Lorsque vous vous baladez dans les bocages au nord-ouest de Pau, rien ne pourrait laisser qu'il s'y cache un domaine viticole. Car ce n'est que champs de maïs, vaches et moutons. Et puis, à un moment, en prenant une petite route sur votre gauche, surprise !
Vous êtes arrivés à Cabidos ! Je n'en aurais probablement jamais entendu parler si l'ami Nicolas Gassmann ne m'en avait parlé à plusieurs reprises. Vu que c'est un garçon aux goûts très sûrs, je me doutais que ça valait le détour. Il m'avait fait déguster un rouge à base de très jeunes vignes de syrah, et c'était déjà prometteur. J'étais curieux de découvrir le reste.
Je suis accueilli par Vivien de Nazelle et sa responsable technique, Meo, probablement la seule thaïlandaise qui travaille en France. Et c'est une chance pour Cabidos, car elle ne fait rien moins qu'un travail exceptionnel (non, non, je n'en fais pas trop).
Si le Rémois Nicolas Gassmann connaît Vivien de Nazelle, c'est que ce dernier est d'origine champenoise. Cabidos était une propriété familiale du côté maternel, habitée surtout lors des vacances scolaires. Avant la révolution, la vigne colonisait les coteaux du village, mais le départ des moines a sonné le déclin. Les villageois ont récupéré les parcelles, mais ne possédaient pas le même savoir-faire. Et rapidement les céréales et les pâturages ont repris leurs droits. En 1992, l'un des fermiers du domaine propose à la mère de Vivien de Nazelle le droit de plantation d'une vieille vigne qu'il veut arracher. Elle accepte, et les vingt premiers ares sont alors plantés sur le coteau jouxtant le château.
La vigne a l'air de s'y plaire. Du coup, à partir de 1997, son fils commence à agrandir le vignoble qui progressivement atteint 8 hectares. Le local Petit Manseng est privilégié (80% de l'encépagement), mais s'y côtoient aussi Sauvignon, Chardonnay et Syrah (30 ares de cette dernière).
La région se prête aux vins liquoreux : ils constituent la moitié de la production du domaine. Mais celui-ci produit aussi quelques blancs secs, et selon les millésimes un rosé ou un rouge.
L'avantage d'une petite structure, c'est de pouvoir faire des petits lots. Les cuves que vous voyez sont les modèles standard du domaine. Le domaine possède deux chambres climatisées qui servent de cuviers et permettent de réguler les températures selon les besoins (2° avant les fermentations, 17-18° durant celles-ci). Un petit pressoir pneumatique complète le matériel.
Après fermentation, l'élevage se fait principalement en barriques. A ce moment précis, il convient de parler d'un intervenant essentiel dans l'élaboration des vins du domaine : Jean-Michel Novelle, un vigneron suisse aimant bousculer les traditions, et excelle particulièrement dans les assemblages.
Parler de tout cela donne soif.
Aussi avons-nous consacré l'heure et demi suivante à déguster....
Chardonnay sec 2007 (VdP du Comté Tolosan) : robe or pâle aux reflets verts. Nez fin, élégant, sur la noisette grillée, la pêche jaune, le beurre... Bouche d'une belle ampleur, avec une matière onctueuse, gourmande, soutenue par une fine acidité coupée au laser qui étire le vin jusqu'à une finale savoureuse, expressive, sur la pomme et la noix fraîches. Déjà ce premier vin me sidère par son équilibre entre richesse et finesse (11 € la bouteille).
Sauvignon sec 2007 (VdP du Comté Tolosan, issu d'une vigne à 9.000 pieds/ha) : robe or pâle, brillante. Nez très frais, sur le fruit de la passion, le pomelo et une touche de bourgeon de cassis (juste ce qu'il faut). Bouche plus ample encore que le vin précédent, plus tendue aussi, avec une sensation cristalline. Puis, en gardant le vin en bouche, un beau gras s'installe, sans lourdeur aucune. La finale est très fraîche, avec une délicieuse astringence et des notes mentholées. Alors que je pensais avoir bu tout ce qui se faisait de bon en Sauvignon, ce vin m'a bluffé par sa pureté, son élégance, son expressivité (11 € la bouteille).
