Sarko, et 7 minutes de discours à l'ONU
Il faudra un jour qu'on nous explique combien a coûté l'escapade new-yorkaise de Nicolas et Carla Sarkozy. Arrivé dès samedi sur place, Sarkozy a délivré son discours attendu à l'ONU lundi. Son intervention a duré 7 minutes et 48 secondes. Le soir, une interview de Carla Bruni-Sarkozy était retransmise sur CNN. Le show présidentiel se voulait rodé : à l'ONU, Nicolas jouait les généreux, sur CNN, Carla jouait les fausses modestes. Mme Sarkozy est « l'une des épouses les plus commentées des chefs d'Etat », s'exclamait la journaliste de CNN en introduction.
Le poing droit souvent fermé, comme pour marteler chacun de ses propos, Nicolas Sarkozy perdit d'abord une première minutes à rappeler les objectifs dits du Millénaire : « Il y a 10 ans, le monde décidait de réduire de moitié l'extrême pauvreté, d'assurer l'éducation de tous les enfants, de réduire des deux tiers la mortalité des enfants, d'améliorer la santé maternelle, de combattre le sida et le paludisme, et de promouvoir l'égalité des sexes. C'était il y a 10 ans. » Il poursuit, grandiloquent :
« Le chemin qui reste à accomplir est encore immense. (...) La question qui se pose est est-ce que nous allons profiter de la crise pour faire moins, ou est-ce que au contraire, dans un sursaut nécessaire, nous allons être au rendez-vous de nos promesses ?» Mais c'est pour mieux s'auto-féliciter :
« Nous sommes le deuxième donneur d'aides publiques mondiales » rappelle Nicolas Sarkozy. Il a raison. Au passage, il néglige de souligner que nombre d'aides aux pays du Sud sont désormais conditionnés à la maîtrise des flux migratoires. Le développement, otage de la politique migratoire, est l'un des concepts innovants de Sarkofrance. En 2008, la Cimade dénonçait cette démarche conditionnelle: « Le développement est un droit reconnu par les Nations-Unies et ne saurait faire l'objet de conditionnalité quelle qu'elle soit.» Sur sa tribune provisoire à l'ONU, Sarkozy martèle le montant de l'aide publique française au développement : 10 milliards d'euros par an. Sarkozy omet de préciser que seuls cinq pays ont d'ores et déjà atteint l’objectif, fixé il y a 40 ans (sic !), de consacrer 0,7% de leur revenu national à l’aide aux pays pauvres : la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et le Luxembourg. La France se situe, pour 2010, à 0,44%. Pire, la Sarkofrance a assoupli la définition de son « aide publique » pour y inclure davantage de prêts rémunérés, tout en réduisant ses dons, notamment en matière sociale.
Sarkozy voulait quelques annonces « choc », il fallait que les formules claquent : « Nous avons pris la décision, alors que nous sommes le deuxième contributeur mondial au fond de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, nous avons décidé d'augmenter notre contribution de 20% au cours des trois prochaines années. » Cette proposition est doublement hypocrite : primo, l'effort est en fait très modeste : il se résume à ... 60 millions d'euros d'augmentation en 3 ans. C'est moins d'un dixième du coût annuel du bouclier fiscal... Ces aides françaises devraient ainsi passer de 300 millions à 360 millions d'euros d'ici 2013. Ensuite, comme par hasard, sa propre épouse Carla Bruni est ambassadrice de ce même Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. Si Miss Bruni-Sarkozy s'était dévouée à la déforestation, la Sarkofrance aurait-elle changé son fusil d'épaule ? Cette privatisation de l'action poliique à des buts d'image, d'élection, voire d'intérêts plus pécuniers (cf. le plan Alzheimer, ou l'affaire Bettencourt), est l'une des spécificités terrifiantes de la présidence Sarkozy. Interrogée par CNN sur le sens de son engagement auprès de cette cause particulière à l'ONU, Carla Bruni-Sarkozy, faussement naïve, répond : « pour moi, c'était important de faire quelque chose pendant que je suis aux côtés de mon mari, qu'il est président de la France.» Ce fut la seule question de cette interview-alibi. Le reste n'était qu'opération de communication. Questionnée sur les deux autobiographies publiées la semaine dernière à son sujet, elle a déclaré qu'aucune n'était officielle ni autorisée, mais que « la France est un pays libre », et chacun peut fantasmer et publier ses fantasmes...
