’est interdit, étant seule, j’ai quand même besoin d’un moyen de communication avec Cédric et Dorothée), ma petite valise pour le bébé et mon homéopathie (même si je ne la prends pas lol !)
Je m’allonge sur le lit d’accouchement, ça me fait drôle parce que 3 semaines auparavant je faisais la visite de la maternité et la sage femme en charge du groupe, Pascaline, nous expliquait comment fonctionnaient les lits d’accouchement et ce soir, cette nuit, c’est moi qui suis dedans… je savais bien que ça arriverait un jour, mais ça fait bizarre quand même.
Céline m’examine le col et là, grosse déception, il n’a quasiment pas bougé. Ca veut dire que ça fait plus d’une heure que le travail a commencé (bon, même si je ne m’étais pas aperçue que c’était ça parce que je suis un boulet, il avait quand même commencé avant que Dorothée ne s’en aille) et que ce n’est pas très efficace. Mon col n’est pas encore effacé, il est toujours épais et ouvert à 2 doigts. Et ben, y’a le temps ! A mon avis je ne vais pas accoucher avant dimanche à ce rythme là ! Par contre, le monito montre que ce sont bien des contractions de travail et qu’elles sont assez fortes quand même. Emma va bien. Son cœur bat normalement. C’est déjà ça, si ma fille n’est pas en souffrance, c’est le principal.
Céline me dit que c’est un peu tôt encore pour me faire la péridurale mais que si je veux, elle peut me faire une injection de nubin, un dérivé morphinique, qui va me soulager et me mettre un peu dans le cirage pour que je puisse dormir. J’accepte, puisque de toutes façons je suis toute seule, autant dormir si je peux. Par contre, l’injection est super douloureuse et je me mets à pleurer toutes les larmes de mon corps et à crier quand elle me la fait. J’ai eu du mal à me calmer, sans doute le trop plein d’émotions qui ressort, le fait d’être seule et d’avoir eu la bêtise de renvoyer tout le monde, et la peur qui me reprend de devoir accoucher seule si jamais personne n’a le temps d’arriver avant le grand moment.
Je somnole et dors un peu de 5 h à 7 h environ. A partir de 7 h, le produit ne fait plus trop d’effet et je me retrouve assaillie de douleurs. Elles sont fortes et je me mets à faire les 100 pas dans ma chambre. Je ne suis plus sous monitoring donc je peux me déplacer facilement. Un petit tour aux toilettes, et les 100 pas reprennent dans la chambre. Chaque contraction est douloureuse et me fait pleurer. Elles sont rapprochées, à peine le temps de souffler qu’une autre arrive. Elles sont longues aussi, ou alors c’est ma perception des choses qui est altérée parce que quand on a mal, on trouve toujours que c’est trop long.
A 7 h 30, une nouvelle sage femme vient me voir, équipe de jour oblige. Elle s’appelle Sophie, elle a une Sophie la Girafe sur sa blouse, avec son prénom marqué dessus. Elle est très gentille et très douce. Elle m’examine le col à nouveau et là, nouvelle déception, il n’a absolument pas bougé d’un millimètre. Toujours épais et ouvert à 2 doigts seulement. Le travail n’est visiblement pas très efficace. Elle me dit que me mettre sous péri maintenant peut être à double tranchant. Soit ça me détend et ça permet au col de mieux se dilater, soit ça diminue les contractions et du coup, le col se dilatera encore moins. Elle hésite alors je dis qu’au pire elle peut peut-être me refaire une injection de nubin. Elle dit que non, parce que ça shoote le bébé aussi et que ce n’est pas très bon. Dans ce cas ce n’est pas grave, je préfère supporter la douleur, ce n’est pas insurmontable non plus et j’ai déjà vécu pire en terme de douleur (quand mon ovaire a explosé par exemple).
