Après avoir fortement reculé en 2009 le commerce extérieur est vivement reparti à la hausse : 26% de progression au second trimestre 2010 ! Une nouvelle fois, les échanges mondiaux sont le fer de lance de la croissance des pays émergents et des pays occidentaux qui s’en sortent, comme l’Allemagne.
Ce sont les pays les plus ouverts qui profitent de la reprise mondiale et ce sont les plus protectionnistes qui sont à la traîne. Il est ainsi prouvé que la mondialisation, loin d’être une menace, est une chance pour tous les pays qui veulent relever le défi de la compétitivité.
Les exportations mondiales en hausse de 26%
Depuis la fin de la guerre et les mesures de libéralisation du commerce international qui ont permis à la mondialisation de se développer par étapes successives, les échanges internationaux ont toujours progressé plus vite que la production. Ainsi la part des échanges mondiaux dans la production de chaque pays n’a-t-elle cessé d’augmenter : aujourd’hui, elle est en moyenne mondiale supérieure à 30% du PIB (et dans de nombreux pays supérieure à 50%), ce qui veut dire que le tiers de ce qui est produit dans un pays est vendu aux autres pays et le tiers de ce qui est consommé vient de l’étranger. Nier la mondialisation, c’est nier la réalité.
Changement de décor en 2009 : pour la première fois, le commerce extérieur a plongé de 12%, aggravant considérablement la récession mondiale. Moteur permanent de la croissance, le commerce extérieur s’est effondré avec elle. Voilà pourquoi l’annonce de la reprise des échanges mondiaux est une des meilleures nouvelles de cette année 2010.
Les chiffres sont encourageants. Même Pascal Lamy, pourtant bon socialiste, a déclaré devant le MEDEF : « Si je regarde les chiffres du commerce mondial, on est en sortie de crise ». Au second trimestre, les exportations mondiales ont bondi de 26% par rapport à la même période de l’an dernier et, pour l’ensemble du premier semestre, la hausse est de 25%. Pour l’ensemble de l’année, on prévoit une hausse d’au moins 10%, effaçant le recul antérieur et permettant la poursuite de la reprise.
Ce qui est intéressant également, ce sont les différences géographiques. La Chine, dont les exportations avaient reculé avec la crise, voit ses exportations bondir de 44% au second trimestre: de quoi faire rêver la planète entière. Mais la Chine n’est pas seule, et on constate sans surprise que l’Inde a vu ses exportations, pendant la même période, en hausse de 33%, et le Brésil de 29% ! L’Europe se consolera avec une progression de ses ventes vers le reste du monde de 13% (grâce à l’Allemagne), mais on constatera, sans grand étonnement, que les échanges entre pays de l’Union ont chuté de 2% au second trimestre par rapport au trimestre précédent. Vraiment pas de quoi pavoiser.
Certes, on pourrait nuancer l’ampleur de la reprise en raison des mouvementa monétaires et de la hausse des prix des matières premières, faisant progresser la valeur en dollar des échanges. Mais ces bémols techniques n’altèrent pas le mouvement de fond.
Le protectionnisme est le plus court chemin vers la misère
On ne sera pas surpris qu’avec de telles progressions, la croissance du PIB en Inde soit annoncée à 8,5% et celle de la Chine à plus de 10%. De petits pays émergents comme Maurice connaissent aussi cette envolée. Une nouvelle fois, la démonstration est faite : les échanges sont la meilleure forme d’aide au développement de pays naguère pauvres. Mais parmi les pays riches très développés ceux qui ont joué à fond la carte de l’ouverture internationale sont aussi sur la voie d’une reprise significative. L’Allemagne en est le meilleur exemple : le pays le plus ouvert d’Europe, le plus tourné vers les exportations, est celui qui a connu au dernier trimestre la plus forte croissance du PIB : 2,2% soit un rythme annuel de 8,8%. Par pudeur, on taira les chiffres français, déjà commentés les semaines précédentes.
En sens inverse le protectionnisme est le plus court chemin vers la récession et vers l’entretien de la misère dans les pays en voie de développement (par exemple la plupart des pays africains qui refusent le libre échange). Du côté de la vieille et frileuse Europe on songe avant tout à protéger son agriculture, son industrie, ses services. La France est le symbole de cette peur du grand large. Les hommes politiques y entretiennent la phobie de l’extérieur : Achetez Français, produisez Français. A leur décharge, il faut reconnaître que le mercantilisme et le protectionnisme appartiennent à une tradition séculaire, depuis Sully, Colbert, Napoléon ou Méline : refus de la concurrence des étrangers. Le Programme Commun de la Gauche en 1975 prévoyait la « reconquête du marché intérieur », expression judicieuse inventée par Laurent Fabius. Rien n’a changé, apparemment.
