L’été 2009 a inquiété les amateurs du saumon sockeye ou saumon rouge dans l’Ouest du Canada. Seuls un million de poissons étaient venus frayer – déposer leurs œufs – dans le fleuve Fraser sur les dix millions prévus.
Mais à la fin du mois d’août, alors que l’on s’attendait à une situation comparable à 2009, ce sont plus de 34 millions de saumons qui ont rejoint l’eau douce du fleuve Fraser, selon les décomptes (.pdf) diffusés par la Pacific salmon commission. Il faut remonter à 1913 pour retrouver des niveaux comparables. L’espèce est-elle pour autant hors de danger ?
Dans les années 1990, le précédent de la morue au Canada, victime de la surexploitation, avait marqué les esprits. En 2009, pour expliquer le peu de poissons observés, les pêcheurs ont été montrés du doigt. Les scientifiques ont invoqué les poux de mer, des parasites qui prolifèrent à cause des élevages intensifs de poissons. On a également pensé à une modification de la température de l’eau ou encore à l’appétit des phoques. Une histoire et des réponses malheureusement classiques en ces temps de surexploitation des ressources halieutiques.
Commission ad hoc. Aux premières inquiétudes, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a installé une commission ad hoc chargée de faire la lumière sur cette chute problématique des populations de poissons venues frayer dans le Fraser.
Obsolète la commission depuis que les saumons ont réapparu en masse dans le fleuve? Pas vraiment… Tout d’abord, la Commission Cohen, du nom du juge qui la dirige, n’a commencé ses travaux qu’en juin et ne devrait pas rendre ses conclusions avant 2011. Et d’ici là, les recherches à mener sont ambitieuses. En tout, ce sont 12 projets qui ont été lancés, allant de l’“impact des fermes salmonicoles” à la “dynamique de la production du saumon rouge du fleuve Fraser”. (Voir la liste de ces projets sur le site de la Commission Cohen).
Prudence. Nul doute que les scientifiques se pencheront sur l’évènement de 2010 tant il a été inattendu et, pour le moment, inexplicable. Et personne ne se risque à une quelconque analyse précise ; tout juste évoque-t-on un phénomène causé par une “multitude de facteurs”, comme le note le quotidien suisse Le temps :
“Les principaux experts de la question sont aujourd’hui presque tous membres de la commission publique. Ils ne s’expriment guère, par crainte de voir cette dernière remise en cause. Les scientifiques non plus ne souhaitent plus se prononcer, tant les déclarations à l’emporte-pièce d’il y a quelques semaines ont rendu tout le monde très prudent.”
Aussi dubitative que ses confrères, la biologiste Alexandra Norton, citée par le Times colonist, rappelle une élémentaire précaution scientifique : “une année ne représente pas une tendance”.
On verra l’été prochain combien seront les saumons, sachant que les pêcheurs s’en sont donnés à cœur joie. Plus de dix millions de poissons ont été prélevés par les professionnels et deux millions par les pêcheurs du dimanche.
Photo : Echoforsberg