Depuis mon arrivée à 1 h 15 du matin, le service s’est bien rempli et est quelque peu saturé. Il semblerait que tous les bébés se soient donné le mot pour naître ce samedi 12 ! La sage femme repart donc en me laissant seule mais me dit de sonner si j’ai quoi que ce soit.
A 7h50, je prends la décision de textoter Dorothée sur les évènements et d’appeler Cédric.
-Allo… dit-il dans un demi coma.
-Allo, c’est moi (en même temps qui d’autre ?), le travail a commencé cette nuit, le col n’est toujours pas ouvert mais ce serait bien si tu pouvais venir quand même.
-Ok, j’arrive.
-Oh, prends ton temps quand même hein, prends le temps de manger un peu, de prendre une douche… mais ce serait bien si tu pouvais être là dans une heure, une heure et demie.
-D’accord. A tout à l’heure.
-A tout à l’heure.
De 8 h à environ 9 h, je continue à faire les 100 pas dans ma salle de naissance, ne sachant plus comment me mettre et pleurant à chaque nouvelle contraction. Sophie passe me voir de temps en temps et je fais aussi, dans cet intervalle, la connaissance de Blandine la Dragonne, moins gentille encore que la dragonne de Shrek. Une vraie peau de vache aigrie !
Sophie me dit de ne plus pleurer, de bien souffler comme appris aux cours de prépa à la naissance mais rien à faire, je n’y arrive pas toute seule, si elle souffle avec moi j’y arrive mais sinon j’oublie, j’ai mal, je ne sais plus ce que je dois faire et je n’arrive pas à me détendre. Avec ça, je suis tellement crispée que mon col ne doit pas évoluer tellement… ça me mine encore plus… je me vois passer la journée ici et n’accoucher que le soir ou le lendemain, je me vois avoir un accouchement de 150 heures ! L’horreur totale ! Et le fait d’être seule accentue les films d’horreur que je me fais moi-même toute seule dans ma tête. Mais pourquoi j’ai renvoyé Dorothée moi ? Je suis débile ma parole !! J’aurais dû la rappeler avant, dès qu’ils m’ont emmenée en salle de naissance à 4h45. Je m’en veux.
Comme le service est saturé et que mon col ne bouge toujours pas, Sophie décide de me remettre sous monitoring afin d’évaluer l’intensité de mes contractions. Elle me dit que si le col ne bouge pas, c’est que peut-être ce sont des contractions pas assez fortes et veut vérifier ça. Parce que si c’est le cas, elle prendra la décision de me remettre en chambre dans le service de maternité pour libérer une salle de naissance… il y a des mamans qui arrivent et qui sont bien plus avancées que moi dans le travail. En même temps elles n’ont pas de mal, mon col n’est même pas encore effacé !!
Le monito posé, elle me dit que le papier se bloque parfois et que si c’est le cas, il faut que je sonne afin que quelqu’un vienne le remettre. Il faut absolument qu’elle voie comment est le tracé des contractions. Donc je vais faire tout comme elle me dit… première rencontre avec la dragonne…
Ca sonne ! Je sonne donc
La dragonne déboule… (… mais elle fait la sourde oreille, elle ne répond pas, ça sert à quoi ?…)
-qu’est ce que vous voulez ?
-heu, la sage femme m’a dit d’appeler quand le monito sonnait parce que le papier se coince…
-bon ben ça sonne plus là, ça s’est arrêté, alors quoi ?
-heu…
Et elle repart aussi sec dans un tourbillon de fumée maléfique sans avoir pris le temps de vérifier le papier… Je me suis crue dans Harry Potter, elle c’était Rogue et moi Harry… sans ses pouvoirs ! Au fur et à mesure que le temps passera, elle se transformera même en Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom !! Brrr ça fait froid dans le dos !
