Depuis qu’il a entrepris de conduire une réforme des retraites, notre gouvernement s’est déclaré disposé à participer à une négociation. Il peut donc être utile de rappeler ce qu’est une négociation. Elle réunit généralement au moins deux parties avec des positions différentes. Une succession de rencontres leur permet d’échanger leurs points de vue, afin de mettre en évidence leurs points de désaccord et de s’efforcer de les éliminer. Elles engagent le plus souvent une espèce de marchandage dans lequel, si elles ne parviennent pas à définir une position moyenne, chacune d’entre elles acceptera de céder sur un point donné pour, en contrepartie, obtenir satisfaction sur un autre.
Il est tout naturel que chacun des participants aborde ces discussions en se fixant des objectifs, définissant les mesures qu’il est prêt à abandonner et celles auxquelles il n’entend pas renoncer. Mais proclamer comme l’a fait François Fillon qu’il n’est pas question de ne pas reculer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans revient à tuer l’esprit même de la négociation. Il était bien sûr possible, dans le cours de cette négociation, que le gouvernement maintienne cette exigence, mais il est contre-productif et surtout totalement étranger à l’esprit qui doit prévaloir dans une négociation de l’affirmer avant son ouverture. Lorsqu’une négociation échoue, c’est alors un des protagonistes qui impose son point de vue par la force.
La composition actuelle du Parlement donnait au gouvernement la certitude de voir sa réforme votée. Lors des débats, l’attitude des élus socialistes a pu prendre l’aspect d’une obstruction. Mais, étant donné l’importance de cette loi, censée constituer la réforme du septennat, ne pouvait-on attendre quelques heures ou même quelques jours avant de procéder au scrutin ? Le règlement de l’Assemblée stipule que chaque parlementaire doit pouvoir, s’il se souhaite, s’exprimer sur le projet pendant cinq minutes. Il n’appartient pas au Président d’apprécier si ses propos apportent ou non des éléments nouveaux, tant que ceux-ci restent dans les limites autorisées par la loi. En refusant la parole à ceux qui n’avaient pu encore s’exprimer, Bernard Accoyer a commis un coup de force, agissant comme le responsable d’un parti et non comme le chef d’une assemblée multi-partis. Un comble pour le membre d’une clique qui ne cesse de clamer son respect de la légalité, alors qu’elle la bafoue régulièrement.
La majorité a choisi de passer en force. Elle a oublié que la force appelle la force. Elle le regrettera peut-être quelque jour.