J'écrivais de Casa, lors de mon premier passage, que c'était à la fois triste et gris. Je pourrais dire que Casa gagne à être visitée et explorée, mais l'expression semble plus faible que ce que je voudrais exprimer. En anglais, je dirais «It grows on you», qui exprime la même chose, mais avec un peu plus de force.
Cette introduction est une autre manière de dire que finalement, j'aime bien Casablanca. Une fois apprivoisés son temps souvent gris et ses grands boulevards, une fois ignorés ses cafards qui détalent sur ses trottoirs le soir venu, Casa demeure une ville animée et intéressante malgré la première impression tristounette laissée à ce voyageur ci par ses édifices coloniaux souvent délabrés.
Il faut dire que je suis un amateur de jungle urbaine, et Casa est une ville qui a beaucoup à offrir dans ce domaine. J'étais donc bien content d'y revenir passer une journée et demie avant de remonter au nord et rentrer chez moi.
--
Ce retour à Casa est la dernière journée de Suze au Maroc, puisque demain matin, elle doit prendre son vol de retour vers Montréal.
Notre train quitte Rabat en retard mais nous arrivons à Casa relativement tôt. Nous sommes accueillis très chaleureusement par notre aubergiste du Touring de Casa, qui se souvenait de nous, avait remplis nos fiches d’avance, et nous a promptement remis le bagage que nous avions laissé en consigne deux semaines auparavant.
J’ai la mauvaise surprise de constater que l’épicerie – où j’avais acheté une lager lors d’un précédent passage - ne vend pas de bière pendant le Ramadan. Obstiné, j’achète deux Becks sans alcool, que nous boirons finalement plus tard sans enthousiasme dans la chambre du Touring.
Mais la visite de la journée est la Mosquée Hassan II. Malheureusement pour nous, la mosquée – la seule ouverte aux touristes non musulmans de tout le pays – a adopté des horaires spéciaux pour le mois du Ramadan. Ainsi, il n’y a pas de visite en après-midi et nous devons nous contenter de l’extérieur.
Heureusement, l’extérieur vaut amplement le détour de toute manière. Le temps est nuageux, alors les photos sont moins éclatantes, mais l'édifice demeure photogénique. Paradoxalement, Casa est souvent nuageuse alors que le reste du pays semble en permanence sous un soleil de plomb.
Après notre visite, nous décidons de passer par la medina pour revenir vers la Ville Nouvelle. Avant même d’atteindre les portes, nous traversons un quartier marchand où un matelas parti au vent me tombe sur la tête (!).
Nous marchons ensuite dans Casablanca, à redécouvrir ensemble des endroits visités chacun de notre côté, comme la Place Mohammed V ou la cathédrale.
En fin de journée, après avoir fait nos bagages pour le retour dans les jours suivants, nous ne pensons pas prévoir un horaire spécial Ramadan et nous frappons devant une porte fermée à l’épicerie à 19h.
Nous errons donc en ville et sommes témoin d’une des scènes les plus étranges qu’il m’ait été donné de voir.
Un peu avant 19h30, alors que le soleil se couche et que chacun attend l’appel à la prière et le coup de canon annonçant la fin du jeûne pour la journée, nous nous retrouvons au coin de la rue Allah Ben Abdellah, près d'une portion de la rue transversale où se trouvent plusieurs restaurants et rôtisseries. Les tables en terrasses et les tables à l’intérieur des établissements sont pleines. Toutes les places sont occupées, les repas servis et les boissons également. Mais assiettes et verres sont recouverts de serviettes de papier, et les clients attendent, silencieux et immobiles, le son annonçant la possibilité de manger ce repas.
La scène a quelque chose de fascinant et surréaliste: on se croirait dans un de ces films où l’action s’arrête et aucun personnage ne bouge à part le protagoniste principal. Ils ne conversent pas, ne bougent pas, ils semblent en transe, attendant le coup d'envoi de leur festin.
Nous poursuivons notre marche, sur la rue Mohammed V, et je prends une photo du désert urbain devant moi: là où la ville est habituellement animée, il n’y a plus personne, plus rien. Pas de vendeurs de camelote sur le trottoir, pas de kiosque à journaux, rien. Chacun est rentré chez lui ou allé au resto pour manger dès que ça sera permis.
Après le coup de canon salvateur, la vie reprend lentement son cours à Casablanca. Quelques minutes à peine après le moment tant attendu, nous croisons enfin un kiosque ouvert où les résidents présents dégustent leurs souper avec délectation.
Nous leur souhaitons bon appétit...
Plus tard – et heureusement - alors que les musulmans ont mangé, l’épicerie rouvre ses portes et nous achetons de quoi nous faire un souper dans la chambre. Nous profitons de la réouverture des commerces en soirée pour acheter quelques pâtisseries qui constitueront probablement notre unique source de déjeuner le lendemain matin.
C’est notre sixième jour de Ramadan – et nous ne l’observons même pas à la manière des musulmans – mais nous sommes déjà fatigués de l’impact que la pratique a sur nos journées. L'exotisme que la chose avait dans les premiers jours fait place à une simple lassitude devant les problèmes que la pratique cause.
--
Autres photos du jour:
Suze sur l'avenue Mohammed V de Rabat, en direction de la gare.
La rue marchande le long de la medina où j'ai reçu un matelas sur la tête.
Bonne nuit Casablanca. Place des Nations Unies.
--