Ben Affleck voudrait être Clint Eastwood. S'il continue à ce rythme, pourquoi pas : Gone baby gone n'a pas à rougir de la comparaison avec Mystic river, autre film tiré d'une oeuvre de Lehane. Bizarrement d'actualité (l'affaire Maddie et celle des frenchies de l'Arche de Zoé), le film déroule une intrigue dense mais parfaitement compréhensible et en extrait classieusement la substantifique moëlle. Il y a évidemment un vrai suspense là-dedans, pas vraiment de l'ordre du whodunit, plutôt comme un film qui répondrait patiemment à toutes nos interrogations avant d'en créer sans cesse de nouvelles. Et s'il convient de ne rien révéler pour ne pas gâcher le divin plaisir que constitue la découverte des étapes successives du film, la réflexion amenée par le film est l'une des plus brillantes et obsédantes qui soit. Le héros finit par être confronté à un dilemme, et prend une décision, sans que l'on soit jamais vraiment capable de lui donner raison ou tort. Il fallait pour cela un grand travail d'adaptation et une précision d'orfèvre.
Comme s'il avait l'expérience d'un metteur en scène de soixante piges, Affleck assure. Enchaîne les plans magnifiques, chiade sa mise en scène sans verser dans la fioriture (à la... Eastwood), et dirige d'une main de maître un casting discret et brillant. À commencer par Casey A., son frangin, l'un des grands acteurs de ce début de siècle, qui trouve un second rôle d'envergure cette année après avoir été le Robert Ford d'Andrew Dominik. Et l'on se dit que vraiment, les frères Affleck ne sont pas là par hasard. Brillant, tenace et beau comme un camion, Gone baby gone est le petit bijou de cette fin d'année, à ne rater sous aucun prétexte.
8/10