Cela s'annonce comme un gros pavé appétissant :
"Après l'extraordinaire succès de Sept mers et treize rivières, Monica Ali nous plonge dans le melting-pot des cuisines d'un grand restaurant londonien. Profonde, douce-amère, une œuvre ambitieuse qui dépeint les désarrois d'une société attachée à ses traditions, confrontée à un monde nouveau qu'elle ne comprend pas. Chef des cuisines de l'hôtel Imperial, un palace plus vraiment à la hauteur de sa splendeur d'antan, Gabriel Lightfoot doit composer chaque jour avec une équipe cosmopolite et chahuteuse, une petite amie chanteuse qui se pose des questions sur leur relation et un père malade qui lui laisse des messages aussi laconiques que culpabilisants sur son répondeur. Une mort va faire voler en éclats son fragile équilibre : le corps d'un des plongeurs est retrouvé dans les sous-sols du restaurant. Une mort solitaire, anonyme, parmi ces travailleurs immigrés interchangeables. Soudain, Gabriel prend conscience que ses cuisines cachent bien des secrets : trafics en tous genres, prostitution, chantages, violence quotidienne... Surgit Lena, une fille de l'Est, mystérieusement liée à la mort du plongeur. Irrésistiblement attiré par cette femme en perdition, Gabriel va prendre une décision qui remettra en question tout ce en quoi il avait cru jusqu'ici..."
Et finalement, même s'il se révèle parfois un peu lourd, le roman de Monica ALI est tout à fait intéressant. parce loin de s'en tenir aux descriptions des cuisines d'un grand hôtel, il va un peu plus loin et fouille au fond des placards pour y mettre à jour des choses pas très ragoûtantes. Population exploitée, dans cette Angleterre que l'on nous vante trop rapidement pour le "paradis" de ceux qui voudraient réussir vite, paradoxe d'une société qui n'a jamais autant parler (et montrer) de "bouffe" sans la faire ni la connaître vraiment, on finit par s'attacher aux pas de ce Gabriel Lightfoot, quadragénaire écartelé entre ses rêves de gloire et ses racines qui sont sur le point de lâcher. Ainsi le montre cette discussion entre Gabriel net sa petite amie Charlie. Voici donc :
LE PORNO DE LA BOUFFE
- Tu m'as raconté que ta mère détestait cuisiner. C'est ce qui t'a motivé ? Tu voulais l'aider ?
- Chez nous, je ne cuisinais presque jamais. Je n'avais pas le droit.
- Alors c'est quoi, le point de départ ? insista-t-elle. Un repas fabuleux dans un restaurant, pendant les vacances ?
- Quand je suis entré à 'Ecole hôtelière, je n'avais même jamais goûté d'herbes aromatiques. Pour moi, une tranche d'ananas sur du jambon, c'était le summum de la gastronomie.
- Ah. Et ça ne l'est pas ? [...] Il y a bien quelque chose qui t'a poussé à emprunter cette voie, à devenir chef.
- Le glamour, l'argent facile, les serveuses dociles...
- Non, sérieux.
- Sérieux ? Je n'en sais trop rien. A l'époque, il n'y avait pas tous ces chefs célèbres. Ca ne semblait pas un bon choix de carrière, pas vraiment, pas du tout, même. Pourtant, il y a quelque chose qui m'a toujours plu dans le fait de prendre un morceau d'animal mort, des herbes aromatiques, d'autres végétaux ou extraits, et de les modifier. De les transformer. C'est le processus qui m'intéresse. J'aime le processus, l'approche scientifique. Et puis, je ne te parle pas de l'aspect séduction, bien sûr. Un bon cuisinier est presque sûr de baiser.
- Très drôle. T'es amusant, toi.
- Oh, tu crais que je blague ?
- C'est vrai que tout ça, c'est venu plus tard : les grands chefs dans les pages people des magazines, les programmes et même les chaînes de télé consacrées à la cuisine, les concours, les reportages -photo...
- En même temps, on prenait le temps de cuisiner. Aujourd'hui, c'est le règne du micro-onde, des plats préparés et des repas livrés à domcile. On ne cuisine plus.
- Non, les gens préfèrent regarder les émissions, acheter les livres et les revues. Il y en a de plus en plus, alors ils ont de plus en plus l''occasion de se rincer l'oeil, de prendre leur pied...
- Le porno de la bouffe, observa Gabriel. Mouais. Et ces gens-là ne tiendraient pas un jour en cuisine. Dans une vraie cuisine, je veux dire. Pas cinq minutes.
- Comment t'expliques ça ? Et qui fait la cuisine, dans un restaurant ? Les étrangers ? Ou est-ce qu'ils sont cantonnés à la plonge ?
- Tu me parlais des magazines ? Eh bien ils te montrent aussi des belles tenues, non ? Et t'as vu comment sont habillés les gens dans la rue ?
- Qui travaille en cuisine, alors ? insista-t-elle.
Monica ALI, En Cuisine, 2010.