Petit Manseng 2007 (VdP du Comté Tolosan) : robe d'un beau doré. Nez frais, élégant, hésitant entre le miel et la truffe, puis après agitation par sur des notes de pêche jaune, de cire. Bouche très ample, avec une tension due à l'acidité du cépage vous prenant dès l'attaque et ne vous lâche plus jusqu'à la finale longue, gourmande, avec ce qu'il faut d'astringence. Que du bonheur ! (14.50 € la bouteille)
Petit Manseng 08 : nez plus en dentelle, déjà légèrement truffé. L'équilibre est très différent du vin précédent. L'ampleur est moins immédiate, mais progresse, inexorablement, jusqu'à devenir imposante. L'acidité est plus présente encore, allongeant d'autant plus le vin. La matière est riche, grasse. La finale à la mâche calcaire est longue et expressive. Le puzzle semble complexe, mais toutes les pièces s'assemblent à la perfection pour donner un vin riche, frais, élégant ... et très gourmand ! (14.50 € la bouteille)
Bon, on se dit que le rosé va tout de même nous ramener un peu sur terre, car il y a tout de même quelque chose de suspect, dans cette série parfaite. Même pas.
Rosé de Syrah 2008 (VdP des Pyrénées Atlantiques) : robe saumonée. Nez fin, épicé, sur la groseille, l'écorce d'orange. Bouche d'une ampleur rare pour un rosé, à la matière soyeuse, fraîche, avec un côté vineux très champenois. Finale charnue, gourmande, très épicée. Un rosé de haute volée !
Puis je regoûte le rouge que j'avais apprécié.
Syrah 2007 (VdP des Pyrénées Atlantiques) : nez fruité sur la cerise noire, avec des notes de poivre blanc. Bouche toute en rondeur gourmande, avec des tannins très doux, un côté pulpeux, frais. La finale se conclut sans dureté, sur les épices et le "revienzy". Aussi bon que dans mon souvenir.
Place aux douceurs ...
Cuvée Saint-Clément 2006 (VdP du Comté Tolosan) : robe or. Nez fin, frais, sur l'ananas rôti, le citron confit, une touche de truffe. Bouche ronde, fraîche, désaltérante car peu grasse, et un sucre à peine perceptible tellement il est équilibré par l'acidité. La finale est savoureuse, avec une astringence gourmande, sur des notes de truffe et de cire.
Cuvée Philippe de Nazelle 2006 (VdP du Comté Tolosan) : nez sur le caramel au beurre, la truffe et l'encaustique. Bouche beaucoup plus ample, avec une fraîcheur kolossale et l'impression de croquer un ananas. L'acidité monte crescendo apportant longueur et digestibilité à une finale très aromatique. Superbe équilibre ! (13 € les 50 cl)
Cuvée Philippe de Nazelle 2007 (VdP du Comté Tolosan) : nez sur la marmelade d'orange amère, la truffe , la vanille et une touche de grillé. Bouche ample, grasse, d'une grande onctuosité, avec toujours une belle trame acide qui équilibre le vin. Finale longue, fraîche, sur l'ananas et le zeste confit. Du grand vin !
L'Or de Cabidos 2004 (VdP du Comté Tolosan) : robe entre l'or en fusion et le cuivre. Nez explosif sur la truffe et l'encaustique. Bouche très ample, voluptueuse, avec l'impression d'un taffetas de soie qui se roule et déroule en bouche. Une matière hors-norme (280g de sucre résiduel). L'acidité est plus discrète mais est bien là, sous-jacente, et équilibre parfaitement le vin. La finale est le bouquet final du feu d'artifice, explosant de toute part, et longue, longue, longue. Magnifique ! (32 € les 50 cl)
Il est certain que l'appellation "vin de pays du Comté Tolosan" n'est guère vendeuse. Si ces vin rentraient dans une appellation plus prestigieuse, ils feraient beaucoup plus de bruit ! En tout cas, les sommeliers Eric Boschmann et Eric Beaumard sont des fans absolus de ces vins, et on les comprend. Voir aussi ICI le "test comparatif" de l'ami Gildas.
Le bon point étant que pour l'instant, il en reste suffisamment pour les amateurs que nous sommes. Laissons les vins plus prestigieux aux buveurs d'étiquettes !
Château de Cabidos, 64410 Cabidos
Tél : 05 59 04 43 41
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