Il est vrai que la plupart des économistes alimentent le protectionnisme en présentant le commerce extérieur comme un principe de « division internationale du travail ». Si on les suit – tel Maurice Allais – la France serait condamnée à ne produire que des parfums et du champagne, les produits industriels étant abandonnés au monopole de l’étranger, tandis que notre agriculture disparaîtrait. Cette vision, héritée de Ricardo, n’a aucune consistance réelle, il n’y a aucune spécialisation internationale visible pour la plupart des biens et services. Ils peuvent être aujourd’hui produits n’importe où.
L’échange libre : tout le monde y gagne
La vraie signification du commerce extérieur, comme de tout processus d’échange se comprend à la lumière de la théorie de la dispersion des connaissances, particulièrement développée par Hayek. Personne ne détient la totalité du savoir et du savoir faire ; l’échange permet de bénéficier de tout ce que les autres savent, de compenser cet éclatement des connaissances.
D’autre part l’échange, en lui même, est créateur. Il faut avoir une vision marxiste de la valeur travail pour ne pas comprendre cela, mais Aristote, si lucide sur bien des points, s’était déjà trompé ici en expliquant qu’il y avait échange parce que les valeurs étaient équivalentes. Cette croyance a perduré jusqu’à Condillac, Say, mais surtout Bastiat qui a clairement établi que s’il y a échange, c’est parce que les deux échangistes ont des opinions différentes sur la valeur des biens. C’est la différence des valeurs subjectives qui donne naissance à l’échange. L’objet, en changeant de mains, change de valeur Le bien A entre les mains de Dupont a plus de valeur qu’entre celles de Durand, et il en est de même pour le bien B, qui a plus de valeur aux yeux de Durand qu’à ceux de Dupont. Voilà pourquoi Dupont et Durand échangent A contre B. L’échange est donc en soi, par nature, du moment qu’il est libre, créateur de richesses, c’est-à-dire de satisfactions supplémentaires pour tous.
Dans ces conditions, tout ce qui limite les échanges, au niveau mondial, limite la création de richesses. La seule chose à faire, pour créer des richesses, développer les pays, créer des emplois, qui n’en sont qu’une retombée, c’est de libéraliser les échanges. Tous les pays émergents l’ont compris ; pas la vieille Europe, à quelques exceptions près ; pas les Etats-Unis d’Obama. Voilà pourquoi le centre du monde se déplace peu à peu de l’Atlantique vers le Pacifique, et de l’Europe vers l’Asie.
Mais il n’y a pas que l’Europe ou les USA qui freinent et ont du mal à comprendre cela. Pascal Lamy, directeur de l’OMC, qui se réjouissait de la reprise des échanges, retrouve son visage de socialiste quand il déclare contre toute évidence : « La crise a renforcé la nécessité de régulation et d’autorité mondiale dans certains domaines comme la finance. Cette dernière était probablement l’activité économique la plus globalisée et la moins régulée. Cette crise va permettre de boucher ce trou et d’apporter certaines améliorations ».
Etrange aveuglement ! Tout d’abord dire que la finance n’était pas régulée est une erreur ; les « règles de Bâle » existaient bien avant la crise, mais elles étaient simplement mauvaises, et on en rajoute une couche avec « Bâle 3 » qui sera encore plus nocive. Ensuite, la crise financière est venue des Etats et des banques centrales, qui ont autorisé les banques à mener une politique laxiste. Les « contrôleurs » n’ont pas fait leur travail, et maintenant on voudrait discipliner la finance en multipliant contrôles et contrôleurs.
Le marché, y compris le marché financier, n’a pas besoin de contrôle, mais de liberté et de concurrence.
L’avenir de l’économie mondiale passe par la liberté du commerce international. La France et, au-delà, l’Europe ne sortiront de la récession et de la crise que s’ils acceptent d’ouvrir leurs frontières plus largement et rejettent le protectionnisme et la régulation qui n’en est qu’une variante. Refuser la liberté des échanges, c’est accepter le déclin économique.
Article repris depuis La Nouvelle Lettre avec l’aimable autorisation de Jacques Garello. Image: La poupe du porte-conteneurs géant Colombo Express, image libre de droits, auteur Danny Cornelissen.