Cela s'annonce comme un gros pavé appétissant :
"Après l'extraordinaire succès de Sept mers et treize rivières, Monica Ali nous plonge dans le melting-pot des cuisines d'un grand restaurant londonien. Profonde, douce-amère, une œuvre ambitieuse qui dépeint les désarrois d'une société attachée à ses traditions, confrontée à un monde nouveau qu'elle ne comprend pas. Chef des cuisines de l'hôtel Imperial, un palace plus vraiment à la hauteur de sa splendeur d'antan, Gabriel Lightfoot doit composer chaque jour avec une équipe cosmopolite et chahuteuse, une petite amie chanteuse qui se pose des questions sur leur relation et un père malade qui lui laisse des messages aussi laconiques que culpabilisants sur son répondeur. Une mort va faire voler en éclats son fragile équilibre : le corps d'un des plongeurs est retrouvé dans les sous-sols du restaurant. Une mort solitaire, anonyme, parmi ces travailleurs immigrés interchangeables. Soudain, Gabriel prend conscience que ses cuisines cachent bien des secrets : trafics en tous genres, prostitution, chantages, violence quotidienne... Surgit Lena, une fille de l'Est, mystérieusement liée à la mort du plongeur. Irrésistiblement attiré par cette femme en perdition, Gabriel va prendre une décision qui remettra en question tout ce en quoi il avait cru jusqu'ici..."
Et finalement, même s'il se révèle parfois un peu lourd, le roman de Monica ALI est tout à fait intéressant. parce loin de s'en tenir aux descriptions des cuisines d'un grand hôtel, il va un peu plus loin et fouille au fond des placards pour y mettre à jour des choses pas très ragoûtantes. Population exploitée, dans cette Angleterre que l'on nous vante trop rapidement pour le "paradis" de ceux qui voudraient réussir vite, paradoxe d'une société qui n'a jamais autant parler (et montrer) de "bouffe" sans la faire ni la connaître vraiment, on finit par s'attacher aux pas de ce Gabriel Lightfoot, quadragénaire écartelé entre ses rêves de gloire et ses racines qui sont sur le point de lâcher. Ainsi le montre cette discussion entre Gabriel net sa petite amie Charlie. Voici donc :
LE PORNO DE LA BOUFFE
- Tu m'as raconté que ta mère détestait cuisiner. C'est ce qui t'a motivé ? Tu voulais l'aider ?
- Chez nous, je ne cuisinais presque jamais. Je n'avais pas le droit.
- Alors c'est quoi, le point de départ ? insista-t-elle. Un repas fabuleux dans un restaurant, pendant les vacances ?
- Quand je suis entré à 'Ecole hôtelière, je n'avais même jamais goûté d'herbes aromatiques. Pour moi, une tranche d'ananas sur du jambon, c'était le summum de la gastronomie.
- Ah. Et ça ne l'est pas ? [...] Il y a bien quelque chose qui t'a poussé à emprunter cette voie, à devenir chef.
- Le glamour, l'argent facile, les serveuses dociles...
- Non, sérieux.
- Sérieux ? Je n'en sais trop rien. A l'époque, il n'y avait pas tous ces chefs célèbres. Ca ne semblait pas un bon choix de carrière, pas vraiment, pas du tout, même. Pourtant, il y a quelque chose qui m'a toujours plu dans le fait de prendre un morceau d'animal mort, des herbes aromatiques, d'autres végétaux ou extraits, et de les modifier. De les transformer. C'est le processus qui m'intéresse. J'aime le processus, l'approche scientifique. Et puis, je ne te parle pas de l'aspect séduction, bien sûr. Un bon cuisinier est presque sûr de baiser.
- Très drôle. T'es amusant, toi.
- Oh, tu crais que je blague ?
- C'est vrai que tout ça, c'est venu plus tard : les grands chefs dans les pages people des magazines, les programmes et même les chaînes de télé consacrées à la cuisine, les concours, les reportages -photo...
- En même temps, on prenait le temps de cuisiner. Aujourd'hui, c'est le règne du micro-onde, des plats préparés et des repas livrés à domcile. On ne cuisine plus.
- Non, les gens préfèrent regarder les émissions, acheter les livres et les revues. Il y en a de plus en plus, alors ils ont de plus en plus l''occasion de se rincer l'oeil, de prendre leur pied...
- Le porno de la bouffe, observa Gabriel. Mouais. Et ces gens-là ne tiendraient pas un jour en cuisine. Dans une vraie cuisine, je veux dire. Pas cinq minutes.
- Comment t'expliques ça ? Et qui fait la cuisine, dans un restaurant ? Les étrangers ? Ou est-ce qu'ils sont cantonnés à la plonge ?
- Tu me parlais des magazines ? Eh bien ils te montrent aussi des belles tenues, non ? Et t'as vu comment sont habillés les gens dans la rue ?
- Qui travaille en cuisine, alors ? insista-t-elle.
Monica ALI, En Cuisine, 2010.