Pourquoi un nouveau port ?
A la fin du Moyen-âge, Rouen apparaissait nettement comme la capitale économique de la Normandie, particulièrement pour les activités maritimes. Mais la navigation sur la Seine était alors longue, difficile et périlleuse et ne permettait pas aux navires de plus de 180 tonneaux de remonter le fleuve.En outre, les Rouen, Harfleur ou Honfleur étaient inadaptés face à l'augmentation du trafic maritime et au tonnage des navires marchands.Une solution devait être cherchée. Qui allait prendre les initiatives ?Deux démarches parallèles, légèrement décalées dans le temps, allaient être à l'origine de la naissance du port du Havre : le pouvoir royal et les marchands.
Le pouvoir royal
Louis XI (1423-1483) puis Louis XII (1462-1515) firent explorer la région en vue d'établir des fortifications, mais aucune réalisation concrète ne s'ensuivit. C'est François Ier (1494-1547) qui prit réellement les "choses en mains", motivé par des préoccupations d'ordre militaire, politique et économique :
* Apporter son soutien militaire à Jacques V d'Écosse contre le roi d'Angleterre Henri VIII, ce qui nécessitait l'emploi d'une armée de mer et donc un port pour la rassembler.
* S'assurer une prépondérance politique et économique en Europe en maîtrisant les débouchés sur l'Atlantique.
Les marchands
De leur côté, justement, les marchands rouennais, sur le plan strictement économique, avaient fait la même analyse. Ils ne pouvaient que se tourner vers le roi, ce qu'ils firent par l'intermédiaire des états de Normandie, réunis le 9 mai 1515. On ne réclamait pas à proprement parler la création d'un nouvel établissement, mais l'aménagement de Harfleur et de Honfleur. Ce fut pour le souverain l’occasion de faire d'une pierre deux coups : créer un port qui soit bien à lui, tout en faisant plaisir à ses sujets rouennais.
C'est ainsi que le 7 février 1517, François 1er donna commission à Bonnivet, Amiral de France, de trouver un "havre", un abri pour les navires, tant de guerre que de commerce.
Pour cette période de l'Histoire de France, le choix rationnel d'un site était une grande innovation. De plus, le programme des travaux était complet et précis. Il s'agissait d'un programme conçu pour le bien public, adapté à des buts politiques, militaires, économiques et nautiques.
Le choix rationnel d'un site
Ce site portuaire était déjà connu sous le nom de Havre de Grâce. On ne sait pas avec précision pourquoi il fut retenu, la commission n'en parlant pas, si ce n'est en des termes vagues, " le plus propre et plus aisé " de la côte.
Il est vraisemblable que Guyon Le Roy, capitaine du port d’Honfleur, l'avait utilisé pour y mettre à l'abri une partie de sa flotte, et connaissait donc les avantages de ce site. Sur un point, le choix devait se révéler judicieux : en effet les courants de marée montante, en se répercutant sur les côtes, maintenaient la mer haute plus longtemps.
Les travaux : l'aménagement du site et la construction du port. Le texte du 7 février donnait possibilité à Bonnivet de commettre quelqu'un en son absence. Aussi, dès le 12 février, transmettait-il sa commission à Guyon le Roy en en reprenant les termes. Dès le 22, ce dernier écrit à M. de Blosseville, capitaine des côtes de Normandie, lui demandant d'appeler les maîtres maçons et autres ouvriers de Normandie à l'adjudication des travaux.
Préalablement, le 2 mars, cinq à six cents personnes, officiers de justice et de l'administration, maîtres maçons, capitaines de navires, habitants de Harfleur et " autres plusieurs personnaiges à ce congnoissans ", se rendirent sur le terrain pour donner leur avis sur " le lieu le plus propre, utile et convenable et plus parfaict ".
Le 3 mars, on procéda à l'adjudication des travaux au rabais. Jehan Gaulvyn, de Harfleur, et Michel Feré, d’Honfleur, tous deux " maistres du mestier de machonnerie " furent déclarés adjudicataires.
