Billy Pilgrim voyage dans le passé et dans le futur, au gré de ses envies et de ses délires : tour à tour soldat, prisonnier à Dresde avant le bombardement de 1945, optimétricien aux USA ou kidnappé par des extra-terrestres, il n’est plus lié au cours normal du temps. Abattoir 5, prix du jury à Cannes en 1972, ressort en copie neuve dans les salles françaises et n’a pas perdu de son effet de surprise.
Tiré du roman de Kurt Vonnegut (auteur de Breakfast of Champions), le film de George Roy Hill est considéré comme culte par ses adorateurs. Quasi méconnu par chez nous, cet OVNI d’un genre très particulier, mi-SF, mi-film de guerre, étonne encore aujourd’hui. Le héros, fade au premier abord puis plein de vie et d’âme par la suite, se trouve capable de voyager dans le temps de sa propre vie, revivre son enfance comme assister à sa mort.
Cette exploration temporelle est brutale, sans artifice et sans effets. Un plan Billy est allongé dans la neige en Belgique, le plan suivant il court avec son chien en Amérique. Ces incessants allers-retours transforment une histoire finalement déjà vue, aux thèmes éculés cinquante-cinq ans après la fin de la guerre, en une vraie expérience audiovisuelle.
Même si Abattoir 5 a pris des rides - un décor de planète extra-terrestre cheap, quelques effets spéciaux datés -, elles sont touchantes et belles ; elles ne viennent en aucune manière affecter la puissance du propos. Non content d’alterner futur et passé, guerre et paix, Hill va jusqu’à mélanger grandes séquences maîtrisées et micro-scènes sans queue ni tête, voire faire cohabiter drame et humour à la limite du slapstick.
Le résultat est donc étrange, un peu dérangeant. Abattoir 5 vaut aujourd’hui plus pour sa forme que pour son fond, classique peinture d’une Amérique en pleine guerre, trop violente et trop schizophrène pour être saine.
Déglingué, un peu daté, Abattoir 5 - je vous laisse la surprise de découvrir le sens du titre - est loin d’être un film facile à regarder de nos jours. Mais en le replaçant dans son contexte, on se rend compte qu’il est finalement l’un des seuls films à narration morcelée à parler d’un sujet comme celui de la guerre. Déglingué oui… mais puissant et marquant aussi.
Abattoir 5, 1972