“En tout ce qui ne tient pas au sexe, la femme est homme” : on peut commencer par penser que Rousseau tient là une belle tautologie ! Puis il ajoute : “la difficulté de les comparer vient de celle de déterminer dans la constitution de l’un et de l’autre ce qui est du sexe et ce qui n’en est pas”. Quelle est la part, en chaque individu, d’universelle humanité et de particularité sexuelle ? Cette particularité s’étend-t-elle jusqu’à informer un tempérament, une intelligence, des aptitudes ? Pour Rousseau, la réponse est affirmative : “Ces rapports et ces différences (de l’homme et de la femme) doivent influer sur le moral”.
Le 20e siècle a, depuis, déplacé le débat. Il ne s’agit plus de savoir en quoi l’appartenance à un sexe influe sur ce que l’on est, mais si cette influence est naturelle ou culturelle - car ladite influence est généralement reconnue. A ceci près que, si le sexe relève de l’acquis et non de l’inné, il peut être désappris, et l’influence qu’il exerce peut être contrecarrée.
En revanche, à considérer, comme Rousseau, que ces différences sont “naturelles” (il ne cesse d’invoquer les fins prévues par la nature pour l’homme et pour la femme), on superpose à la nature humaine la nature sexuelle - et la seconde recouvre bientôt la première, jusqu’à l’étouffer. Dès lors, hommes et femmes ne peuvent plus être égaux, puisqu’ils ne sont pas “comparables”, comme l’écrit Rousseau.
C’est en tout cas la lecture que je fais de son refus de la comparaison : une manière détournée de nier l’égalité des sexes, en tant que sexes, pour se contenter d’affirmer l’égalité entre être humains. Ce qui revient à dire que la femme est égale à l’homme dans la mesure où elle n’est pas une femme et où il n’est pas un homme ! On retrouve là l’aberration de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1792 qui oubliait la femme, et à laquelle Olympe de Gouges répondit par la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.