Les travaux, prévus pour être finis à la fin d’octobre, furent bien loin d'être exécutés dans le délai porté au marché, et ce pour plusieurs raisons :
* Le mauvais état du sol nécessitait de creuser beaucoup plus profondément pour trouver un sol stable. Il fallut donc employer un très grand nombre de pieux pour soutenir les ouvrages de maçonnerie
* Le climat et les conditions de travail rendirent illusoire la corvée prévue par la commission du 7 février ; il fallut donc aller chercher, et de plus en plus loin, des pionniers et les payer.
* Enfin, lors des tempêtes, il était impossible aux ouvriers de travailler.
Cependant, une lettre prouve qu’à partir d’octobre 1518 le port pouvait être utilisé.
A l'origine, Il n'avait été question que de construire un port, la commission du 7 février 1517 était claire sur ce point.Si l'emplacement du port semblait judicieusement choisi, le site de ce havre n'avait aucune des vertus qui attirent et retiennent les hommes, notamment en raison des nombreux marécages qui entouraient le site. Les conditions physiques paraissaient même conspirer toutes ensembles pour les en éloigner. " Jamais pourtant site ne fut plus défavorable à des établissements humains", mais " d'inexorables nécessités politiques et économiques ayant amené la création du port, la ville devait naitre non moins inexorablement, quels que fussent les désavantages du site ".
L'initiative revient à du Chillou qui, sur le chantier, s'était vite rendu compte qu'un port ne pouvait rester sans un établissement capable d'accueillir tous ceux qui auraient à intervenir dans les fonctions portuaires.
Il fallut donc créer de toutes pièces un habitat. Guyon Le Roy, en plus de ses fonctions officielles, était également un homme d'affaires entreprenant. Il exploita alors la situation à son profit et se conduisit en véritable " promoteur immobilier ". Prenant contact avec les paroissiens d'Ingouville, un village de pêcheurs et de cultivateurs, il se fit concéder 24 acres de terre à prendre des deux côtés du havre dans l'intention de revendre ce terrain sous forme de parcelles pour y construire le Havre de Grace. Cependant, personne ne se précipitait pour venir vivre sur ces terres. En effet, dans l'esprit des habitants de la région il s'agissait d'un avant-port (de Rouen ou d'Harfleur, suivant où l'on réside), mais en aucun cas d'un établissement portuaire autonome.
Aussi du Chillou chercha-t-il à intéresser le Roi à son entreprise et il y réussit au-delà de toute espérance.
Dès le 8 octobre, François 1er accorda aux habitants et futurs habitants exemption de taille et de franc salé. Dans ses lettres patentes, il rappelait les raisons de la création d'un port au lieu de Grace et ajoutait vouloir faire construire et édifier une forteresse et une ville close. C’est là le véritable acte de naissance de la ville.
Port du Havre vers 1500
Mais malgré ces privilèges et la protection royale, les lotissements ne démarrèrent pas. C'est qu'il n'y avait encore que peu d'activité maritime et surtout commerciale. C'est pourquoi 3 ans après les premières exemptions en août 1520, à l'issue de sa visite, le Roi accorda de nouvelles lettres patentes, confirmant " à toujours perpétuellement et à jamais " les privilèges accordés.
Guyon Le Roy acquit pour sa part à titre de " fieffe " le territoire de la future ville.
François Ier, ayant déclaré son intention de faire construire une forteresse et une ville close, le terrain prit de la valeur.
Le Seigneur de Graville se rendit soudainement compte que les terrains sur lesquels la ville était " encommencée " lui appartenaient, et que les paroissiens d'Ingouville n'en avaient que l'usage pour leurs pâtures et n'avaient pas le droit d'en disposer.
Le Parlement de Rouen rendit un arrêt concernant un procès entre Louis de Vendôme, vidame de Chartre et sieur de Graville, et Guyon Le Roy à propos des 24 acres de terre qui avaient été fieffées à ce dernier. L'arrêt définitif fut rendu le 13 mai 1524 et confirma à Louis de Vendôme la propriété des terres contentieuses "comme du corps et dommaine du. seigneur de Graville ". Guyon Le Roy fut condamné à restituer tout ce qu'il avait perçu à raison des 24 acres de terres, la fieffe étant annulée. Celui-ci allait sortir ruiné de ce procès et quitter la scène havraise en 1528.
