Après un été particulièrement mouvementé pour le Président et son gouvernement, la rentrée a, elle aussi, été placée sous le signe de la contestation. A quelques semaines du remaniement ministériel et à moins de deux ans de la prochaine grande bataille électorale, Délits d’Opinion a demandé à Stéphane Rozès, Président de Cap, d’effectuer une revue d’effectifs des forces en présence.
Délits d’Opinion : Après le tour de vis sécuritaire de l’été, la rentrée est marquée par le grand projet du quinquennat, la réforme du régime des retraites. Ces deux grands débats marquent-ils le début de la campagne présidentielle ?
Stéphane ROZES : La séquence de l’été liant insécurité, immigration et définissant les politiques publiques par une approche communautariste qui a visé à pointer les roms comme une communauté, est très certainement la première marque d’une stratégie présidentielle qui vise à récupérer un noyau dur à droite de la droite. Cette tactique doit permettre d’éviter que le score de Marine Le Pen au premier tour ne place symboliquement Nicolas Sarkozy en deuxième position face au candidat soutenu par le Parti Socialiste. Pour autant, cette première étape et ce premier message envoyés aux électeurs n’est pas exclusif d’autres types de messages envoyés à un électorat qui en ce moment se détourne clairement de Nicolas Sarkozy.
Alors que la séquence estivale a abordé des questions de valeurs qui traversaient les familles de droite, la réforme des retraites vise dans le même temps à toutes les rassembler derrière l’Elysée. Le Président Sarkozy perçoit également ce nouveau chantier comme un vivier duquel il va pouvoir extraire un argument de poids en vue de la prochaine élection présidentielle : sa capacité à réformer sur des sujets difficiles en dépit des doutes et des réticences de l’opinion publique.
Le point commun entre ces deux dossiers c’est le souhait de Nicolas Sarkozy de choisir lui-même ses terrains de batailles et ceci sur les deux flancs de l’UMP; à droite et à gauche. Paradoxalement, si ses choix politiques en matière d’immigration et de sécurité lui poseront problème à terme du fait d’une évolution du débat sur le champ des valeurs, le dossier des retraites sera plus facilement utilisable car il démontre sa capacité à gouverner et à réformer malgré l’opposition de l’opinion publique.
Délits d’Opinion : Le remaniement ministériel longtemps repoussé devrait avoir lieu dans les prochaines semaines. Quels sont pour le Président-futur candidat les enjeux de ce jeu de chaises musicales?
Stéphane ROZES : Tout d’abord il est important de noter que le temps a été particulièrement long et la résistance de certains ministres très forte. L’annonce faite très en amont de redistribuer les portefeuilles ministériels a d’ailleurs eu pour principale conséquence de rendre l’appareil politique quasi-immobile depuis plusieurs mois.
Nicolas Sarkozy avait fixé lui-même cette échéance afin de se construire un calendrier qui lui permette de procéder par étapes. La conclusion du dossier des retraites va signer la fin de ce premier acte et l’arrivée d’une nouvelle équipe gouvernementale. François Fillon conserve malgré cette hypothèse de remaniement une forte cote de popularité. En effet, pour une partie non négligeable d’électeurs de droite, il est celui dont le président devrait continuer à s’entourer voir à s’inspirer. L’homme de Matignon préfère le rassemblement là où l’hôte de l’Elysée préfère la scission « stratégique » de l’opinion publique. Pourtant, le Président semble contraint d’impulser un nouveau mouvement et pour cela il est convaincu qu’il doit changer de Premier Ministre.
A ce contexte franco-français, il faut également ajouter le fait que la France doit assumer prochainement la présidence du G20; un tremplin de plus que le Président Sarkozy voudrait prendre avec une nouvelle équipe à ses côtés. Pour des raisons politiques, il semble difficile d’imaginer le Président choisir un responsable politique qui ne soit pas issu du centre-droit car c’est bien cette partie de l’électorat qui aujourd’hui semble remettre le plus en cause la parole présidentielle après avoir témoigné son manque de soutien lors des élections régionales.
Délits d’Opinion : Dans l’opposition, le PS semble enfin décidé à travailler ensemble et sous une même bannière. A moins de deux ans de l’élection suprême, quels peuvent être les ingrédients d’un succès de la gauche emmené par le Parti Socialiste?
Stéphane ROZES : A l’heure actuelle, on peut identifier deux ingrédients par ailleurs liés entre eux. Le premier est incontestablement le travail de fond sur les dossiers et donc sur les idées que le parti sera en mesure de proposer aux électeurs. Au-delà des propositions sur différents thèmes allant de l’économie à l’écologie, il s’agira pour le candidat de la gauche de démontrer que le PS est en mesure de proposer une nouvelle façon de gouverner. Le second élément tient plus de la posture que le parti et son candidat devront adopter. C’est qui déjà acquis c’est que la victoire se construira de manière positive car l’antisarkozysme ne sera jamais suffisamment mobilisateur pour l’emporter.
Le PS devra donc définir un projet qui sera en mesure de répondre aux attentes des Français et non pas aux propos ou propositions du candidat de droite. Il est clair que le succès couronnera un camp qui s’imposera comme ligne de conduite le mouvement et non pas l’immobilisme qui se contente de critiquer. Le challenge du PS est donc de démontrer que la gauche est capable de lier la question du développement économique, de la cohésion sociale et les préoccupations environnementales.
Délits d’Opinion : Face à Nicolas Sarkozy, la Gauche semble hésiter entre la première Secrétaire, Martine Aubry et la Président du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Quel serait le candidat idéal de la gauche et serait-il possible de le positionner sur l’échiquier politique?
Stéphane ROZES : Ce candidat devra être capable d’incarner par son discours un projet innovant et mobilisateur au service des Français. D’autre part, il devra porter l’idée que la justice n’est pas la justification d’un immobilisme mais qu’elle est la condition de la réforme.
Pour ce qui est de son positionnement, il serait inapproprié d’évoquer un « positionnement idéal ». En effet, pour une élection présidentielle, et a fortiori dans la période actuelle, il ne convient pas d’utiliser le schéma que conçoit le personnel politique actuellement. Le bon positionnement c’est plutôt la bonne combinaison entre des valeurs et des leviers d’actions clairement identifiés par les électeurs. La sacre de Nicolas Sarkozy en 2007 vient de ce qu’il a su trouver la clé de résolution de la contradiction du pays et de ses électeurs.
A ce jour, il existe un tel décalage entre les électeurs et la représentation politique que le sujet n’est pas de savoir où se mène la campagne mais de construire la résolution de la contradiction du pays entre valeurs comme l’égalité et la justice (régistre du souhaitable) des politiques publiques qui en terme de faisabilité semblent se situer plutôt à droite.
Propos recueillis par Raphaël Leclerc