Avant la journée de mobilisation nationale de demain, le patron de la CFDT demande l’abandon du report à 62 et à 67 ans des âges de départ. Il se dit prêt à
poursuivre le bras de fer.
C’est la réponse du berger à la bergère. Au lendemain des propositions du ministre du Travail, Eric Woerth, dans nos colonnes, pour amender certains points de la
réforme des retraites, François Chérèque réplique : c’est du « rafistolage ». Le leader de la CFDT n’en démord pas : le gouvernement doit « revoir sa copie sur le fond ».
Confiant dans l’ampleur de la journée de demain, il promet déjà une nouvelle mobilisation.
Qu’attendez-vous de cette troisième journée de mobilisation sur les retraites ?
FRANÇOIS CHÉRÈQUE. Ce n’est pas parce que les députés ont voté le texte en première lecture qu’on ne peut plus faire changer la loi. Une nouvelle étape va se jouer
au Sénat jusqu’à la mi-octobre. D’où la nécessité pour les salariés de continuer à peser. Cette journée doit être suffisamment forte, autour de 2 millions de manifestants, pour obtenir de
nouvelles ouvertures du gouvernement. Je suis confiant car, au-delà du nombre de manifestants, on est en train de gagner le soutien populaire.
Le ministre de l’Intérieur a appelé avant-hier les Français à une grande vigilance face à des menaces terroristes. Cela ne risque-t-il pas de dissuader plus
d’un manifestant ?
Si le gouvernement pense qu’il y a un risque, c’est à lui de prendre une décision de protection. A partir du moment où le ministre de l’Intérieur autorise les
manifestations, c’est qu’il doit penser qu’il n’y a rien à craindre.
Eric Woerth a fait des ouvertures en faveur des travailleurs handicapés, des chômeurs âgés et des femmes. Est-ce suffisant ?
Le gouvernement est en train de se rendre compte que sa réforme n’est pas bonne. Au bout d’un moment autant changer de texte plutôt que de faire du rafistolage sur
tout. Les dernières ouvertures démontrent que son projet de loi n’est pas juste, contrairement à ce que le gouvernement nous répète depuis cinq mois. Raison de plus pour lui demander de revoir sa
copie sur le fond. Ce sont les fameuses bornes d’âge, les 62 et 67 ans qui provoquent ces inégalités. Tout le monde sait bien, les salariés les premiers, qu’il faut une réforme des retraites. A
condition que les efforts soient partagés par tous et ne pèsent pas, comme c’est le cas, essentiellement sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou ont eu des carrières
incomplètes.
Comptez-vous sur les sénateurs pour faire évoluer la réforme ?
Je garde l’espoir de faire reculer le gouvernement sur les éléments essentiels de la réforme grâce à la mobilisation des salariés. Mais tout ce qui peut être obtenu
dans le débat parlementaire est bon à prendre et sera à mettre à l’acquis de notre action syndicale. Les sénateurs, qui sont tout sauf des suivistes d’une politique injuste, sont de nature à
comprendre qu’il faut faire évoluer ce texte.
En 2003, la CFDT jouait la carte réformiste. En 2010, elle se retrouve dans le camp des syndicats contestataires. Pourquoi ce revirement
?
La réforme de 2010 s’oppose totalement à celle que nous avons soutenue en 2003. La réforme Fillon reposait sur trois principes : la durée de l’espérance de vie
détermine la durée de cotisation; la même durée de cotisation pour le public et le privé; un traitement différent pour les salariés qui ont commencé jeunes ou ont exercé des métiers
pénibles.
Le dispositif des carrières longues défendu par la CFDT est pourtant maintenu…
Le gouvernement l’a reconduit, mais pas dans les mêmes conditions. Le fait de reculer l’âge de départ à minimum 60 ans pour les bénéficiaires revient à traiter plus
durement un ouvrier qu’un cadre. Je rappelle qu’en 2003 nous avions obtenu le départ après 42 ans de cotisation maximum. L’ouvrier qui a commencé à 16 ans, sera forcé de travailler au total 44
ans. Un cadre qui a fait des études et commencé à travailler tard pourra toujours partir au même âge. Cela revient à sanctionner tous ceux ayant commencé à travailler jeunes.
Les avancées sur la pénibilité ne trouvent-elles pas grâce à vos yeux ?
Sur la pénibilité, la CFDT a fait une proposition simple : accorder une bonification de cotisation tous les dix ans pour les salariés exposés à des risques
professionnels avérés comme le travail de nuit, le travail dans le bruit ou l’exposition aux risques toxiques… Le gouvernement répond, lui : départ à 60 ans pour ceux qui ont une incapacité. Ce
n’est pas un système de pénibilité mais d’invalidité.
Que pensez-vous de la promesse du PS de rétablir les 60 ans s’il revient au pouvoir ?
Les politiques font les promesses qu’ils veulent. Je fais d’abord confiance à l’action syndicale et à ce qu’on peut obtenir aujourd’hui. Je dis aux salariés : «
N’attendez pas 2012 pour vous mobiliser, c’est aujourd’hui qu’on fait changer les choses. » Sinon nous risquons la démobilisation. Nous sommes dans un combat syndical, pas dans un engagement
politique.
Avez-vous eu des contacts récents avec le ministre du Travail ?
Je l’ai eu très récemment au téléphone pour lui réexpliquer notre point de vue. C’est mon travail de syndicaliste. Ce n’est pas moi qui décide du choix de mon
interlocuteur.
Quelles suites envisagent la CFDT après le 23 septembre ?
Nous en discuterons vendredi avec les autres organisations. Si le gouvernement reste sourd une nouvelle fois, nous n’en resterons pas là. Nous sommes dans un
mouvement durable. La CFDT ne se désolidarisera pas de l’intersyndicale. Mais on a toujours dit notre souhait de faire une nouvelle journée d’action un week-end pour ne pas pénaliser
financièrement les salariés.
Propos recueillis par Catherine Gasté-Peclers
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(Le Parisien)