Heureusement la gentille Sophie arrive quelques minutes après et remet tout en place. Elle examine avec soin les tracés, bébé va bien et elle ne peut pas me remettre en chambre, ce sont de vraies grosses contractions bien douloureuses. Donc, je ne libère pas la place, je reste. Et la question de la péridurale se repose à nouveau. Il est près de 9 h, 8 h 45 peut-être, et elle tergiverse toujours sur le sujet… en même temps elle a l’anesthésiste sous la main parce qu’il en pose à des mamans qui sont ouvertes à 7 ou 8 cm donc elle a quand même bien envie de profiter de sa présence dans le coin… je flippe rien qu’à l’idée qu’on me pique dans le dos avec une aiguille géante. Je ne sais pas si j’en ai tellement envie de cette péridurale… La peur de ma vie rien que d’y penser, je savais que ça arriverait mais je ne sais pas si je vais être apte à supporter l’angoisse que ça me provoque. Je suis en panique totale.
Elle me dit qu’elle va en parler avec l’anesthésiste et qu’elle revient me voir après… elle a examiné mon col à nouveau et il n’a tjs pas bougé d’un poil.
8 h 57 texto de Dorothée : « je me réveille seulement, je me prépare, je fais manger Didou et j’arrive. Tu as la péri ? T’es ouverte de combien ? »
Il ne me semble pas avoir eu le temps de lui répondre, si elle savait, je n’ai ni la péri, ni l’ouverture lol !
Du coup elle m’appelle. Je lui explique brièvement les choses parce que la sage femme n’est pas loin et va revenir pour la péridurale… Elle me dit qu’elle arrive dès qu’elle a fini avec Madeleine.
-Prends ton temps, Cédric ne devrait de toutes façons pas tarder à arriver.
-T’es sûre ? Stéphane est en bas et ne l’a pas vu partir… il l’aurait vu quand même.
-Ben oui je pense qu’il ne devrait pas tarder, je l’ai appelé il y a une heure environ, je lui ai demandé s’il pouvait être là d’ici une heure et il a dit ok, il a dû partir sans que vous le voyiez.
-Ca me semble drôle quand même, je vais demander à Stéphane… Ben c’est bien ce qu’il me semblait, il ne l’a pas vu ni entendu descendre…
-Ah ? Ben écoutes, vas voir dans la chambre alors, si ça se trouve il s’est rendormi…
-Ah ben oui, il est là, il dort !!!
Aaaahhhhh l’horreur ! Je vais être seule encore combien de temps ???? Entre mon col qui ne dilate pas et le fait que je sois seule, je suis un peu à bout, proche de l’Ohio comme on dit ! Inutile de dire que les granules d’homéo passent allègrement à la trappe !
Dorothée me dit qu’elle arrive donc le plus vite possible. Je suis impatiente. Ca me pèse de n’avoir personne pour me soutenir. Je n’ai voulu déranger personne avant pour que tout le monde puisse se reposer, mais je commence à regretter amèrement de ne pas les avoir fait revenir dans la nuit quand on m’a ramenée aux salles de naissance. Je suis vraiment une dinde des fois !
A 9h30, Sophie revient me dire que finalement l’anesthésiste va me poser la péridurale. Elle me dit de ne pas pleurer, essaye de me faire souffler correctement. Elle me réconforte comme elle peut et me dit que je ne vais plus souffrir pendant très longtemps. C’est rassurant, mais je suis complètement paniquée à l’idée de cette aiguille qui me transperce le dos. Mon dieu que j’ai peur. C’est sans doute la chose la plus insurmontable que je dois vivre. Je vois d’ici le truc qu’il ne pourra pas me piquer tellement je serai tendue ! Je vois d’ici qu’il va s’y reprendre à 10 fois et ne pas y arriver. Bref, j’ai l’imagination fertile et je me fais moi-même mon petit film catastrophe ! Au secours, je veux m’en aller !!!
