L’IATA affiche un optimisme de bon aloi.
On avait perdu l’habitude d’entendre les responsables de l’IATA utiliser des termes positifs. D’autant que le groupement professionnel a tout intéręt ŕ mettre en évidence le verre ŕ moitié vite, qu’il s’agisse de statistiques de trafic ou de résultats financiers, cela pour rendre plus crédibles les critiques et requętes diverses qu’il adresse inlassablement aux autorités gouvernementales, aux aéroports, etc.
Quoi qu’il en soit, le moment n’est pas venu de bouder son plaisir. L’IATA annonce, on a peine ŕ le croire, que ses 230 membres afficheront en fin d’année un bénéfice et 8,9 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 560 milliards, 15 de plus que ne le laissaient entendre de prévisions établies au début du printemps. Nous voici confrontés, une fois de plus, ŕ l'invraisemblable mouvement de balancier qui rythme le devenir de l’industrie des transports aériens. Le juste milieu semble hors d’atteinte, tout est excessif, d’une maničre ou d’une autre.
Aprčs avoir touché le fond, les compagnies bénéficient aujourd’hui d’une conjoncture meilleure en męme temps qu’elles recueillent les fruits de mesures d’économies qu’elles ont prises tout au long d’un passage ŕ vide de deux ans. La progression de la capacité offerte a été contenue, les boulons ont été serrés, l’équilibre entre offre et demande est revenu ŕ un niveau acceptable et, dans le męme temps, le prix du carburant n’a plus connu de flambée (la moyenne estimée de l’année devrait ętre de 79 dollars le baril).
Le trafic est actuellement de 3 ŕ 4% supérieur ŕ ce qu’il était avant la crise, c’est-ŕ-dire début 2008. La croissance, pour l’ensemble de 2010, devrait ętre de 11%, rythme qui ne pourra évidemment pas ętre maintenu dans la durée et devrait redescendre dčs l’année prochaine trčs en-dessous de ce niveau. Ce qui ne sera que normal. On retrouve les fondements de cet optimisme ŕ travers les calculs d’ID Aéro qui estime ŕ 7,6% le rythme de progression de la demande en aoűt, avec un coefficient d’occupation de 80,2% (venant de 75,7% en janvier).
Au plan financier, la mise en exergue du verre ŕ moitié vide est justifiée. Mais en ira-t-il un jour autrement ? Avec des bénéfices multipliés par trois et demi, les membres de l’IATA vont obtenir cette année une marge de 1,6% tout au plus, laquelle reste trčs insuffisante, quel que soit le critčre retenu.
Dans ce contexte, l’Europe fait tache : elle est ŕ la traîne. Aussi l’IATA estime-t-elle que les compagnies du Vieux Continent afficheront en 2010 des pertes de 1,3 milliard de dollars, certes inférieures ŕ ce qui était redouté précédemment, mais quand męme hors tendance générale. Blâmer l’euro fort apparaît comme une explication trčs insuffisante.
Reste ŕ s’entendre sur la valeur de référence de ces statistiques. Le pavillon aérien européen ne se limite pas aux seuls membres de l’IATA. Une remarque qui gagne chaque jour en acuité, compte tenu de l’ascension des compagnies low-cost, aujourd’hui arrivées au-delŕ des 150 millions de passagers annuels, mais bien entendu ignorées par l’IATA puisqu’elles ne sont pas du męme monde. Tout comme, d’ailleurs, les 100 millions de passagers des charters. En d’autres termes, les statistiques de référence ne sont plus ce qu’elles étaient : il y manque plus de 250 millions de passagers ! Tôt ou tard, il faudra y mettre de l’ordre.
Pierre Sparaco - AeroMorning