Après son annonce ridicule et troublante, Sarkozy voulait surtout expliquer, sans l'avouer, pourquoi la France, et les pays industrialisés, ne pouvaient faire mieux en matière d'aide publique : « Je veux dire ma conviction qu'alors que tous les pays développés sont en déficit, il faut trouver de nouvelles sources de financement pour la lutte contre la pauvreté, l'éducation et pour la résolution des grandes pandémies sanitaires de la planète. » De Paris à l'ONU, le mot d'ordre est toujours le même : pas touche aux riches !
En France, les niches fiscales sont à peine rabotées, et l'injuste répartition des efforts n'est pas traitée. A l'étranger, la Sarkofrance explique que les pays pauvres doivent trouver leurs financements ... ailleurs ! Qu'ils innovent ! « J'essaierai, pendant l'année de ma présidence du G20 et du G8, de promouvoir l'idée des financements innovants, a-t-il ajouté. Pourquoi attendre ? La finance s'est mondialisée, au nom de quoi nous ne demanderions pas à la finance de participer à la stabilisation du monde en prélevant sur chaque échange financier une taxe ?» Botter en touche sur un futur G20 ou un improbable consensus entre pays riches est une tactique usée qui n'embarrasse même pas le président français.
Sarkozy voulait « marquer des points sur la scène internationale. » Son intervention s'est déroulée dans une indifférence quasi-générale.
Le gouvernement gaffe....
En France, la tempête Xynthia n'en finit pas de faire des ravages. Neuf mois après son passage dévastateur en Vendée, un nouveau collège d'experts a réduit le nombre d'habitations à démolir. Problème, l'Etat a déjà procédé à l'expropriation de certaines des maisons désormais épargnées. On se souvient de la polémique de l'époque. Selon le Figaro, Jean-Louis Borloo a reçu un rapport vendredi dernier qui réduit à 761 contre 945 initialement annoncés le nombre de maisons à détruire. A juste titre, le quotidien de Sarkofrance parle de « désaveu » des services de l'Etat.
Autre bourde, le gouvernement doit revoir le barème du bonus/malus automobile. Il devrait modifier les critères d'émissions de CO2, trop laxistes et surtout trop coûteux. Initialement prévu à 340 millions d'euros, ce bonus automobile coûterait finalement 710 millions d'euros dès 2010. Destiné à encourager l'achat de petites voitures, ce dispositif a fait bondir les ventes de ces dernières bien au-delà des prévision: en 2009, les voitures ouvrant droit au bonus représentaient déjà 55,5 % des ventes (contre 40 % prévus).
Eric ment et récuseLe service de presse d'Eric woerth a commis une bourde. Le ministre du travail a donné une interview au Parisien mardi 21 septembre, dont, comme d'habitude, les meilleurs extraits ont été livrés à l'AFP. Mais la version ensuite publiée par le quotidien différait légèrement. En comparant les deux versions, on comprenait que l'Elysée était passé par là. Ainsi, ce n'est plus « le gouvernement » mais « le Président de la République » qui « souhaite augmenter le nombre de personnes handicapées pouvant bénéficier d’un régime de départ anticipé à la retraite.» Autre correction élyséenne, la réponse d'Eric Woerth au sujet de la retraite à taux plein des mères de 3 enfants: « Ce n'est pas le sujet » expliquait le ministre dans la version initiale de son entretien. L'expression a été retirée.
Eric Woerth confirme d'ailleurs qu'il restera inflexible sur ce point: « Les salariés qui partent aujourd’hui à 65 ans et partiront demain à 67 ans ne sont pas, comme le prétend Martine Aubry, les ouvrières du textile.» Et d'ajouter : « Les femmes concernées ont généralement arrêté de travailler il y a vingt ans en moyenne, le plus souvent par choix. Elles sont deux fois moins concernées par le minimum vieillesse ce qui veut dire concrètement qu’il ne s’agit pas des femmes aux revenus les plus modestes! La plus grosse injustice encore une fois, c’est l’écart de salaire entre les hommes et les femmes.» Le ministre préfère donc botter en touche par cette non-réponse approximative (notez les « généralement » et « le plus souvent ») : il ne répond pas sur le fond et maintient sa position : pas de retraite à taux plein à 65 ans pour les mères de 3 enfants !
Autre mensonge, Eric Woerth confirme bien que les femmes nées vers 1975 devront cotiser davantage que les hommes de leur génération, mais renvoie la source du problème aux écarts de salaires. Comprenne qui pourra : « Les femmes âgées aujourd’hui de 54 ou 55 ans partiront à la retraite avec autant de trimestres que les hommes. Les femmes nées dix ans plus tard partiront en moyenne avec une quinzaine de trimestres en plus. La vraie question n’est donc plus celle de la durée de cotisation ou de l’âge de départ mais celle de la différence de salaires.»