Sophie repart et environ 15 minutes après, l’anesthésiste arrive. C’est une femme, je ne sais pas pourquoi mais ça me rassure. C’est comme pour le dentiste, je suis plus rassurée quand c’est une femme, généralement elles sont plus douces et compréhensives. Elle met environ un petit quart d’heure à préparer le matériel dont elle aura besoin. Je ne regarde pas son petit chariot de peur de tomber par hasard sur l’aiguille qui va me piquer. Si jamais je la voyais, je crois que je serais capable de m’enfuir le cul à l’air !!
Au moment de me mettre le brassard pour contrôler ma tension, Sophie s’aperçoit que l’appareil qui est dans ma salle de naissance n’en a pas. Quelqu’un d’une autre équipe l’a probablement enlevé et utilisé ailleurs, et ne l’a pas remis en place. 2ème épisode dragonnesque : Sophie demande à Blandine d’aller soit chercher le brassard soit un autre appareil automatique de prise de tension. Option plus sûre et plus rapide vu que personne ne sait où est le brassard de ma machine. La dragonne se met dans un état de rage pas possible et engueule tout le monde sur son passage. Elle fait régner dans la pièce un climat de tension inouï. Moi qui suis déjà tendue à l’idée de cette fichue péri, je crois que là mon stress est à son comble et je pleure de plus belle. Je trouve absolument hallucinant que Blandine se permette de parler de cette façon à Sophie, à l’anesthésiste et parte en claquant la porte comma ça. J’en touche 2 mots à Sophie une fois la dragonne hors de portée et elle me dit que c’est souvent comme ça avec elle, d’un air résigné et malgré tout serein. Elle a de la constance Sophie, moi je n’avais qu’une envie : lui claquer le beignet à cette teigne !
Une fois revenue avec le nouvel appareil pour prendre ma tension, la dragonne vaque à ses occupations ailleurs (ouf !) et Sophie m’installe tout ça d’un air concentré, tout en me disant de souffler à chaque contraction, de ne pas pleurer et d’essayer de me détendre. Elle me remontre la position idéale pour que l’anesthésiste me pique bien, me fait faire le gros dos rond pour m’exercer et ça y est, le moment arrive où il va falloir que je fasse face à ma peur panique. Je m’assois sur le bord du lit et Sophie se met face à moi. Je fais le gros dos, l’anesthésiste me dit que si jamais je sens une contraction arriver, il faut que je lui dise rapidement pour qu’elle arrête la manœuvre. J’attrape Sophie à sa taille de pantalon et je sers très fort tellement j’ai peur. J’essaye tout de même de me détendre le dos afin que l’aiguille rentre. J’essaye de respirer calmement, comme elle me dit en me guidant doucement avec sa voix. J’ai des sanglots dans la respiration, c’est une épreuve insoutenable pour moi. Sans doute la plus difficile de mon accouchement. Je m’agrippe à Sophie et l’anesthésiste pique d’abord pour anesthésier la zone. Puis elle me dit qu’elle va y aller et piquer pour la pose du cathéter. Elle rentre l’aiguille dans mon dos et une contraction arrive… elle s’arrête, je suis à cran, je veux que ça se termine, j’ai envie de hurler, de pleurer, de m’en aller. J’veux un câlin. La contraction passée, on y retourne et en quelques secondes, c’est fait. L’anesthésiste enlève l’aiguille, fait remonter le tuyau le long de mon dos, le maintient avec des sparadraps et elle prépare la dose d’anesthésiant nécessaire pour me soulager. Elle m’indique comment me positionner pour que le produit ne se diffuse pas que d’un côté mais passe bien partout. Je fais la bonne élève et je fais scrupuleusement ce que l’on me dit. Je suis soulagée, c’est fini, plus d’aiguille… et bientôt plus de douleur non plus. Quand même, ce n’est pas si mal que ça la péri. C’est juste la pose qui est stressante !
Une fois branchée comme ça, impossible de bouger et de me déplacer.
Pendant qu’on me piquait, j’ai entendu la sonnette du service. Je me suis dit qu’une autre maman arrivait et que tous les bébés s’étaient décidément donné le mot pour naître aujourd’hui.
