Dans un précédent billet j’évoquais les sujets marronniers, ceux qui, comme
le furet de la chanson, courent, courent et vous repassent régulièrement sous
le nez.
Le projet de suppression de la publicité sur la télévision publique est bien
parti pour jouer au furet !
En 2008, lorsque Sarkozy triomphant et jubilant avait annoncé, à la surprise
générale, que s’en était fini de cette infâme publicité qui impose la course à
l’audience elle-même génératrice de programmes médiocres, je
m’étais exprimé pour expliquer en quoi cette réforme de la télévision
publique avait été menée en dépit du bon sens et dans la précipitation
!
« Au lieu de commencer par définir les exigences nouvelles, puis de
redéfinir le cahier des charges des différentes composantes de France
Télévision, puis de se demander qu‘elle est la meilleure organisation, quel est
le budget nécessaire et puis, enfin, de se poser la question du mode de
financement, on a commencé par amputer d’1/3 le budget de France Télévision
! »…disais-je !
Et bien, évidemment, au lieu d’aller jusqu’au bout du raisonnement,
c'est-à-dire, de compenser le manque à gagner par une hausse proportionnelle de
la redevance, qu’est ce qu’on a fait ? Je vous le donne en mille ! on
a instauré une nouvelle taxe !
A l’époque mon opinion sur cette réforme typiquement sarkozienne était déjà
sévère :
« Cette réforme est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire ! On lance un projet sans réflexion préalable, on le justifie comme étant la condition sine qua non à une télévision publique de qualité et on commence par amputer celle-ci d’une partie de son financement, on ne se pose qu’ensuite la question de savoir par quoi la remplacer et on ne trouve rien de mieux que de taxer des Sociétés privées de manière tout à fait arbitraire, le tout avant même d’avoir défini ce qu’on entend par « télévision de qualité » et avant d’avoir spécifié les nouveaux objectifs qui devront être fixés à l’audiovisuel public ! »
Je pensais avoir tout dis mais c’était sans compter sur l'incroyable talent de notre gouvernement pour nous surprendre !
En effet, 2 ans plus tard, qu’elle est donc la situation ?
On s’aperçoit d’abord, qu’après 20 heures, la publicité a effectivement
disparue mais qu’elle a été en grande partie remplacée par …le parrainage
!
La publicité est morte, vive le parrainage !!!...si ce n’est pas une grosse
hypocrisie, mais qu’est-ce donc ? je vous le demande ?
Mais ce n’est pas tout, la publicité stricto sensu n’est supprimée qu’à
partir de 20 heures et devait défunter complètement à partir de Novembre 2011,
or voilà qu’on
nous annonce qu’en fin de compte, on va attendre un peu pour la liquider
!
Plus précisément, on va attendre 2 ans à partir de sa date théorique de
liquidation pour…. aviser : « Après on verra » nous dit Frédéric
Mitterrand !
Ce qui nous met donc en ….2014, au mieux !...autant dire que la publicité
sur les télévisions publiques a encore de beaux jours devant elle !
Etonnamment, Sarkozy qui n’aurait laissé à personne le soin d’annoncer cette
réforme, s’est bien gardé de communiquer lui-même sur ce fâcheux contretemps
!
Que cette réforme parte en eau de boudin ne me dérange pas franchement, au
contraire, car le moins que l’on puisse dire, c’est que les motivations, les
raisons de cette réforme n’ont jamais été extrêmement claires !
Il y a 2 ans j’écrivais :
« Sans même indiquer en quoi la télévision sans pub sera différente
de la télévision avec pub, et sans savoir par quoi remplacer ces recettes, on
annonce que l’on va se priver de plus de 800 millions (même si un étonnant
retour arrière semble avoir été fait pour ne plus avoir besoin que de 470
millions).
800 millions d’euros ça ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval et
par les temps qui courent alors que les caisses sont vides (sic Nicolas
Sarkozy) et que les prélèvements obligatoires sont trop importants (sic Nicolas
Sarkozy) je ne suis pas certain qu’il soit heureux de priver la télévision
publique d’une telle manne financière ! »
Qu’avec 2 ans de retard, le gouvernement prenne conscience de ce qui était
déjà une évidence il y a 2 ans, c’est mieux que rien, comme dit la locution
latine « errare humanum est perseverare diabolicum » !
Non, ce qui me dérange c’est ce que révèle la manière dont a été géré ce
projet.
Celui-ci est représentatif jusqu’à la caricature de la méthodologie
sarkozienne.
Une réforme est lancée tambours battants, sur des fondements pas forcément
très clairs et tout cela sans concertation ni à priori ni à postériori
!
Lorsque pour une raison ou pour une autre, on tombe sur un os, inévitable
compte tenu de l’impréparation de la chose, on bifurque, on dépiaute la dite
réforme en lui laissant juste ce qu’il faut pour pouvoir l’inscrire dans la
colonne crédit de son bilan de fin de mandat !
A l’arrivée, on se retrouve dans une situation pas nécessairement meilleure
qu’avant et en tout cas plus complexe.
Dans le cas de celle-ci, plus précisément, la publicité existe toujours,
sous toutes ses formes, et par dessus le marché on a gagné une taxe
supplémentaire.
Cette réforme a , sans conteste, rejoint la longue liste des réformes ratées
de Sarkozy !
Pour les autres, je renvoie encore une fois à l’excellente étude de Pierre
Cahuc et André Zylberberg « Les réformes ratées du Président
Sarkozy » (Editions Flammarion).