Je vois venir avec le film de Bouchareb, une nouvelle vague de culpabilisation collective et d’autoflagellation nationale comme la France et les européens en chrétiens sécularisés mais encore sensibles au culte du martyr qu’ils sont, en ont le secret.
Au fond, c’est quoi l'Algérie?
Une partie du Maghreb, ce "couchant", une région peuplée dans l'antiquité de berbères berbérophones, successivement colonisés par des phéniciens (Carthage) puis des romains, puis des Vandales, puis des arabo-musulmans depuis le début du VII ème siècle après JC et, enfin, depuis le début du XV ème siècle une régence ottomane jusqu'à l'arrivée de Bugeaud et la chute de la smala d'Abd el kader. Autant dire que l'Algérie, en tant que nation, n'existe que depuis la colonisation française...Or la colonisation européenne a duré 130 ans, la régence truque a duré plus de 3 siècles, la colonisation arabo musulmane dure depuis 14 siècles...
Pourquoi, après tout, se focaliser ainsi sur une période aussi courte de l'histoire de nos deux pays? Pourquoi ne faire grief qu'à la France de sa geste coloniale? Pourquoi ne pas parler de la geste coloniale arabo-musulmane ou Turque en Méditerranée? (Pour ne parler que des plus récentes) Pourquoi Bouchareb trouve-t-il autant de soutiens, de relais autochtones à son entreprise anhistorique de mise au pilori de ce pays ?
"(...) On est capable en Occident, du moins certains d'entre nous, de dénoncer le totalitarisme, le colonialisme, la traite des Noirs ou l'extermination des Indiens d'Amérique. Mais je n'ai pas vu les descendants des Aztèques, les Hindous ou les Chinois, faire une autocritique analogue, et je vois encore aujourd'hui les Japonais nier les atrocités qu'ils ont commises pendant la Seconde guerre mondiale. La colonisation de certains pays arabes par les Européens a duré, dans le pire des cas, 130 ans: c'est le cas de l'Algérie, de 1830 à 1962. Mais ces mêmes Arabes ont été réduits à l'esclavage et colonisés par les Turcs pendant cinq siècles. La domination turque sur le Proche et le Moyen-Orient commence au XVe siècle et se termine en 1918. Il se trouve que les Turcs étaient musulmans - donc les Arabes n'en parlent pas. L'épanouissement de la culture arabe s'est arrêté vers le XIe, au plus le XIIe siècle, huit siècles avant qu'il soit question d'une conquête par l'Occident. Et cette même culture arabe s'était bâtie sur la conquête, l'extermination et/ou la conversion plus ou moins forcée des populations conquises. En Egypte, en 550 de notre ère, il n'y avait pas d'Arabes - pas plus qu'en Libye, en Algérie, au Maroc ou en Irak. Ils sont là comme des descendants des conquérants venus coloniser ces pays et convertir, de gré ou de force, les populations locales. Mais je ne vois aucune critique de ces faits dans le cercle civilisationnel arabe. De même, on parle de la traite des Noirs par les Européens à partir du XVIe siècle, mais on ne dit jamais que la traite et la réduction systématique des Noirs en esclavage a été introduite en Afrique par les marchands arabes à partir des XI-XIIe siècles (avec, comme toujours, la participation complice des rois et chefs de tribus noirs), que l'esclavage n'a jamais été aboli spontanément en pays islamique et qu'il subsiste toujours dans certains d'entre eux." (1)
"(...) Je ne dis pas que tout cela efface les crimes commis par les Occidentaux, je dis seulement ceci: que la spécificité de la civilisation occidentale est cette capacité de se mettre en question et de s'autocritiquer. Il y a dans l'histoire occidentale, comme dans toutes les autres, des atrocités et des horreurs, mais il n'y a que l'Occident qui a créé cette capacité de contestation interne, de mise en cause de ses propres institutions et de ses propres idées, au nom d'une discussion raisonnable entre êtres humains qui reste indéfiniment ouverte et ne connaît pas de dogme ultime."