A 10h39 texto de Dorothée qui me dit qu’elle attend depuis 15 minutes dans le corridor. Ah ben c’était ça alors les sonneries que j’ai entendu pendant qu’on m’installait la péridurale ! Mais c’était sans compter sur la présence de Blandine qui a encore fait des siennes, envoyé bouler Dorothée et l’a laissée attendre dans le corridor sans la faire entrer. Et moi pendant ce temps, je suis toute seule !!!! Les autres mamans ont toutes quelqu’un avec elles pour les soutenir, ça ne dérange pas Blandine, mais moi, je n’ai pas le droit d’avoir un soutien !! C’est inouï !! Elle a dû me prendre en grippe cette dragonne, je ne sais pas ce que je lui ai fait mais elle a une grosse envie de m’emmerder, je le sens !! Je réponds donc à Leia que le service est saturé et que peut-être elle devrait essayer de sonner à nouveau. Ce qu’elle fait… au moment ou justement la dragonne est dans ma chambre en train de rouiner ! Là, elle râle et dit en l’air que « celle là n’est pas gênée à sonner de cette façon » et qu’elle va attendre ! Je lui dis alors timidement que je crois que c’est mon amie, venue pour me soutenir, et qu’elle attend pour pouvoir me rejoindre.
Aaaah mon dieu, qu’est ce que je n’avais pas dit là !! Une déferlante s’est abattue sur moi sans que je n’y comprenne rien !!! Elle me dit que mon amie n’est pas gênée, pour qui elle se prend ? Qu’elle n’a pas que ça à faire, qu’il y a au moins 6 autres femmes qui sont là pour accoucher et elle part en claquant à nouveau la porte. Je me retrouve seule face à moi-même, heureusement que la péri me rend zen, mais je suis quand même bien énervée. Elle croit quoi ????? Que je suis là pour faire un tennis moi ? Que je suis venue juste pour les emmerder un jour de grande affluence et qu’en fait je ne vais pas avoir de bébé ??? NAN MAIS QUELLE CONNASSE !!! Je suis verte. Qu’est ce que ça lui coûtait de la faire rentrer la première fois et de lui indiquer l’endroit où je me trouvais ??? Rien, ça ne lui coûtait rien ! Elle a quand même fini par aller la chercher et par l’amener. OUF !! Mais elle l’a vertement engueulée au passage aussi. Avec Dorothée, on est absolument hallucinées ! Me faire engueuler le jour de mon propre accouchement, je trouve ça très limite.
Elle a donc pu me rejoindre vers 10h45. Cela fait environ 30 minutes que je suis sous péridurale et je me sens bien. Je plaisante même un peu et je donne l’homéopathie à mon petit ange gardien pour qu’elle reprenne les choses en main. Choses que j’avais vraiment négligées.
Peut-être 5 minutes après que Leia m’ait rejointe, Blandine débarque encore comme une furie dans la chambre et hurle sur nous pour savoir si on a des portables d’allumés. On dit que oui, moi j’avais quand même besoin de le laisser allumé, même si je ne m’en servais pas, pour avoir des nouvelles en ce qui concernait Cédric et son arrivée et pour lui indiquer où il devait aller pour me retrouver (tellement peur qu’il ne trouve pas et rate tout). Elle nous intime l’ordre de les éteindre immédiatement en disant que ça fait des interférences (en même temps mon tel était avec moi depuis que j’étais arrivée à 4h45 et personne n’était venu se plaindre avant que ça faisait des interférences, donc bon… no comment !). Je le fais parce que maintenant que je ne suis plus seule, j’ai moins de réticence à éteindre. Au pire Leia pourra sortir de la salle pour le contacter. D’ailleurs il ne me semble pas qu’elle ait éteint le sien. Elle a dit oui oui pour ne pas provoquer plus les foudres sur nous, mais elle a dû le garder allumé quand même lol ! Leia fait de la résistance !!
A suivre…