Dernière approximation, le ministre du travail refuse une fois de plus d'envisager tout prélèvement supplémentaire sur le capital ou les hauts revenus, au double motif que (1) sa réforme prévoit déjà 4 milliards d'euros de prélèvements (c'est faux : pour parvenir à ce chiffre, il ajoute les 2,5 milliards d'euros supplémentaires prélevées sur les entreprises par le biais d'une modification du calcul des allègements généraux de charges patronales), et (2) toute hausse des prélèvements sur les hauts revenus et le capital nuirait au ... pouvoir d'achat des Français ! « Ça, c’est le projet socialiste du bombardement fiscal. Au final, cela donne moins de pouvoir d’achat, plus de chômage, et des classes moyennes qui prennent cela de plein fouet.»
Par ailleurs, Eric Woerth a exprimé son souhait d'être toujours ministre à l'issue du remaniement gouvernemental, désormais prévu pour novembre. Convaincu d'avoir toujours la confiance de Nicolas Sarkozy, il estime encore et toujours qu'il n'y a aucune affaire « Woerth ». L'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, a réitéré de son côté ses accusations de financement politique illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, dans un entretien à l'émission Complément d'enquête diffusé lundi 20 septembre sur France 2 : Patrice de Maistre, a-t-elle expliqué « vient me trouver dans mon bureau et il me dit: "Claire, j'ai besoin de 150.000 euros". Alors je lui demande pour quoi faire et il me dit "je dois donner ces 150.000 euros à M. Woerth pour la campagne électorale de M. Sarkozy".»
Une autre affaire baptisée Wildenstein embarrasse Eric Woerth et même François Baroin : Laurent Mauduit rappelait dans Mediapart, mardi 21 septembre, qu'« un juge d'instruction indépendant pourrait être saisi et enquêter sur une affaire de présomption de fraude fiscale massive.» Lundi dernier en effet, l'avocate de Sylvia Wildenstein, en litige avec son beau-fils Guy, a déposé une nouvelle plainte contre X... auprès du procureur de la République pour «trafic d'influence, corruption active et passive, et recel de blanchiment d'argent». Jusqu'alors, la veuve de Daniel Wildenstein avait multiplié les procédures contre son beau-fils qu'elle accuse d'avoir détourné l'essentiel des 4 milliards d'euros d'héritage familial. La justice avait même reconnu l'existence de placements exotiques dans des paradis fiscaux. Guy Wildenstein, rappelons-le, est un ami de Nicolas Sarkozy, responsable de l'UMP pour es expatriés français de la Côte Est des Etats-Unis et ancien collecteur de fonds pour le Premier Cercle pendant la campagne de 2007. Cette fois-ci, la nouvelle plainte vise plus largement tous les protagonistes de l'affaire, et notamment les deux ministres du Budget successifs, Woerth et Baroin, qui sont restés sourds aux relances écrites de Mme Sylvia Wildenstein. Or l'avocate de cette dernière estime avoir de nombreuses preuves écrites de l'évasion fiscales à laquelle se serait livrée Guy Wildenstein.
Mardi soir, une autre nouvelle terrifiait la Sarkofrance : le 5 mars 2009, Nicolas Sarkozy, alors Président, a remis en personne la Légion d'honneur à Guy Wildenstein.
Lundi, le Monde déposait la plainte annoncée la semaine dernière, pour violation du secret des sources, et au nom de de la société éditrice du Monde, représentée par le président du directoire Eric Fottorino, et de Gérard Davet, son journaliste objet des recherches des services secrets français. En revanche, comme le rappelle Rue89, la « taupe du Figaro » qui avait transmis à ce dernier des extraits d'un procès-verbal d'audition de Claire Thibout en juillet dernier n'a toujours pas été inquiétée. A l'époque, le Figaro avait publié un article non signé, accompagné d'un fac-similé de la dite audition où Claire Thibout, sans démentir ses accusations contre Nicolas Sarkozy, expliquait que Mediapart avait romancé certains de ces propos. Un journaliste du Figaro détaille le circuit de la fuite de l'époque : « Ça ne procède que d'Etienne Mougeotte. Il est en contact régulier avec Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, qu'il voit au moins une fois par mois, et qu'il a régulièrement au téléphone. Il voit aussi beaucoup Patrick Buisson. »
Quelle nouvelle opération de communication Nicolas Sarkozy devra-t-il inventer ?