"(...) L'écrasante majorité de la planète ne vit pas l'"égalisation des conditions", mais la misère et la tyrannie. Et, contrairement à ce que croyaient aussi bien les libéraux que les marxistes, elle n'est nullement en train de se préparer pour accueillir le modèle occidental de la république capitaliste libérale. Tout ce qu'elle cherche dans le modèle occidental, ce sont des armes et des objets de consommation - ni le habeas corpus, ni la séparation des pouvoirs. C'est éclatant pour les pays musulmans - un milliard d'habitants -, pour l'Inde - presque un autre milliard -, dans la plupart des pays du Sud-Est asiatique et d'Amérique latine. La situation mondiale, extrêmement grave, rend ridicules aussi bien l'idée d'une "fin de l'histoire" que d'un triomphe universel du "modèle démocratique" à l'occidentale. Et ce "modèle" se vide de sa substance-même dans ses pays d'origine."(2)
(1) Cornélius Castoriadis, http://www.republique-des-lettres.fr/232-cornelius-castoriadis.php
(2) C Castoriadis, La montée de l'insignifiance, (Les carrefours du labyrinthe IV), Seuil.
Donc :
-il ne faut pas voir dans ma prose affligeante une quelconque défense de la colonisation française de l'Algérie mais une mise en perspective du fait colonial et la volonté de pointer la mahonnêteté intellectuelle de nombreux protagonistes dans cette affaire (aussi bien algériens que français): aprés tout, les algériens sont dans leur (mauvais) rôle lorsqu'ils accablent l'ancienne puissance coloniale,
-les dirigeants algériens, pour l'essentiel une clique d'apparatchiks du FLN corrompus et d'assassins arrogants, affidés du lobby militaro-industriel, savent parfaitement que la colonisation française au Maghreb s'inscrit dans cette constante anthropologique qui fait qu'une civilisation forte (par sa démographie, son économie, son génie propre, sa puissance guerrière, sa létalité particulière, etc...) tend à coloniser ses voisins. Si les algériens parlent –aussi- l’arabe et prient cinq fois par jour c’est parce qu’ils furent colonisés par des arabes qui éradiquèrent le christianisme antérieurement implanté,
- il est permis de voir dans cette agressivité constante à l’égard de notre vieille nation coloniale exagérément repentante une tentative un peu désespérée de maintenir un semblant de cohésion nationale dans un pays déchiré entre la vieille garde nationaliste issue des mouvements de libération nationale (produits de la guerre froide et souvent d’obédience marxiste) et en perte d’influence et la radicalisation d’un islam sunnite dont le GSPC et l’AQMI sont les fers de lance au Maghreb,
-nos dirigeants, pour l’essentiel des pleutres imbéciles sans la moindre profondeur historique et travaillés jusqu’à la moelle par la critique de la domination, un ethno-masochisme (Faye) débridé (genre les pitres Kouchner, Morin ou BHL) et la peur de voir se tarir le robinet énergétique, seraient bien inspiré de demander des comptes aux dirigeants corrompus et pitoyables de ce pays richissime (rente gazière et pétrolière stratosphérique) qui organise, jour après jour, la misère et l’exil de son peuple sous la bannière de l’islam et la haine de l’Occident. L’ordure Bouteflika, qui ne rechigne pas à se foire soigner dans nos hôpitaux, notamment.
-au fond, le mieux serait sans doute de réorienter notre politique énergétique vers la Russie/ le Caucase (25 % des réserves de gaz planétaires prouvées et 6% des réserves de pétrole sur un territoire encore largement inexploré), de limiter strictement notre dépendance énergétique à l’égard du Maghreb et de tarir l’immigration maghrébine et sub-saharienne en la réorientant vers des populations aux valeurs civilisationnelles plus proches des nôtres donc moins susceptibles d’aggraver la sécession à l’œuvre depuis 40 ans en Europe,
-il suffirait d’un peu de courage politique pour mettre fin à ce marché de dupes (pétrole contre immigration, progressisme maghrébin versus repentance européenne…). Courage et politique, deux concepts malheureusement étrangers à nos modernes ilotes festifs. Dommage.