La ville du Roi Pour sa part, le Roi François Ier, ayant déjà montré à plusieurs reprises son intérêt pour la ville, saisit l'occasion offerte par l'arrêt du Parlement de Rouen pour "dédommager" le seigneur de Graville pour faire du Havre de Grace une ville royale ne dépendant d'aucun seigneur local.
Alors que la commission du 7 février 1517 ne parlait que d'un port, les lettres patentes accordaient des privilèges à un port ET une ville. La ville du Havre allait passer avant le port, le tout, présenté comme ayant toujours été la volonté initiale du Roi.
Un plan d'urbanisme pour la Ville Françoise : l'influence de Bellarmato
Là n'allait pas se borner l'attention du Roi pour SA ville. Outre quelques voyages qu'il y fit pour suivre l'avancement des travaux, au cours desquels il avait été désagréablement impressionné par les constructions et par cette ville imparfaitement close, François Ier, allait confier à l'architecte italien Bellarmato le soin d'établir des règlements pour son édification, la voirie et la protection contre les attaques.
Le 18 juin 1541, François Ier donna commission à Girolamo Bellarmato et le nomma ordonnateur et contrôleur des dépenses, avec une autorité absolue et les pleins pouvoirs.
Port du Havre vers 1536
Né à Sienne en 1493, Girolamo Bellarmato était cosmographe, architecte civil, architecte militaire et urbaniste.
Introduit auprès de François 1er en 1540, il avait proposé au roi, concernant Le Havre "d’y faire la terre à la façon de Venise ", c'est-à-dire de consolider le sol pour le mettre à l'abri des inondations. Dans le quartier Notre-Dame en partie construit, il ne put que redresser un peu la voirie, inspirer des prescriptions rigoureuses pour le tracé des rues, limiter la hauteur des maisons.
Mais son œuvre essentielle devait résider dans la réalisation d'un nouveau quartier, celui des Barres ou plus exactement sa partie qui sera plus tard appelée quartier Saint-François, située à l'est de la crique qui, elle, deviendra le bassin du Roi. Là, il put appliquer ses principes, selon quatre idées directrices :
1) établir un quadrillage des rues principales bordées de maisons ;
2) les doubler de voies de dessertes de deux mètres de large, destinées aux égouts ;
3) réserver par les voies principales une perspective monumentale sur l'église située au nord-est du quartier ;
4) voiler le tout au sud et à l'ouest par deux îlots destinés à couper les vents dominants.
Il dotait en même temps l'enceinte de bastions en forme d'éperons triangulaires, ceints de murs et surmontés d'une plate-forme avec parapet. Ce système était utilisé pour la première fois en France.Evolution de l'enceinte
Le front à défendre ainsi déterminé était cependant trop long.
* Aussi, dès 1551, on retrancha le quartier Percanville des fortifications.
* En 1562, s'apercevant que le danger le plus grave venait de l'est, de la plaine de Leure, on construisit un fort dans le quartier des Barres (qui sera alors en partie évacué), le fort Warwick.
* Dès la libération de la ville, le fort fut remplacé par une citadelle que Richelieu fit , à son tour, reconstruire de façon monumentale en 1627.
Source du site
http://www.thucydide.com
Bibliographie et liens de l’article sur le site
http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/villes/le_havre/biblio.htm
La Captivité et le Retour des Enfants de France (Tableau du spectacle 2009)
Suite à la bataille de Pavie en 1525, François Ier de France est emprisonné en Espagne. Pour être libéré, il signe le traité de Madrid n 1526 avec Charles Quint par lequel il promet, entre autre, de rendre le duché de Bourgogne à Charles de Habsbourg. Le roi de France livre ses deux fils comme otages à l'Espagne. En compensation, Charles Quint donne sa sœur Éléonore en mariage à François Ier. Après moultes péripéties, Éléonore ne devient reine de France qu'en 1530. Elle ramène en France les deux petits princes français. Éléonore restera une reine de France obscure, qui n'aura aucun poids à la cour et dont personne ne s'occupera. La maîtresse du roi brillant à sa place.