Cela dit, je ne serai pas bégueule, je garde encore quelques restes. Je conserve – oui, je sais, c’est stupide et récurrent chez moi – une faiblesse congénitale pour le peuple des ténèbres. Celui pour qui tous nos politiques se décarcassent sans compter, mais avec beaucoup de calcul. Incorrigible j’étais à la maternelle du bord de mer, du côté de la Méditerranée, incorrigible je demeure, du côté de la Manche. C’est ça l’histoire : elle s’écrit toujours à l’encre des pulsions et, disons-le, de la stupidité humaine. J’en revendique le droit, voire même le devoir. Qu’aurions-nous à nous raconter si nous vivions dans un monde où l’erreur n’existait pas ? Ennuyeux !
Je n’aime pas Ségolène Royal. Là aussi, je me répète. Mais si quelqu’un avait encore un doute, je le dissipe d’un trait net. Je n’aime pas ses préjugés de fille bien élevée, bien mise de sa personne, toujours polie. Avenante. Mais prête, derrière un sourire bien travaillé, à vous dégager de sa vue si on ose la contrarier dans l’objectif qu’elle s’est fixé : sa propre ascension politique. C’est que la Dame est une coriace ! Derrière la façade de boutiquière affable se cache une âme trempée dans l’acier avec lequel on forge les épées de Tolède.
Une amazone, la gonzesse ! Pas le genre à lâcher prise au premier revers. Ni au second non plus. Le PS, avec sa moyenne politique, commence à comprendre qu’il va être difficile de la contrer. Même en manipulant le vote des primaires qui s’annonce chaud, il aura du mal avec une telle bernique. Elle vient de le prouver lors de la troisième édition de cette Fête de la Fraternité qui s’est tenue samedi dernier à Arcueil, sous un pont de l’autoroute A6, entre un centre de tri postal et un terrain de foot synthétique. Offensive et cependant prudente, la mère Ségo n’a pas fini d’affuter son arsenal. En occupant le terrain dans un dispositif de 4-3-3 cher à Didier Deschamps et à Laurent Blanc, entraîneurs désormais emblématiques de la génération 98, Ségolène veut proposer un jeu séduisant à un public qui en rêve. Cela dit, le championnat est long et plein de mauvaises surprises. C’est sans doute pour cela qu’elle prend les devants, forte d’un schéma simple : la meilleure défense c’est l’attaque !
Qu’elles sont belles ces réunions de famille où il ne manque qu’une chose : la famille ! L’occasion rêvée pour dire du bien d’elle. Pour proclamer, haut et fort, sa fidélité, que sans elle nous ne sommes rien ou pas grand-chose. Mais, comme dans toute famille qui se respecte, il faut un chef. En l’occurrence, une cheftaine : Ségolène Royal. Elle joue du velours dans son discours et dans ses déclarations à la presse, toujours avide de sensations fortes : l’unité du parti et, dans le parti, la priorité des priorités : battre Sarkozy en 2012. Tel est le message de cette Fête de la Fraternité et de Ségolène Royal en particulier.
Qu’on ne vienne pas dire qu’elle ne sait pas s’y prendre ! De Claude Bartolone qui ne la supportait plus à Arnaud Montebourg, en passant par Valls, Mignard et ce bon mécène de Pierre Bergé, tous étaient de la partie ! Il n’y a pas si longtemps, les susnommés la boudaient !
Cet exhibitionnisme de Ségolène agace en interne, mais il porte ses fruits sur le terrain. Au moment où Sarko se ratatine lamentablement, elle est là -- plus fringante que jamais -- pour la revanche ! Elle la veut. Elle occupe l’espace médiatique et le terrain, parle unité, se veut fédératrice de bonnes volontés, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti. Elle fait tout pour provoquer la chance. Aura-t-elle le dernier mot ?…
Quelle conclusion pouvons-nous tirer cependant des propos de Pierre Bergé lors de cette Fête de la Fraternité ? : « Je suis Ségolène depuis le début. Son discours est le seul, malheureusement, qu’on entende réellement à gauche. »
Pourquoi malheureusement Pierrot ?…